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Économie - Électricité

A travers le Liban, le souk des tarifs des générateurs de quartier

De la Békaa au Kesrouan, du nord au sud du pays, en passant par la capitale, nombre d’exploitants semblent jouer au juste prix dans l’indifférence la plus totale. Tour d’horizon.

A travers le Liban, le souk des tarifs des générateurs de quartier

Un générateur de quartier dans les rues de Jounieh (Kesrouan). Photo P.H.B.

La levée quasi totale des subventions sur le carburant, et plus particulièrement sur le mazout (ou diesel) consommé par les générateurs privés de quartier, ne se déroule pas dans la sérénité, alors que le rationnement imposé par Électricité du Liban (EDL) reste sévère (20 heures de coupure en moyenne, hors passe-droits et privilèges). Il est même possible de parler de souk, vu le nombre de différences parfois constatées d’un quartier à l’autre, au point que de plus en plus de Libanais décident d’installer des générateurs individuels – à essence ou mazout – en complément ou en remplacement de leur abonnement.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de ces disparités, en commençant par le rejet, par une partie des exploitants, du nouveau tarif au kilowattheure (kWh) imposé fin septembre dernier par le ministère de l’Énergie et de l’Eau pour les factures de ce même mois. Un prix fixé à 3 426 livres le kWh (sans compter les frais annexes variant en fonction de l’intensité en ampères), soit en hausse de plus de 44 %, mais qui a quand même été rapidement contesté. Vendredi dernier, le président du Rassemblement des propriétaires de générateurs privés, Abdo Saadé, a reproché au ministère de s’être basé sur un prix de mille litres de mazout (569 dollars selon la mise à jour fin septembre) inférieur à celui du marché, qui oscillerait entre 610 et 640 dollars selon plusieurs sources concordantes. Depuis la levée des subventions sur le carburant, le diesel est facturé en dollars et son équivalent en livres est calculé en tenant compte du marché parallèle (17 000 à 18 000 livres pour un dollar ces derniers jours).

Compteurs et abonnements

Autre facteur majeur : de nombreux générateurs ont pris l’habitude de rationner leur production sous l’effet combiné des pénuries de mazout, fréquentes cet été, et de la hausse du rationnement d’EDL. Et ce, afin d’éviter de stocker plus de carburant pour produire du courant plus longtemps – quand ils ont des réservoirs suffisamment grands pour le faire – ou d’en acheter plus souvent. À Baabda, l’un d’entre eux va jusqu’à laisser une partie de ses abonnés sans électricité lorsqu’il n’a pas assez de diesel pour maintenir ses deux générateurs, entre autres exemples.

Enfin, tous les propriétaires de générateurs n’ont pas installé de compteurs chez leurs abonnés, comme le leur demandent les autorités par intermittence depuis 2018, et font payer des abonnements dont le tarif varie seulement en fonction de l’ampérage. Ces tarifs sont même parfois avalisés par les municipalités.

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À ces trois facteurs s’ajoute le fait que les autorités n’ont pas les moyens – ou la volonté – de contrôler les 4 000 propriétaires de générateurs de quartier qui sont disséminés dans tout le pays et dont beaucoup bénéficient d’une protection politique. Malgré tout, certains exploitants sont encore disposés à respecter la tarification du ministère, comme l’ont confirmé à L’Orient-Le Jour des témoignages d’abonnés à Haret Sakher (Kesrouan), Jdeidé (Metn), Jdita (Békaa) et Qobayate (Akkar). D’autres ont décidé d’attendre la prochaine modification des prix du carburant (attendue mercredi mais qui a été retardée) pour fixer leurs tarifs, tandis que d’autres ont pris les devants.

Pour ceux qui doivent déjà passer à la caisse, l’addition s’apparente à une loterie. À Sodeco (Beyrouth), un foyer sans compteur et avec un abonnement de 10 ampères (A) a par exemple dû s’acquitter de 2,4 millions de livres avec 12 à 14 heures de courant fournies par le générateur par jour. Un peu plus loin, vers Mar Mitr, un autre s’est vu signifier qu’il devait régler 100 dollars – en dollars frais de préférence et non en livres – pour un abonnement de 5A et un nombre équivalent de coupures. Selon le témoignage recueilli, l’exploitant s’est finalement décidé à revoir sa copie après que des résidents du quartier ont levé le ton. Dans le Metn (Zalka) et le Kesrouan (Zouk Mosbeh), deux foyers équipés de compteurs ont rapporté que leurs générateurs respectifs avaient décidé de facturer le kWh à plus de 3 800 livres, un niveau plus élevé que celui du ministère, mais inférieur aux 4 200 livres demandées par Abdo Saadé. La société Électricité de Jbeil, qui s’aligne sur les tarifs du ministère pour les factures des générateurs qu’elle gère, a demandé lundi à ses abonnés d’ajuster leurs abonnements en fonction de leurs moyens.

Extrême dans le Hermel

La situation est plus complexe dans la Békaa, où le rationnement est globalement plus sévère. À Baalbeck, selon des témoignages recueillis par notre correspondante Sarah Abdallah, la municipalité a demandé aux propriétaires de générateurs d’appliquer les tarifs du ministère. « Ils l’appliqueront sauf si les prix du carburant grimpent en flèche », a conclu un des témoins interrogés, sous-entendant que la municipalité n’y pourrait alors pas grand-chose. Plus au nord, dans la région très rurale de Hermel, « personne n’a installé de compteur », selon une habitante qui indique que les prix sont fixés de manière aléatoire et que le rationnement en électricité est extrême, avec un seul générateur qui fonctionne la journée, les autres se limitant au créneau allant de 18 heures à minuit.

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Dans les environs de Zahlé, les habitants sont un peu plus sereins. Les résidents dépendant de la société Électricité de Zahlé (EDZ) sont soumis à une tarification spécifique fixée par le ministère et généralement moins élevée que celle réservée aux générateurs (la dernière mise à jour n’avait pas encore été publiée hier). La société rationne aussi sa production depuis l’été, dans des proportions proches de celles des générateurs de la côte.À Saïda (Liban-Sud), les exploitants de certains quartiers ont été jusqu’à facturer le kWh à 5 000 livres, selon notre correspondant dans la région Mountasser Abdallah. Citant l’activiste Mohammad Najm, il indique que plus de 100 foyers dans les quartiers populaires de Fouar et des villas avaient résilié leurs abonnements devenus trop chers. D’autres ont choisi de se partager des abonnements de 5A dont les montants dépassent parfois le million de livres. Habitante du quartier de Baassiri, une résidente a décidé de résilier sa portion d’abonnement liée à l’alimentation de l’ascenseur, soit 200 000 livres. Alors qu’elle réside au 6e étage d’un immeuble, elle pense même résilier l’ensemble de son abonnement qui devrait grimper à 1,2 million de livres les 5A. Une réunion consacrée aux prix des générateurs était programmée hier soir par la municipalité de Saïda. Les députés Bahia Hariri et Oussama Saad y ont participé et la décision de remettre les contrevenants au pas a été actée.

Enfin, du côté de Tripoli (Liban-Nord), dans le quartier d’Abou Samra, un propriétaire de générateurs a transmis sa propre grille tarifaire en dollars aux abonnés – ou à l’équivalent en livres au taux du jour. L’abonnement de 3A est facturé 42 dollars, contre 70 dollars pour les 5A et 140 dollars les 10A – sans référence à la consommation. Selon plusieurs témoignages, rares sont les localités dans cette partie du pays où le nombre de compteurs individuels est significatif.

La levée quasi totale des subventions sur le carburant, et plus particulièrement sur le mazout (ou diesel) consommé par les générateurs privés de quartier, ne se déroule pas dans la sérénité, alors que le rationnement imposé par Électricité du Liban (EDL) reste sévère (20 heures de coupure en moyenne, hors passe-droits et privilèges). Il est même possible de parler de souk, vu le...

commentaires (4)

Notre pays tout entier est devenu un immense souk délabré et désordonné, où chacun peut faire ce qu'il veut, sachant qu'aucune autorité lui demandera des comptes ! Rien à voir avec les vrais souks dans d'autres pays... - Irène Saïd

Irene Said

11 h 01, le 07 octobre 2021

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Commentaires (4)

  • Notre pays tout entier est devenu un immense souk délabré et désordonné, où chacun peut faire ce qu'il veut, sachant qu'aucune autorité lui demandera des comptes ! Rien à voir avec les vrais souks dans d'autres pays... - Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 01, le 07 octobre 2021

  • Les proprietaires de generateurs ont investi pour faire du profit. Pas pour faire de la charité. Beaucoup peut etre fait pour reduire la facture avec remplacement des lampes par du led, reduire le AC et rationaliser la consommation. Et des pannaux solaires doivent etre mis. En tout cas On est dans ce petrin a cause du Hezbollah et amal qui ont empeché d augmenter le tarifs d electricite et forcé les subventions pour des annees.

    Tina Zaidan

    09 h 41, le 07 octobre 2021

  • Que fera ce gouvernement, au moins pour obliger les propriétaires de générateurs à installer des compteurs et de suivre la tarification officielle ? À Achrafieh, un propriétaire a informé les consommateurs qu'il peut installer des compteurs pour ceux qui le désirent, mais, en contrepartie, il ne leur fournit pas de courant ! Car la tarification officielle est injuste, selon lui.

    Esber

    06 h 19, le 07 octobre 2021

  • Les generateurs individuels! Stockage de galons d'essence dans les appartements! Pollution de l'air et nuisance sonore! Cela me rappelle les annees 86-89 et son cortege d'accidents domestiques dus aux generateurs d'appartement.... nous voilà ramenés plus de 20 ans en arriere! Bravo les dirigeants politiques , que cela ne vous empêche surtout pas de dormir....

    Marie-Hélène

    01 h 16, le 07 octobre 2021

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