« Une visite préliminaire pour tâter le terrain et sonder les intentions des différentes parties libanaises. » C’est ainsi que les milieux proches du chef de l’État, du président de la Chambre et du Premier ministre ont qualifié la tournée effectuée lundi dernier par le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe Houssam Zaki à Baabda, Aïn el-Tiné, au Grand Sérail et au palais Bustros.
Cette impression véhiculée par les différentes sources consultées comporte un point positif qui se résume ainsi : une fois n’est pas coutume, les différentes parties avec lesquelles M. Zaki s’est entretenu sont d’accord sur l’évaluation de la visite. Mais elle a aussi un aspect négatif qui consiste dans le fait que les autorités saoudiennes attendent que le Liban fasse le premier pas, avant de songer à ébaucher un dialogue direct.
Les responsables avaient pourtant placé beaucoup d’espoir dans la visite de Houssam Zaki à Beyrouth, non pas parce que la Ligue arabe a, par le passé, pu régler efficacement les conflits interarabes qui ont jalonné son parcours depuis sa création en 1945 (la dernière crise en date avait opposé le Qatar aux autres pays du Conseil de coopération du Golfe et a duré trois ans avant d’être réglée sans son intervention), mais plutôt parce qu’ils ont décelé dans la rapidité avec laquelle l’institution a envoyé un émissaire une volonté de la part des pays du Golfe, en particulier de l’Arabie saoudite, de ne pas laisser le conflit avec le Liban prendre une grande ampleur. D’ailleurs, des informations confirmées sont parvenues aux autorités libanaises selon lesquelles le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmad Aboul Gheit avait discuté au préalable avec le ministre saoudien des Affaires étrangères, l’émir Fayçal ben Farhane, et avait obtenu son aval pour envoyer son adjoint à Beyrouth. Pour les Libanais, il s’agissait donc d’un indice positif qui montrait une disposition saoudienne à essayer de trouver des solutions à la crise avec le Liban.
Toutefois, les responsables ont dû déchanter, car Houssam Zaki n’était pas vraiment porteur d’idées nouvelles, ni d’un plan de sortie de crise. La seule idée qu’il a présentée à ses interlocuteurs libanais reposait sur le départ du ministre de l’Information Georges Cordahi, en guise de geste de bonne intention à l’égard de Riyad de la part du Liban. Selon le diplomate, tout début de dialogue avec l’Arabie saoudite passe par cette démarche, qu’il s’agisse d’une démission volontaire ou d’un limogeage. Après une telle initiative, la Ligue arabe pourrait alors obtenir des Saoudiens la reprise d’un dialogue direct avec les autorités libanaises.
De leur côté, les responsables libanais ont expliqué à l’émissaire de la Ligue arabe que le limogeage d’un ministre n’est pas chose aisée. Il y a des procédures précises et cela exige l’accord des deux tiers des membres du gouvernement, ce qui n’est pas garanti. Houssam Zaki aurait alors proposé que le gouvernement se réunisse pour étudier l’affaire du départ de Cordahi, quitte à ce que les ministres soient amenés à voter sur cette question. Mais cette proposition se heurte à plusieurs obstacles : d’abord l’issue du vote n’est pas garantie (8 ministres– 5 du tandem chiite, 2 des Marada et un du PSNS – devraient d’emblée s’opposer au départ de leur collègue); ensuite, les ministres chiites refusent jusqu’à présent de participer à une réunion du gouvernement avant le règlement du contentieux avec le juge d’instruction chargé de l’enquête sur l’explosion au port, Tarek Bitar.
La seule issue reste donc la démission « spontanée » de Georges Cordahi. Or, jusqu’à présent, et en dépit de l’intervention du patriarche maronite, le ministre de l’Information, soutenu notamment par le Hezbollah, ne semble pas convaincu par ce scénario.
Les responsables, en particulier le chef de l’État, auraient aussi expliqué à l’émissaire de la Ligue arabe que le Liban a donné plusieurs signes positifs à l’Arabie saoudite, qu’il s’agisse du départ du ministre des Affaires étrangères Charbel Wehbé ou de la lutte contre le trafic de Captagon à destination du royaume. Les autorités libanaises ont en effet saisi plusieurs cargaisons et arrêté nombre de trafiquants, et lorsqu’elles n’arrivaient pas à le faire, elles alertaient les Saoudiens de l’arrivée probable de marchandises de ce genre. L’ancien ministre de l’Intérieur Mohammad Fahmi a déployé beaucoup d’efforts à ce sujet. Malgré tout, les dirigeants saoudiens continuent de prendre des mesures contre les échanges commerciaux avec le Liban et contre le pays en général. De plus, l’ambassadeur saoudien à Beyrouth Walid Boukhari ne s’est plus rendu au palais présidentiel ni au Sérail depuis des mois, alors qu’avant d’être rappelé dans son pays, il multipliait les rencontres avec les parties politiques.
Selon les sources libanaises, Houssam Zaki aurait soigneusement écouté les arguments de ses interlocuteurs, sans se prononcer. Des échanges ont eu lieu sur la possibilité de pousser le Hezbollah à retirer ses hommes de Syrie ou du Yémen, mais les dirigeants ont expliqué qu’il s’agit d’une affaire qui dépasse l’État libanais.
L’émissaire de la Ligue a ensuite confié aux responsables que le ministre saoudien des Affaires étrangères a déclaré au secrétaire général Aboul Gheit que le royaume ne compte pas s’en prendre aux Libanais travaillant sur son territoire. Mais il a répété à plusieurs reprises que les Saoudiens veulent que le Liban fasse un pas positif en leur direction, qui consisterait dans le départ du ministre de l’Information.
Houssam Zaki a enfin annoncé à ses interlocuteurs que, de retour au Caire, il présentera son rapport à Ahmad Aboul Gheit, lequel devrait à son tour s’entretenir avec le ministre saoudien des Affaires étrangères. Mais il ne s’est pas montré très optimiste.
La crise politique avec les États du Golfe semble donc être coincée dans un cercle vicieux. Même la visite annoncée pour la semaine prochaine du ministre qatari des Affaires étrangères n’a pas encore été officiellement confirmée.
« Une visite préliminaire pour tâter le terrain et sonder les intentions des différentes parties libanaises. » C’est ainsi que les milieux proches du chef de l’État, du président de la Chambre et du Premier ministre ont qualifié la tournée effectuée lundi dernier par le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe Houssam Zaki à Baabda, Aïn el-Tiné, au Grand Sérail...
commentaires (5)
N'attendez rien des responsables libanais, tant qu'ils n'arrivent pas à réunir le gouvernement.
Esber
16 h 26, le 10 novembre 2021