
Une vue du port après la double explosion survenue le 4 août 2020. Photo AFP
Le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, a repris hier son enquête sur la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, dans une atmosphère de guerre provoquée par la volonté ferme d’une partie de la classe au pouvoir, en l’occurrence le tandem chiite, de l’écarter coûte que coûte. La chambre civile de la Cour de cassation présidée par Naji Eid s’est déclarée incompétente pour examiner un recours en récusation présenté mardi contre lui par deux députés du mouvement Amal mis en cause, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter. Le juge d’instruction peut d’ores et déjà lancer des convocations et mener des interrogatoires après qu’il eut été dessaisi d’office du dossier mardi, mais à titre provisoire. L’arrêt rendu hier s’inscrit dans le sillage de celui qui avait été émis lundi par la chambre civile de la Cour de cassation présidée par Jeannette Hanna. Saisie par les mêmes demandeurs, elle avait décrété que le recours contre le juge d’instruction ne relève pas de sa compétence. Le 4 octobre, la chambre civile de la Cour d’appel présidée par Nassib Élia avait donné le ton en déboutant pour les mêmes motifs les deux parlementaires.
Ces décisions sont décrites dans les milieux indépendantistes de la justice comme traduisant une détermination de certains magistrats à résister contre les pressions et les intimidations politiques, dont les dernières se sont illustrées hier de manière flagrante dans la rue lors de la manifestation organisée par le mouvement Amal et le Hezbollah, qui a dégénéré en accrochages sanglants. Le mouvement avait été précédé la veille par un clair chantage du ministre de la Culture, Mohammad Mortada (Hezbollah), qui, lors du Conseil des ministres, avait menacé de faire sauter le gouvernement avec la démission des ministres chiites si le juge Bitar n’était pas remplacé. Même si ce dernier a recouvré ses prérogatives légales pour la poursuite de sa mission, comment dans ces circonstances parviendra-t-il à compléter son enquête ?
Des juristes interrogés par L’Orient-Le Jour notent que le verdict de la Cour de cassation intervient un peu tard puisque le lundi est un jour férié et que la session ordinaire du Parlement s’ouvrira mardi. Deux députés mis en cause, Ghazi Zeaïter et Nouhad Machnouk, pourront alors à nouveau se prévaloir de leur immunité parce que le juge Bitar n’aura vraisemblablement pas le temps de les convoquer avant cette date. Ces deux députés auraient dû être entendus mercredi, respectivement à 10h et à 13h, mais leurs audiences ont été annulées. Quelques minutes avant son dessaisissement mardi, le juge Bitar avait eu le temps d’émettre un mandat d’arrêt par contumace contre Ali Hassan Khalil, qui n’avait pas comparu à la séance qui lui était fixée ce jour-là à 10h.
Coup d’épée dans l’eau
« Il est désormais improbable que les députés soient entendus avant la fin de la session ordinaire du Parlement, c’est-à-dire avant la fin de l’année en cours », estime un avocat sous couvert d’anonymat, faisant observer que le juge d’instruction ne dispose que de la journée d’aujourd’hui pour les convoquer. Joint par L’Orient-Le Jour, Rizk Zogheib, avocat et maître de conférences à la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, affirme que même si M. Bitar se dépêche de faire ses convocations aujourd’hui, « ce sera un coup d’épée dans l’eau ». « Même si les poursuites sont enclenchées hors session, le juge d’instruction devrait dès l’ouverture de la session parlementaire ordinaire en notifier la Chambre, qui pourrait lui demander de surseoir à ses démarches jusqu’à la fin de la session. Le magistrat devra alors obtempérer », affirme M. Zogheib. Quid du mandat d’arrêt à l’encontre du député Ali Hassan Khalil ? « Le Parlement devra également en être notifié. Il pourra demander au juge de retarder provisoirement l’exécution de sa mesure pénale, afin de permettre à M. Khalil de participer aux séances parlementaires », indique le spécialiste.
Reste le cas de l’ancien chef de gouvernement Hassane Diab. Rentré mercredi des États-Unis, il est supposé comparaître le 28 octobre devant le magistrat, en vertu d’un mandat d’amener. Sachant que le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui avait jugé que la convocation des responsables ne doit pas se faire par les Forces de sécurité intérieure, parce que selon lui le recours à la force publique n’est pas nécessaire en l’espèce, la notification de M. Diab s’était faite par affichage, à travers des huissiers de justice. Interrogé par L’OLJ, le constitutionnaliste Saïd Malek doute que dans ce contexte, l’ancien Premier ministre puisse être amené par la police le jour de son audience au Palais de justice. « Il revient au parquet de cassation de faire parvenir aux forces de l’ordre le mandat d’amener. Le fera-t-il ? Le cas échéant, M. Maoulaoui accepterait-il de faire exécuter la décision du juge Bitar ? » se demande-t-il avec circonspection. « Un responsable qui n’exécute pas une décision judiciaire commet un délit pénal », lâche-t-il à ce propos.
Tarek Bitar pourra toutefois auditionner nombre de responsables de sécurité, notamment l’ancien commandant en chef et l’ancien chef des renseignements de l’armée, les généraux Jean Kahwagi et Camille Daher. En attendant certes le verdict de la chambre pénale de la Cour de cassation présidée par Randa Kfoury, qui étudie les recours pour suspicion légitime présentés contre lui par Nouhad Machnouk et par l’ancien ministre Youssef Fenianos, également mis en cause.
Le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, a repris hier son enquête sur la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, dans une atmosphère de guerre provoquée par la volonté ferme d’une partie de la classe au pouvoir, en l’occurrence le tandem chiite, de l’écarter coûte que coûte. La chambre civile de la Cour de cassation présidée par Naji Eid...
commentaires (12)
la quasi totalite des lecteurs de notre quotidien favori semblent etre sur le meme diapason. Le probleme est comment "s'entendre'' avec nos concitoyens Chiites partisans du Amal ou HB. Moussa Sadr: ils sont devenus fous, reviens!
Zampano
22 h 35, le 15 octobre 2021