
L’enquête, menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec 150 médias internationaux, dont le magazine d’investigation libanais « Daraj », révèle comment l’élite financière internationale cache sa fortune dans les montages offshore des paradis fiscaux. Loic Venance / AFP
Le Liban est le champion du monde… du recours aux sociétés offshore. C’est ce que révèlent notamment les « Pandora Papers », les plus gros leaks relatifs aux paradis fiscaux. L’enquête, menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec 150 médias internationaux, dont le magazine d’investigation libanais Daraj, révèle comment l’élite financière internationale cache sa fortune dans les montages offshore des paradis fiscaux d’habitude opaques (Belize, îles Vierges britanniques, Chypre, Dubaï, Seychelles, Émirats arabes unis…). Elle se base sur une fuite de 11,9 millions de documents, l’équivalent de 2,96 téraoctets provenant de 14 spécialistes de la création de sociétés anonymes. Les données contiennent, entre autres, passeports, relevés bancaires, déclarations fiscales ou encore dossiers de constitution d’entreprises.
Parmi les dizaines de milliers de clients figurent plus de 300 personnalités publiques, politiques ou autres du monde entier, 35 chefs d’État et des milliardaires de plus de 90 pays. Côté libanais, figurent, entre autres, les noms du Premier ministre Nagib Mikati, du gouverneur de la banque centrale Riad Salamé, de l’ancien Premier ministre Hassane Diab, du directeur de al-Mawarid Bank, Marwan Kheireddine, de l’ancien haut responsable de la lutte contre la corruption à la BDL Mohammad Baassiri, de l’ancien député et conseiller du président libanais Michel Aoun pour les affaires russes, Amal Abou Zeid, du président du conseil d’administration de la chaîne libanaise al-Jadeed Tahsine Khayat, du banquier Samir Hanna, ou encore de l’homme d’affaires et ancien député Neemat Frem.
Les « Pandora Papers » dévoilent les coulisses d’un monde financier offshore constitué de banques, de cabinets d’avocats et de comptables, permettant aux plus riches de dissimuler leurs avoirs dans des juridictions offrant une fiscalité très avantageuse. L’acquisition d’un bien immobilier au nom d’une société offshore, par exemple, permet de réduire considérablement la charge fiscale, en comparaison avec l’achat réalisé au nom d’une personne physique. Bien que le recours à une société offshore ne soit pas considéré comme illégal en soi, la confidentialité offerte par les paradis fiscaux a cependant permis de faciliter la fraude fiscale ainsi que le blanchiment d’argent.
« Posséder une compagnie offshore n’est pas nécessairement contraire à la loi, mais pour des personnalités politiquement exposées, la volonté de dissimuler leur fortune à tout prix peut constituer un signal d’alerte. En tant que journalistes, notre rôle est de rapporter l’information, c’est maintenant à la justice de s’en saisir », dit Alia Ibrahim, cofondatrice de Daraj, qui a participé à l’enquête. Selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), plus de 11 300 milliards de dollars seraient ainsi dissimulés offshore. « Cela trouve un écho particulier au Liban. Alors que le pays traverse une crise économique extrêmement sévère, la classe dirigeante a pu abriter en toute sécurité ses économies à l’étranger », poursuit Alia Ibrahim.
Des dirigeants libanais
Nagib Mikati était déjà cité dans les « Paradise Papers » en 2017. Le milliardaire, 6e fortune de la région avec 2,5 milliards de dollars selon le classement de Forbes Middle East, dirige le fonds d’investissement M1 Group et détient ainsi la compagnie Hessville Investment Inc., créée au Panama en 1994, qui a acheté en 2008 une propriété à Monaco pour plus de 10 millions de dollars. Son fils, Maher, est le directeur d’au moins deux compagnies basées aux îles Vierges britanniques, utilisées par le fonds d’investissement M1 Group afin d’acheter un bureau dans le centre de Londres. Maher Mikati a déclaré à ICIJ et Daraj qu’il est courant pour les Libanais d’avoir recours à des sociétés offshore « en raison de la facilité du processus de constitution en société » plutôt que par désir d’échapper aux impôts.
Hassane Diab, prédécesseur de M. Mikati, est, lui, copropriétaire de la société eFuturetech Services Ltd. dédiée au « commerce général et conseil ». Située dans les îles Vierges britanniques, elle a été créée en 2015 après son départ du ministère de l’Éducation. Hassane Diab n’a pas répondu aux demandes de commentaires de l’ICIJ et de Daraj.
Le nom de Riad Salamé est aussi cité. Le gouverneur de la banque centrale, qui est soupçonné entre autres de « blanchiment d’argent » dans le cadre d’enquêtes en France, en Suisse et au Liban, est associé à deux nouvelles sociétés offshore. La première est Amanior, créée en 2007, qu’il détient entièrement et dont il est aussi le directeur. Le magazine Daraj estime ainsi que cela pourrait constituer une infraction à l’article 20 du code de la monnaie et du crédit, selon lequel le gouverneur ne peut pas toucher des intérêts d’une entreprise privée et qu’il doit se consacrer entièrement à son emploi au sein de la banque centrale. La seconde compagnie est Toscana, fondée en 2013 et détenue par son fils Nadi. Enfin, selon Daraj, les « Pandora Papers » apportent de nouvelles informations sur Forry Associates Limited, une société de courtage détenue par le frère de Riad Salamé, Rajah, dont le nom était déjà cité par l’enquête du parquet suisse concernant de potentiels détournements de fonds au détriment de la BDL ainsi que dans les « Panama Papers » (2016). Selon les « Pandora Papers », l’entreprise a commencé les procédures de dissolution le 14 avril 2016, soit 11 jours après la publication des « Panama Papers ». Riad Salamé a déclaré dans une réponse écrite que ses avoirs étaient en conformité aux obligations de déclaration de la loi libanaise et que sa fortune provenait de sa carrière à Merril Lynch, avant sa nomination au poste de gouverneur, durant laquelle il dit avoir constitué un patrimoine de 23 millions de dollars.
Enfin, Daraj indique que Marwan Kheireddine, banquier, ministre d’État entre 2011 et 2014 sous Mikati, beau-frère et conseiller du président du Parti démocratique libanais, Talal Arslane, et ancien membre du conseil d’administration de l’Association des banques du Liban (ABL), possède deux sociétés offshore dans les îles Vierges britanniques. Il s’agit de Oakwood International Holdings Limited, anciennement associée, selon Daraj, au gendre d’un trafiquant de drogue indien international, et Driftwood Limited. Cette dernière a été utilisée en avril 2019 par Marwan Kheireddine pour acheter un yacht de 2 millions de dollars. Marwan Kheireddine n’a pas répondu aux sollicitations de Daraj et ICIJ.
Le Liban est le champion du monde… du recours aux sociétés offshore. C’est ce que révèlent notamment les « Pandora Papers », les plus gros leaks relatifs aux paradis fiscaux. L’enquête, menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec 150 médias internationaux, dont le magazine d’investigation libanais Daraj, révèle...
commentaires (9)
Chasse aux sorcieres. Il n y a rien d illegal a avoir une companie offshore. Le offshore Libanais est meme permis! Il faut punir les fontionnaires detourneurs des fonds publics et attirer les autres riches. Faire une politique anti-riche a la Francaise de Hollande a causé plusieurs pourcentage de points de croissance a la France.
Le Liban d'abord
09 h 49, le 06 octobre 2021