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Santé - Prévention

Cancer du sein : au Liban, le dépistage est le grand oublié face aux multiples crises

Les examens annuels de prévention ont connu une baisse drastique au Liban depuis la pandémie.

Cancer du sein : au Liban, le dépistage est le grand oublié face aux multiples crises

L’autopalpation est un examen que doit faire toute femme après 27 ans, une fois par mois après ses règles. Photo d’illustration Bigstock.

En ce mois d’octobre, le mois rose dédié à la lutte contre le cancer du sein, le dépistage reste relégué au dernier plan. C’est que les Libanaises âgées entre 40 et 60 ans ont vraiment plein d’autres soucis en tête. « Oui j’ai eu peur du Covid, et ça va faire bientôt deux ans que je n’ai pas fait mes examens de routine. » « Nous avons tellement de soucis en tête en cette période que le dépistage n’est pas dans l’ordre de mes priorités. » « Mon gynéco est parti, je dois aller pour le suivi chez un autre et je ne suis pas encore décidée à franchir le pas. » « Le centre d’imagerie auquel je suis habituée ne fait plus de mammographie, la machine est tombée en panne et ils ne pensent même pas la réparer. » « Consacrer un budget pour se faire examiner avec la cherté de vie et les problèmes des assurances, est-ce vraiment le moment ? »

Les causes sont nombreuses au Liban pour ne pas faire des examens annuels de prévention, mais il faut savoir que le diagnostic précoce reste le meilleur moyen de lutte contre le cancer du sein. Ainsi, le traitement sera moins lourd et moins invalidant avec d’importantes chances de guérison.

Quelles ont été les répercussions de la pandémie de Covid-19 sur le dépistage du cancer du sein au Liban ? Le Dr David Atallah, chef de service de gynécologie-obstétrique et chef de l’unité de chirurgie gynécologique, oncologique et mammaire à l’Hôtel-Dieu de France, répond en ces termes : « En mars-avril 2020, la courbe des patientes pour le dépistage a connu une chute drastique ; tout le monde avait une peur bleue de venir à l’hôpital et il y a eu boycott. Même si, au début de la pandémie, nous avons été relativement épargnés : le taux d’infection n’était pas très élevé. Il y avait plus de peur que de mal. »

A la suite de la réouverture du pays pour les fêtes de fin d’année, « la seconde vague a tout chamboulé. Le pays a connu une catastrophe sanitaire et médicale début 2021. Et le dépistage du cancer du sein continuait de manquer à l’appel », explique-t-il.

Si la pandémie a négativement influencé le dépistage au Liban, comme partout dans le monde d’ailleurs, le Dr Atallah insiste sur le point suivant : « Le Covid lui-même, en tant que virus, n’a pas de conséquence sur le risque de développer un cancer. Mais il est important de signaler que les femmes qui avaient il y a deux ans un début de cancer ou un petit nodule ont vu leur maladie évoluer faute de dépistage. »

Problème multilatéral

Sur fond de crise économique et d’inflation, les assurances ne couvrent plus certains examens. « Nous sommes donc devant un problème multilatéral, rappelle le Dr Atallah. Le ministère de la Santé est confronté à des impératifs multiples (assurer le mazout et les médicaments, mettre en place la troisième dose du vaccin anti-Covid…) et se trouve forcé de délaisser la prévention, comme dans le cas du cancer du sein par exemple. »

Avant la crise, les campagnes de sensibilisation lancées par le ministère de la Santé se multipliaient en octobre, et les centres d’imagerie indépendants ou dans les hôpitaux appliquaient des tarifs préférentiels pour les mammographies et échographies dans le but d’encourager les Libanaises de toutes catégories à se faire dépister.

Cette année, un petit tour au téléphone permet de constater que la situation est alarmante : « Nous n’avons plus la machine ; depuis qu’elle est tombée en panne, nous ne l’avons pas fait réparer. » « Bien sûr que l’on fait l’échographie et la mammographie, mais il faut payer. Tarif : 900 000 LL. » Chez d’autres, le tarif est fixé à 50 dollars. Alors qu’un autre laboratoire assure : « Si vous êtes assurée, vous payez les 15 %, sinon, pour la CNSS, le tarif est de 300 000 LL. »

Pour certaines femmes, ce n’est pas seulement une question de budget, c’est pouvoir se libérer la tête de tous les soucis du quotidien. « Là, je pense sérieusement à aller consulter mon gynécologue vers la fin de l’année ou maximum début 2022 », témoigne Raya. Elle avoue n’avoir jamais fait d’échographie ou de mammographie, même si elle a la quarantaine. « Ces deux dernières années ont été très compliquées à plusieurs niveaux. » « Mais je pratique l’autopalpation », se rassure-t-elle. Ce que le médecin préconise dès l’âge de 27 ans.

Concernant la mammographie, selon le Dr Atallah, la recommandation au Liban est de faire cet examen annuel à partir de 40 ans. Ce seuil est déterminé en fonction de la médiane d’âge. « Chez nous, la médiane du cancer du sein se situe à 49 ans, c’est-à-dire 50 % des femmes ont le cancer avant 49-50 ans et 50 % après cette tranche d’âge. » Dans les cas d’historique familial (la mère, la sœur, la tante ou la cousine qui ont eu le cancer du sein), la femme doit consulter à 27-30 ans, et le spécialiste se charge du suivi nécessaire.

Qu’en est-il de la pénurie des traitements pour les malades du cancer du sein ? « Beaucoup de médicaments manquent ou sont devenus très chers, surtout après la levée des subventions. Certains traitements modernes qui font la différence n’existent plus ou n’existent pas pour le moment. Il est évident que les autorités publiques doivent trouver les moyens de résoudre le problème. Moi, en tant que médecin, je veux que ma patiente soit traitée de la meilleure façon possible », révèle Dr Atallah.

À propos des médecins qui quittent le pays, il précise que quand un spécialiste part, le corps médical qui reste prend le relais. La situation est gérée de manière à ce que le transfert de dossiers et le suivi des patients se fasse le plus délicatement et efficacement possible. Mais « il y a une hémorragie. La vérité est que le Liban est en train de perdre d’excellents médecins, et c’est l’intérêt de masse qui paye les conséquences, c’est une richesse nationale essentielle qui se tarit », conclut-il.

Les actes de dépistage du cancer du sein

Quels sont les actes et les tests nécessaires pour détecter une tumeur mammaire de manière précoce ? Le Dr David Atallah les résume ainsi.

1 – L’autopalpation est un examen que doit faire toute femme après 27 ans, une fois par mois après ses règles. Le but est de vérifier qu’il n’y a pas de nodule ou d’induration. Il faut aussi inspecter sous les aisselles à la recherche de ganglions. Dès l’âge de 18 ans, prendre l’habitude de se regarder dans le miroir après la douche et vérifier que les seins ne sont pas déformés, que les mamelons sont normaux (pas d’inversion, de rougeur ou de sécrétions).

2 – La consultation, à partir de 27 ans, chez le spécialiste est nécessaire pour un examen clinique régulier.

3- La mammographie se pratique à partir de l’âge de 40 ans de manière annuelle. En cas de risque ou de mutation génétique (BRCA1), elle se fait à partir de l’âge de 27 ans sur ordonnance du médecin spécialiste. Cet examen détecte essentiellement les calcifications.

4- L’échographie permet de trouver d’autres anomalies possibles, surtout dans le cas de seins très denses. Échographie et mammographie sont deux examens complémentaires.

5- Seul le médecin spécialiste est habilité à prescrire l’IRM dans le cadre d’indications spécifiques.

En ce mois d’octobre, le mois rose dédié à la lutte contre le cancer du sein, le dépistage reste relégué au dernier plan. C’est que les Libanaises âgées entre 40 et 60 ans ont vraiment plein d’autres soucis en tête. « Oui j’ai eu peur du Covid, et ça va faire bientôt deux ans que je n’ai pas fait mes examens de routine. » « Nous avons tellement de soucis en...

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Self-examination only detects large tumors and is not effective at detecting early breast cancer at a curable stage. Early detection can only be achieved by imaging, mammography, and ultrasound. The earlier the detection, the higher the chance for cure.

Mireille Kang

01 h 51, le 01 novembre 2021

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Commentaires (1)

  • Self-examination only detects large tumors and is not effective at detecting early breast cancer at a curable stage. Early detection can only be achieved by imaging, mammography, and ultrasound. The earlier the detection, the higher the chance for cure.

    Mireille Kang

    01 h 51, le 01 novembre 2021

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