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Sport - Courses auto

Homme contre intelligence artificielle, plus proche de la réalité que du fantasme

Une course remportée par une voiture sans conducteur, au milieu de machines manœuvrées par des pilotes : avec les progrès de l’intelligence artificielle, la compétition automobile entre homme et logiciel n’est plus un fantasme, mais les pilotes, les écuries et le public suivront-ils ?

Fin octobre dernier, à Indianapolis, une monoplace de la marque Dallara, seule en piste, a atteint 250 km/h sans conducteur et sans assistance humaine sur le mythique Motor Speedway. La même semaine, durant des essais sur un autre circuit d’Indianapolis, trois monoplaces dirigées chacune par un logiciel avaient effectué plusieurs dépassements, sans incident. Les ingénieurs spécialistes de la question en sont convaincus : il est désormais possible d’imaginer une course entre homme et intelligence artificielle. Un face-à-face mythique, comme celui qui opposa, en 1996 et 1997, le champion du monde d’échecs Garry Kasparov au superordinateur d’IBM Deep Blue, la machine l’emportant finalement sur l’homme.

En l’état, la chose est déjà possible, d’un point de vue sécurité, pour peu que les programmeurs « la jouent prudente et acceptent de perdre », avance Marko Bertogna, professeur à l’université Unimore, en Italie, et à la tête de l’équipe EuroRacing qui a participé en octobre à Indianapolis à l’Indy Autonomous Challenge (IAC). « Mais si je sais que celui qui programme la voiture veut vraiment gagner, je ne me mesurerais pas à elle dans un autre véhicule, dit-il. C’est encore trop risqué. » Au-delà de la captation de la géographie et des obstacles, déjà très supérieure à l’œil humain, l’enjeu est surtout la vitesse à laquelle le logiciel peut analyser les données qu’il reçoit. Plus la vitesse du véhicule est importante, plus le temps de réaction est court.

Fascinant

Professeur à l’université Politecnico de Milan et à la tête de l’équipe PoliMOVE engagée elle-aussi dans l’IAC, Sergio Matteo Savaresi estime que « d’ici à deux ans », une F1 identique à celle de Lewis Hamilton mais pilotée par un logiciel pourrait faire le même temps, en qualifications, que le septuple champion du monde de la discipline reine du sport automobile. « Mais c’est une tout autre histoire pour une course à plusieurs voitures », ajoute l’universitaire et ingénieur, et il va encore falloir patienter. « Pour moi, explique Sergio Matteo Savaresi, d’ici à dix ans, les équipes de F1 auront probablement un pilote humain et un logiciel d’intelligence artificielle », au lieu de deux pilotes aujourd’hui.

« Au début, nous serons sûrement les plus rapides, mais avec le temps, les choses pourraient changer », anticipe George Russell, pilote de l’écurie Williams, interrogé lors du dernier Grand Prix de F1 du Brésil, à la mi-novembre. « Mais il n’y aurait pas le côté humain, la passion, pas grand-chose pour s’enthousiasmer, prévient-il. Et quel que soit le sport, football, rugby ou F1, vous voulez voir des athlètes se mesurer les uns aux autres. Peut-être qu’on aurait aussi des fans robots. En tout cas, ce n’est pas pour moi. »

PDG de Penske Entertainment, propriétaire du championnat nord-américain IndyCar, la F1 américaine, Mark Miles va dans le même sens. « L’IndyCar est un sport qui réunit la machine et l’homme, donc, pour nous, jusqu’à nouvel ordre, ce sera un championnat avec des pilotes », a-t-il expliqué fin octobre. Il voit davantage les voitures autonomes comme une offre complémentaire des courses traditionnelles, une curiosité. Plus que l’attrait d’une voiture autonome en compétition, Mark Miles s’intéresse aux avancées technologiques que pourrait apporter l’intelligence artificielle aux voitures pilotées par des hommes. « Pour qu’une IndyCar puisse un jour rouler à 400 ou 480 km/h (les vitesses maximum sont actuellement autour de 370 km/h), il va sans doute falloir des systèmes de perception et de sécurité qui n’existent pas encore dans les voitures d’aujourd’hui », évoque Paul Mitchell, PDG d’Energy Systems Network et co-organisateur de l’Indy Autonomous Challenge.

Attrait éphémère

Mais le public, au moins pour une partie des spectateurs, est moins timoré. « Ce serait fascinant » de voir un humain batailler contre une voiture autonome, s’enthousiasmait Robert Plummer, venu voir l’IAC, fin octobre, sur le circuit qu’il fréquente depuis qu’il est enfant. « L’un des participants a dit que son but était de s’attaquer aux 500 Miles d’Indianapolis d’ici à cinq à dix ans », dit-il, mentionnant l’épreuve reine du sport automobile aux États-Unis.

Ceux qui ont réfléchi au sujet s’accordent néanmoins pour dire que l’attrait potentiel de ces courses ne durera qu’un temps. « Quand l’intelligence artificielle aura atteint (puis dépassé) le niveau des (pilotes) humains, d’un seul coup, le grand public se désintéressera » des courses. Une fois Kasparov battu par Deep Blue, l’idée d’une partie d’échecs entre un homme et un ordinateur n’a plus intéressé grand monde. « On courrait probablement contre quelque chose qui ferait systématiquement le tour parfait, entrevoit Daniel Ricciardo, pilote de l’écurie McLaren en F1. Et même si on est bons, nous ne sommes pas parfaits. Donc on perdrait probablement notre boulot. Donc ne nous lançons pas là-dedans. »

Thomas URBAIN

et Raphaëlle PELTIER/AFP

Une course remportée par une voiture sans conducteur, au milieu de machines manœuvrées par des pilotes : avec les progrès de l’intelligence artificielle, la compétition automobile entre homme et logiciel n’est plus un fantasme, mais les pilotes, les écuries et le public suivront-ils ? Fin octobre dernier, à Indianapolis, une monoplace de la marque Dallara, seule en piste, a...

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