Une magnifique robe rouge brodée fait actuellement le tour des réseaux sociaux et celui des musées les plus prestigieux. Cette robe, réalisée en plusieurs points de la planète, semble avoir pour destin de déplacer à travers le monde. Ainsi en a voulu sa conceptrice, la britannique Kirstie MacLeod, qui en a fait une plate-forme artistique pour permettre aux femmes du monde entier, surtout celles marginalisées et appauvries, de raconter leurs histoires personnelles à travers les broderies rehaussant cette magnifique robe rouge baptisée The Red Dress Project. Ainsi, cette pièce en soie doupion rouge bordeaux a fait, au cours du processus de fabrication, le tour de la planète avec des arrêts dans 28 pays où elle a été ornée de 244 motifs, comme autant d’histoires, ajoutés les uns après les autres.
Durant douze ans, de 2009 à 2021, cette œuvre d’art est notamment passée entre les doigts habiles de réfugiées palestiniennes, de victimes de la guerre au Kosovo, du Rwanda et du Congo, de femmes défavorisées en Afrique du Sud, au Mexique, en Égypte, au Kenya, au Japon, à Paris, en Suède, au Pérou, en République tchèque, à Dubaï, en Afghanistan, en Australie, Argentine, Suisse, au Canada, à Tobago, aux États-Unis, en Russie, au Pakistan, au pays de Galles, en Colombie et encore au Royaume-Uni. La robe a aussi fait une halte dans les studios de broderie haut de gamme d’Inde et d’Arabie saoudite. Au total donc, 244 brodeurs, parmi lesquels 239 femmes et 5 hommes, dont 139 ont été rémunérés, ont permis la réalisation de cette pièce dans un dialogue parfait.
Des millions de points à l’aiguille et 12 années d’élaboration
Beaucoup de femmes qui ont participé à ce travail collectif sont des brodeuses établies, mais de nombreux pans du vêtement portent aussi la touche de brodeuses novices. Elles ont toutes été encouragées à raconter, à travers leur artisanat, une histoire personnelle qu’elles aimeraient partager et qui reflète leur propre identité et leur contexte culturel et traditionnel. Certaines ont donc choisi des compositions utilisant un style de broderie spécifique pratiqué depuis des siècles au sein de leurs famille, village ou ville.
En ce qui concerne l’auteure de cette initiative, Kirstie MacLeod, elle s’est spécialisée dans l’art des textiles, du langage visuel et des disciplines théâtrales. À son actif, des travaux diversifiés allant de la broderie aux installations, en passant par la peinture, le dessin et la photographie. Avec le projet de cette robe unificatrice, elle cherchait à générer un dialogue identitaire à travers la broderie, fusionnant diverses cultures sans frontières. Au cours de ces douze années d’élaboration, et à travers les récits des femmes concernées, la robe est devenue une plateforme d’expression personnelle. Et, surtout, une opportunité pour toutes de se faire entendre.
Un grand nombre de ces femmes reconstruisent à présent leur existence grâce à leurs compétences en broderie ou en suivant une formation dans ce domaine, pour pouvoir gagner leur vie d’une manière digne.Étalé sur douze ans, le voyage d’élaboration de cette robe « multigriffée » s’est achevé, avec son assemblage et sa configuration finale, au début de cette année. Couverte de millions de points à l’aiguille, de mètres et des mètres de fils et de centaines de perles, elle pèse 6,2 kilos et est chargée autant, et peut-être plus, de ce que murmure son ornementation.
Un symbole fort
La robe a été exposée dans diverses galeries et musées à travers le monde, notamment à la galerie Maeght à Paris, à Art Dubaï, au Museo Des Arte Popular à Mexico, la Bibliothèque nationale du Kosovo, dans le cadre d’un événement à la Royal Academy de Londres et au concours textile Premio Valcellina Award à Maniago, en Italie. Quant à l’idée première de la Robe Rouge, son auteure l’a ainsi exposée au site letempsdebroder.com : « J’avais été chargée par le British Council de créer une œuvre pour Art Dubaï 2009. Un projet qui m’a enthousiasmée. J’ai une fascination pour diverses cultures (ayant grandi dans divers pays du monde entier) et j’avais le désir de créer une œuvre qui unirait et rassemblerait autant d’identités différentes que possible sans frontières ni préjugés. Alors, j’ai pensé au concept d’une plateforme qui permettrait aux femmes de s’exprimer, de se sentir responsabilisées et d’être entendues. Dans cette optique, une robe m’a semblé le véhicule approprié car c’est un symbole si puissant de la féminité. Pour le matériel et la couleur, j’ai fait des recherches sur le patrimoine du pays exposant, les Émirats arabes unis. J’ai appris que la soie rouge était particulièrement appréciée.
Pour ma part, j’aime la force du rouge, et le sentiment d’amour, de force, de colère, et de sang que cette couleur exalte. Tout cela fait partie de notre expérience humaine et rien de mieux pour porter la voix féminine. »
Elle même y est allée de son talent de brodeuse en réalisant une énorme araignée étalant ses fils au dos de la Robe Rouge. Comment conserver cette pièce unique au mieux ? Pour Kirstie MacLeod, c’est assez simple : il faut des « serviettes humides et beaucoup d’amour ».