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Monde - Droits des femmes

Comment nourrir ses enfants ? Le désespoir des Afghanes, privées de travail

Comment nourrir ses enfants ? 
Le désespoir des Afghanes, privées de travail

Des femmes en burqa marchent dans un marché de tapis à Kaboul, le 18 novembre 2021. Hector Retamal/AFP

À 21 ans, Madina* ramenait de l’argent à sa famille en faisant le métier de ses rêves, journaliste. Avec les talibans au pouvoir, comme tant d’Afghanes, elle ne peut plus travailler, vit désormais recluse et s’interroge angoissée : comment payer le loyer et se chauffer cet hiver ? « Mon futur est très sombre. (...) J’ai caché ma carte de presse pour sauver ma vie. J’ai peur qu’un jour, ils (les talibans, NDLR) viennent chez moi. » Une chape de plomb est tombée sur la jeune femme, qui il y a quelques mois encore rêvait de présenter le journal à la télévision et plus tard, peut-être, de faire de la politique. Elle était employée par une radio financée par les Américains qui a cessé d’émettre. Rechercher un nouveau travail serait vain. À part dans quelques secteurs comme la santé et l’éducation, les femmes ne travaillent plus depuis le retour des talibans en août.

Dans l’administration, où en 2020 plus de 27 % des employés étaient des femmes, les talibans ont demandé à celles-ci de ne pas revenir jusqu’à nouvel ordre. Alors que l’économie du pays est en lambeaux, de nombreuses familles ont perdu une partie conséquente de leurs revenus, le salaire des femmes. Or l’ONU a averti que l’Afghanistan était au bord d’une très grave crise humanitaire, plus de la moitié de sa population risquant de se retrouver à court de nourriture.

« Prisonnière »

Madina, qui vit chez ses parents, est l’aînée de la fratrie qui compte quatre filles et deux garçons. Son père, un ouvrier, a misé sur son éducation, ce qui, jusqu’en août, semblait être un bon pari. La famille vivait sur deux salaires, celui de Madina et de son père. « Désormais, il n’y a plus que le salaire de mon père (...). C’est très douloureux de voir la situation dans laquelle est ma famille. » C’était le salaire de Madina qui payait le loyer. « On s’endette auprès des commerçants pour acheter du riz, des haricots, ce que nous ne faisions pas avant. » L’hiver s’installe mais la famille n’a pas eu les moyens de se préparer. « Nous n’avons rien acheté pour nous chauffer », ni charbon ni bois.

Rabia*, elle, travaillait au ministère des Mines et du Pétrole. Le 15 août, à 10h, elle a quitté dans la panique son bureau juste avant que les talibans n’entrent à Kaboul. Elle n’y est plus retournée alors que ses collègues masculins ont bien repris leur poste. « Je me sens prisonnière à la maison », lâche-t-elle. À 25 ans, elle vit avec sa sœur et son frère qui sont enseignants. Tous deux travaillent, mais ne sont pas payés. « Pour le moment, on vit sur nos économies. Mais dans deux ou trois mois ? Je ne sais pas et nous aurons besoin d’argent pour nous chauffer. » Ils sont huit dans la famille, les économies seront rapidement épuisées. Alors Rabia supplie la communauté internationale : « Mettez la pression sur les talibans pour qu’ils autorisent les femmes à retravailler ! Elles sont souvent les seules à ramener de l’argent dans la famille. »

La honte de mendier

C’est le cas de Laila*, rencontrée sur un marché, seule femme au milieu d’hommes. Elle a commencé à mendier une semaine plus tôt, couverte d’une burqa pour ne pas être reconnue et « essayer de préserver un peu sa dignité ». Cette mère de 43 ans a six enfants à charge, seule. Elle travaillait comme femme de ménage pour une famille afghane qui a fui le pays après l’arrivée des talibans. Et maintenant, elle ne sait pas comment survivre. « Même celles qui avaient un emploi restent désormais à la maison, alors comment pourrais-je trouver un travail ? » se lamente-t-elle. « J’ai honte. C’est la première fois que je mendie. » Elle ne sait pas où est son mari, peut-être mort ou parti avec une autre femme. « Les enfants sont à la maison, ils ne savent pas que je mendie. Il faut que je trouve de quoi les nourrir (...). Nous n’avons même pas un verre de farine à la maison. » Arrive-t-elle à subvenir aux besoins de la famille en mendiant ? À cette question, elle éclate en sanglots. « Je suis très triste (...). Ma vie n’a jamais été aussi difficile que ces deux dernières semaines. »

Madina aussi pleure tous les jours. Elle ne sort quasiment plus ; elle a trop peur des talibans. La journée de l’ex-reporter se limite à des travaux ménagers et à de la lecture. « Je ne parle pas beaucoup de ma situation avec mes amies, on est toutes pareilles, ça ne sert à rien. » Rabia, elle aussi, est « déprimée », mais elle essaie de montrer à sa famille qu’elle résiste psychologiquement. « Ils me disent, et ils ont raison : “Ce n’est pas seulement toi mais des millions d’Afghanes qui sont dans la même situation”. »

* Tous les prénoms ont été modifiés.

Caroline Taix/AFP

À 21 ans, Madina* ramenait de l’argent à sa famille en faisant le métier de ses rêves, journaliste. Avec les talibans au pouvoir, comme tant d’Afghanes, elle ne peut plus travailler, vit désormais recluse et s’interroge angoissée : comment payer le loyer et se chauffer cet hiver ? « Mon futur est très sombre. (...) J’ai caché ma carte de presse pour sauver ma vie....

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