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Culture - Événement

« J’espère que nous pourrons reprendre “Baalbek mon amour” sur place cet été »

Le concert « Baalbek mon amour » a eu lieu le 2 décembre, rassemblant huit artistes renommés et internationaux dans l’auditorium de l’Institut du monde arabe. Ils ont choisi d’offrir leurs talents de créateurs et d’interprètes pour marquer leur soutien au Festival de Baalbeck, devant un public dont les sens ont été réveillés par une programmation innovante, surprenante et cohérente dans sa diversité. Un événement sous le haut patronage de François Hollande, et dans le cadre de l’initiative Li Beyrouth de l’Unesco, avec le soutien de l’IMA.

« J’espère que nous pourrons reprendre “Baalbek mon amour” sur place cet été »

Les tournoiements capiteux de la danseuse soufie Rana Gorgani accompagnent les variations d’une rythmique tendue. Photo DR

« Lorsque Simon m’a parlé d’un dîner avec François Hollande au cours duquel ils ont décidé d’organiser un concert pour soutenir le Festival de Baalbeck, j’étais très émue : on ne dit pas non à une telle proposition ! Je crois que Simon est tombé amoureux du festival en y jouant en 2015 une pièce de Gabriel Yared, où chantait Fadia Tomb el-Hage, sur un texte de Nadia Tuéni. Après les différents confinements, une date a été fixée, puis elle a été reportée, je ne savais pas si je devais y croire ou pas... » confie Nayla de Freige, quelques heures avant ledit concert. « Ces deux dernières années, le Festival de Baalbeck a pris un visage différent. En 2020, nous avons organisé une édition spéciale, “The Sound of Resilience”, avec l’Orchestre philharmonique dirigé par Harout Fazlian, à l’intérieur du temple de Bacchus. Nous avons été parmi les premiers au monde à rassembler des musiciens pour jouer dans un même lieu. L’orchestre s’est réuni avec la chorale et nous avons diffusé le concert en direct sur toutes les télévisions libanaises et sur les réseaux sociaux : au bout de trois jours, nous avions atteint quinze millions de spectateurs », explique la présidente du festival avec ferveur. « L’année passée, nous avons décidé d’aider les jeunes artistes libanais, ceux qui sont en mal de visibilité et qui ont besoin d’un cadre pour exprimer leur créativité. Ils ont travaillé sur des concerts de dix minutes, joués dans les temples romains de la Bekaa, puis nous avons filmé et monté l’ensemble bout à bout. Devant deux cents personnes, nous avons projeté le film des différentes séquences, intitulé Shine on Lebanon. Plusieurs de ces jeunes talents présentés ont ensuite été invités à se produire à Dubaï, en Égypte ou ailleurs, et c’est très encourageant », ajoute celle qui n’a pas peur de regarder la réalité en face. « Même si notre comité se réunit deux fois par mois afin de préparer la nouvelle édition, tout va dépendre de la situation sanitaire, politique, économique et sociale en ce qui concerne le festival de 2022. Notre mission est touristique, mais actuellement, elle est essentiellement culturelle. Auparavant, nous étions aidés par le ministère du Tourisme. Cependant, cela fait plusieurs années que nous n’avons plus de subventions, nous avons même des arriérés qui n’ont pas été versés. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Et nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire, avec des moyens différents, sachant que nous sommes le seul festival qui a eu des activités ces deux dernières années. Nous avons d’ailleurs créé une association avec les autres comités afin de rassembler nos forces dans ce contexte difficile. Je tiens à préciser que le gouverneur de Baalbeck, Bachir Khodr, sera des nôtres ce soir (jeudi soir, NDRL), ce qui est très positif pour nous », indique celle dont le comité a également participé à l’événement Recollect Beyrouth, organisé pour marquer le quarantième jour après l’explosion, et dans le cadre duquel était proposé un concert dans les jardins de la maison Cochrane. « Je pensais que Simon Ghraichy organiserait un récital où il serait au piano, puis j’ai appris qu’il avait sollicité d’autres artistes et que le concert serait à plusieurs voix, pluridisciplinaire et international. J’ai trouvé cette idée formidable, mais je ne suis pas impliquée dans la direction artistique du concert, et ce soir, je suis une spectatrice comme les autres », note sobrement Mme de Freige.


La présidente du Festival de Baalbeck, Nayla de Freige, prononçant un mot de remerciement avant le concert « Baalbek, mon amour ». Photo DR

Un pianiste aux gants noirs, une danseuse soufie, de la musique espagnole...

C’est entre les murs ornés de moucharabiehs dorés et argentés qu’ont résonné les paroles d’accueil qui ont précédé le concert. La salle est concentrée, attentive, consciente de l’enjeu de l’événement. Le président de l’IMA Jack Lang étant en déplacement, il s’exprime par le biais d’un enregistrement, insistant sur l’importance de ce « moment de beauté et de solidarité, pour que le festival vive, au nom d’un amitié indestructible entre la France et le Liban ». Les premiers mots du poème d’Etel Adnan Ilik ya Baalbeck (« À toi Baalbeck ») introduisent la prise de parole de Nayla de Freige, qui a tenu à remercier, entre autres, la Fondation de France qui reçoit les dons pour le festival. « Merci à l’Unesco et leur initiative Li Beyrouth, merci à la générosité des artistes qui vont se produire ce soir. J’espère que nous pourrons les inviter pour reprendre ce spectacle à Baalbeck cet été, et nous nous engageons à continuer grâce à vous qui êtes là ; nous promettons d’être à la hauteur de cette collaboration », a-t-elle conclu. Après l’intervention d’Ernesto Ottone, qui a rappelé que l’Unesco œuvrait aussi bien à la reconstruction des bâtiments libanais qu’à la reprise de la vie culturelle du pays, c’est l’ancien président français François Hollande qui a rappelé sa solidarité avec le Liban. « Nous ne voulons pas rester insensibles à cette souffrance et nous ne laisserons pas le Liban seul », a-t-il indiqué.

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Puis c’est le doigté à la fois précis et fulgurant de Simon Ghraichy qui emporte la salle, avec un prélude et une fugue en la mineur (Bach-Liszt). Les tournoiements capiteux de la danseuse soufie Rana Gorgani accompagnent les variations d’une rythmique tendue. Un interlude, composé par Jacopo Baboni Schilingi, reprend des structures musicales de la pièce pour créer un glissement vers la séquence suivante, « Séguedille » de Carmen de Bizet, interprétée par la cantatrice Farah el-Dibany, elle-même accompagnée par Ghraichy. La longue robe mauve de la chanteuse est mise en valeur par un éclairage dont la lumière est vive, s’accordant avec l’éloquence d’un timbre riche et sonore. La composition de Camille el-Bacha (au piano) et de Naguib Shanbehzadeh (aux percussions) change radicalement de tempo, elle devient douce et fluide. Peu à peu elle prend de l’ampleur, la mélodie est de plus en plus dense et efficace, soutenue par la rythmique des trois plateaux à percussions avec lesquels elle dialogue. Puis la danseuse derviche s’intègre dans le tableau sonore, sa large jupe pourpre est parsemée d’étoiles brillantes bleues qui accompagnent la saillie des gestes musicaux.

C’est ensuite celui que l’on appelle parfois la rock star du piano qui interprète une pièce de Granados, puis de Tarrega, alors que la danseuse derviche s’allège et enlève progressivement ses jupons ondoyants pour finalement libérer ses mouvements dans une robe rouge. L’éclairage est sobre et juste, contrastant avec l’exubérance de la mélodie, de l’interprétation musicale et de la gestuelle. Après le set guitare et voix de Dafné Kritharas et Paul Barreyre, c’est la composition Huge de Jacopo Baboni Schilingi qui est mise à l’honneur. Le pianiste, dont la veste noire, ornée de borderies dorées, est assortie aux chaussures, interprète une pièce de musique expérimentale : une musique électronique déroutante s’associe à la maîtrise du jeu stable et tonique de Ghraichy. La dramaturgie s’invite sur scène lorsque le pianiste s’interrompt pour porter des gants de cuir noir, dans une série de fracas tonitruants, puis il se met à taper sur les cordes elles-mêmes du Steinway. Le spectacle est total, avant un retour à l’harmonie ponctuel, puisque la salle est soudain plongée dans une obscurité totale.


Daphné Kritharas et Paul Barreyere lors du concert « Baalbek mon amour » à l’IMA. Photo DR

Aatini naya wa ghani puis Li Beyrouth terminent la trajectoire incroyablement diverse de la programmation. La cantatrice porte une robe turquoise, les lumières sont bleutées et l’interprétation de Farrah el-Dibany, comme celle de Simon Ghraichy, exprime le parti pris d’une émotion contenue. La version épurée des chansons de Feyrouz manifeste le choix de ne pas céder à la facilité du sentimentalisme. La diction parfaite de la musicienne correspond à son timbre précis et maîtrisé, mettant en valeur les textes chantés, soulignés par un accompagnement au piano qui ménage des intermèdes instrumentaux qui portent la rêverie. La salle réagit avec émotion et manifeste sa gratitude à ces jeunes artistes généreux et incroyablement talentueux et audacieux. « Baalbek mon amour » a lancé une dynamique extrêmement puissante, en actualisant les perspectives du Festival de Baalbeck de cet été, ce à quoi Nayla de Freige a été particulièrement sensible. « Je n’ai aucune idée de ce que ce projet apportera comme montant au festival, mais le soutien moral et la reconnaissance internationale sont un réel moteur pour nous. Ils nous poussent à aller de l’avant et à sans cesse nous remettre en question. »

« Lorsque Simon m’a parlé d’un dîner avec François Hollande au cours duquel ils ont décidé d’organiser un concert pour soutenir le Festival de Baalbeck, j’étais très émue : on ne dit pas non à une telle proposition ! Je crois que Simon est tombé amoureux du festival en y jouant en 2015 une pièce de Gabriel Yared, où chantait Fadia Tomb el-Hage, sur un texte de Nadia...

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