Le Parlement libanais, réuni en séance plénière, a approuvé mardi la date du 27 mars 2022 pour les élections législatives, une date anticipée par rapport au calendrier électoral et justifiée par les députés par le mois de jeûne du Ramadan, prévu en avril, ce qui aurait risqué, selon eux, d'impacter la campagne électorale dans le cas d'un scrutin en mai. Le Parlement a par ailleurs voté un amendement de la loi électorale permettant aux Libanais de l’étranger de voter pour les 128 membres du Parlement et non seulement six.
En début de séance, au palais de l'Unesco, le député Alain Aoun (Courant patriotique libre, CPL aouniste) a demandé au nom de son groupe parlementaire que des débats portent sur la date anticipée, estimant que le scrutin pourrait être impacté , fin mars, notamment par les conditions météorologiques en montagne. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a alors proposé un vote sur ce point, et la majorité a voté en faveur de la date du 27 mars. La décision d'avancer le scrutin est interprétée dans les milieux de l'opposition comme une volonté de couper l'herbe sous les pieds des partis anti-système, qui tardent à s'organiser pour participer au scrutin.
Tensions Berry-Bassil
Le chef du CPL, Gebran Bassil, a annoncé que son parti présenterait un recours en invalidation contre cette loi au Conseil constitutionnel, soulignant que la date du scrutin doit faire l'objet d'un décret signé par le président de la République, Michel Aoun (fondateur du CPL), le chef du gouvernement et le ministre de l'Intérieur. Il a également évoqué les conditions climatiques en mars, ainsi que le carême dans les communautés chrétiennes, pour s'opposer à la date choisie. Répondant à M. Bassil, M. Berry a rétorqué que le sujet était clos, le vote ayant été comptabilisé. Le chef du législatif a encore dénoncé la "menace" de Gebran Bassil de présenter un recours au Conseil constitutionnel : "Personne ne peut me menacer. Je permets tout sauf la menace", a-t-il dit. Pour sa part, le député Hadi Aboulhosn (joumblattiste) a mis en garde contre "toute manipulation" concernant la date du scrutin désormais approuvée, qui risquerait de "menacer la tenue des législatives".
Gebran Bassil s'est une nouvelle fois opposé au chef du Parlement au sujet de la méthode de vote sur les amendements de la loi électorale, critiquant le fait qu'aucun dialogue n'ait été autorisé. "Il n'y a pas d'injustice. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de dialogue alors que j'ai donné la parole au ministre de l'Intérieur", lui a rétorqué M. Berry.
Vote des Libanais de l'étranger
Le Parlement a par ailleurs adopté un amendement de la loi électorale relatif au vote des Libanais résidant à l'étranger, leur permettant de voter pour les 128 membres du Parlement et non seulement six. Cette revendication était notamment portée par des organisations de la société civile et certains partis, comme les Forces libanaises (FL) et le Parti socialiste progressiste (PSP, du leader druze Walid Joumblatt). De leur côté, les aounistes restaient attachés aux dispositions actuelles de la loi de 2017 prévoyant que six sièges soient réservés à la représentation des émigrés, à raison d'un par continent, et formant une circonscription indépendante. Pour pouvoir voter à partir de leur pays de résidence, les Libanais de l'étranger sont appelés à s'inscrire sur une plateforme conçue à cet effet par le ministère des Affaires étrangères, jusqu'au 20 novembre.
Revenant à la charge contre ce vote lors d'une conférence de presse à l'issue de la séance, Gebran Bassil a déclaré que sa formation présenterait également un recours à ce sujet. Dénonçant les "revers" subis lors de la réunion par la loi électorale, il a dénoncé une "manipulation politique" en ce qui concerne le vote des émigrés sur laquelle "il ne va pas se taire". "Nous allons présenter un recours", a-t-il annoncé, justifiant sa prise de position par un "principe constitutionnel selon lequel lorsqu'un droit a été donné dans le cadre d'une législation, on ne peut pas l'annuler de cette façon".
Quota de femmes
L'utilisation de la carte d'électeur magnétique, normalement prévue dans la loi de 2017, a, elle, été suspendue exceptionnellement. Déjà, lors du scrutin de 2018, cette disposition avait été annulée pour des raisons logistiques.
Quant à l'adoption d'un quota de femmes sur les listes électorales, ainsi que parmi le nombre total de députés, elle n'a pas été avalisée par les députés, et le texte proposé par le bloc Amal a perdu son statut de "double urgence". Il devra donc être étudié par les commissions parlementaires mixtes, qui avaient refusé de l'examiner lors de leur dernière réunion, avant de pouvoir être de nouveau soumis en séance plénière. Lors d'une intervention avant le vote, M. Berry a reproché à certaines formations de "ne pas vouloir résoudre les problèmes du pays", estimant que le texte proposé par son groupe pour faire du Liban une seule circonscription électorale et créer un Sénat où musulmans et chrétiens seront représentés à parts égales permettrait de faire passer le pays "dans une nouvelle phase". Cette proposition, a-t-il rappelé, comprend un quota féminin de 20 députés. De son côté, le Premier ministre, Nagib Mikati, a affirmé qu'il était attaché à un quota féminin mais que cette mesure bute sur "un grand problème de répartition confessionnelle et régionale". Pour sa part, le président Aoun s'est prononcé en faveur ce quota, alors qu'il recevait, plus tôt dans la journée, une délégation de la Commission nationale de la femme libanaise, présidée par sa fille, Claudine Aoun-Roukoz. M. Aoun s'est dit prêt à soutenir tout amendement de la Constitution qui permettrait d'assurer l'égalité homme-femme dans le pays.
Concernant la mise en place de mégacentres de vote, permettant aux Libanais de voter à partir de leur lieu de résidence et non dans leur circonscription d'origine, M. Mikati a souligné que ces centres "ne figurent pas dans la loi électorale". "Il serait logique d'installer de tels centres, mais cela nécessite une certaine organisation et un budget", a-t-il ajouté, annonçant qu'il allait demander au ministre de l'Intérieur de décider si cette question nécessite une loi ou s'il s'agit seulement d'une question d'organisation pratique.
Pas d'intervention des députés
M. Berry avait ouvert la séance à 11h sans permettre aux députés d'intervenir avant la lecture de l'ordre du jour, outrepassant ainsi les dispositions du règlement intérieur de la Chambre, probablement pour éviter tout débat concernant le suivi de l'instruction sur la double explosion au port de Beyrouth et le juge en charge de l'enquête, Tarek Bitar. Le dessaisissement du magistrat, au centre de tous les débats depuis plusieurs semaines, est réclamé par plusieurs formations politiques, notamment Amal et le Hezbollah, qui accusent M. Bitar de mener une enquête arbitraire et politisée. Dans ce cadre, la proposition élaborée par le ministre de la Justice, Henri Khoury, de créer une chambre d’accusation qui statuerait sur des recours contre les décisions de M. Bitar lesquelles, selon la loi actuelle, ne sont susceptibles d’aucun recours, n'a pas été évoquée lors de la réunion parlementaire, ne faisant pas l'objet d'une entente politique, notamment concernant l’identité des trois magistrats qui pourraient composer cette instance.
S'exprimant en marge de la séance parlementaire, le ministre de la Culture, Mohammad Mortada (du mouvement Amal, du président de la Chambre), a déclaré que les ministres du tandem chiite étaient disposés à participer à toute réunion du gouvernement qui serait convoquée par le Premier ministre. "Nous participerons à toute réunion du Conseil des ministres convoquée par le chef du gouvernement", a déclaré le ministre Mortada, à la suite des déclarations de M. Mikati, lundi, qui avait exclu la démission de son équipe, laquelle avait risqué l'implosion sur fond de profondes divergences autour des compétences du juge Tarek Bitar. M. Mortada avait alors, dans une intervention incendiaire en Conseil des ministres, appelé au limogeage de M. Bitar, agitant le spectre de la démission des ministres chiites. M. Mikati avait également exclu la tenue d'une séance gouvernementale avant que ne soit trouvée une solution à l'affaire Bitar. A ce sujet, le ministre de la Culture a fait savoir que le ministre de la Justice et le pouvoir judiciaire devraient trouver une solution à la question (des recours pour) ''suspicion légitime'' à l'encontre de M.Bitar. "Nous n'avons pas menacé (de démissionner du cabinet), ni suspendu (notre participation aux) séances ministérielles, ni imposé le remplacement du juge Bitar", a précisé M. Mortada. "Nous avons formulé des remarques sur son travail devant le président de la République et le chef du gouvernement", a-t-il expliqué. Et le ministre de démentir des propos qui lui auraient été attribués, dans lesquels il aurait déclaré qu'il irait se promener le long de la Corniche de Beyrouth avec Ali Hassan Khalil, objet d'un mandat d'arrêt de la justice libanaise, pour défier "qui que se soit de l'arrêter".
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LA LIBRE EXPRESSION
10 h 26, le 20 octobre 2021