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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

La Jordanie espère booster son économie grâce à la normalisation de ses relations avec Damas

Le royaume hachémite a annoncé mardi la reprise des vols directs en direction de Damas, au terme d’une rencontre interministérielle entre les deux pays, avant de confirmer la réouverture permanente de la frontière terrestre.
La Jordanie espère booster son économie grâce à la normalisation de ses relations avec Damas

Des véhicules arrivant au poste transfrontalier Jaber-Nassib, entre la Jordanie et la Syrie, en 2018. Photo AFP

On le sentait venir depuis des mois. Cette fois, c’est officiel. La Jordanie et la Syrie s’apprêtent à tourner la page de 10 ans de relations en dents de scie. Le royaume hachémite a annoncé mardi la reprise prochaine des vols directs en direction de Damas. Certaines compagnies étrangères avaient maintenu les vols entre les deux pays, mais ce sera la première fois depuis le début du conflit syrien que la compagnie nationale, la Royal Jordanian, desservira la Syrie. « Il s’agit de l’une des plus grandes mesures prises jusqu’à présent pour réintégrer la Syrie dans son voisinage régional », commente Amer al-Sabaileh, universitaire jordanien et analyste géopolitique.

Les deux pays ont déjà procédé mercredi à la réouverture complète de leur frontière terrestre, ainsi qu’à une levée des restrictions de déplacement en place dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Une décennie de conflit, puis le coronavirus, avait lourdement affecté les liens commerciaux entre les deux pays. « Nous espérons que cette décision permettra de restaurer les niveaux de commerce préguerre, afin de raviver un transit lucratif », a ainsi déclaré à Reuters Jamal al-Rifae, vice-président de la Chambre de commerce jordanienne.

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Ce n’est certes pas la première fois qu’une annonce de ce genre est faite. En 2018, une première notification prévoit la réouverture du poste-frontière de Jaber-Nassib, trois ans après sa fermeture, en 2015, en raison des violences côté syrien. Mais l’instabilité due aux combats empêche toute constance. « La situation dans le sud de la Syrie n’était pas rassurante pour Amman, dont l’inquiétude principale était liée à la présence de milices affiliées à l’Iran à sa frontière nord », remarque Amer al-Sabaileh. La frontière se referme à intervalles réguliers, bloquant la reprise du commerce aux niveaux d’avant-guerre. Le scénario se répète jusqu’en juillet dernier, lorsque les combats à Deraa obligent Amman à rétropédaler et à revenir sur sa politique de laisser-passer à la frontière. À cela s’ajoutent les difficultés liées à la pandémie, comme en août dernier lorsque la contamination de membres du personnel contraint les autorités à fermer le point de passage avec la Syrie, mais également l’Arabie saoudite. Mais la reprise totale de la région de Deraa par les forces loyalistes syriennes début septembre va changer la donne, permettant à Amman d’envisager la réouverture du poste-frontière de Jaber-Nassib.

Perte de revenus

Aujourd’hui, on espère des deux côtés que l’annonce s’inscrira dans la durée, notamment grâce à la mise en place d’un mécanisme de coopération militaire et sécuritaire plus achevé. « Les relations syro-jordaniennes font partie d’une stratégie plus générale, qui inclut un projet transfrontalier de pipelines visant à transporter le gaz en provenance d’Égypte, un projet qui ne se limite pas à la traversée de la frontière, mais qui implique un réengagement politique », avance Amer al-Sabaileh, en référence à l’initiative adoptée en septembre visant à acheminer du gaz égyptien jusqu’au Liban en passant par la Jordanie et la Syrie.

Signe d’une volonté de repartir sur de nouvelles bases, l’annonce a également eu lieu au lendemain d’une réunion ministérielle de deux jours à Amman, au cours de laquelle les délégations syrienne et jordanienne ont discuté de la mise en œuvre pratique, comme par exemple d’une possible levée des barrières tarifaires.

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L’enjeu est élevé pour Amman, d’abord parce qu’il s’agit de pallier les retombées négatives du conflit voisin sur l’économie nationale. Pour les villes du nord du pays, telles qu’Irbid ou Ramtha, qui ont subi les conséquences de la chute du commerce transfrontalier, la perte de revenus a engendré une double crise économique et sociale. Depuis l’invasion de l’Irak en 2003, la Syrie était devenue le principal partenaire commercial pour les Jordaniens, qui avaient accès au Liban. La réouverture de la frontière terrestre devrait également raviver le transit des produits syriens, via la Jordanie, en direction de l’Irak et des marchés du Golfe. « L’économie jordanienne est en partie dépendante de son commerce avec la Syrie : même si cela n’a pas de retombées sociales immédiates, cela permet au moins d’envoyer un signal positif à la population que les choses sont sur la bonne voie », remarque Amer al-Sabaileh.

Pour obtenir ces résultats, le royaume hachémite a dû activer ses réseaux diplomatiques en amont afin de faire accepter l’idée d’une réintégration de la Syrie sur la scène régionale, notamment en œuvrant pour une levée des sanctions à l’encontre du régime de Bachar el-Assad. Dès juillet, le roi Abdallah avait rencontré le président Joe Biden à la Maison-Banche, où il aborde entre autres sujets la question d’une levée des sanctions adoptées dans le cadre de la loi César. Un mois plus tard, le leader jordanien s’entretient avec Vladimir Poutine à Moscou, avant de recevoir, en septembre, les délégations libanaise, syrienne et égyptienne lors d’une rencontre tripartite à Amman visant à établir un plan de travail et un calendrier pour l’acheminement vers le Liban de gaz et d’électricité via la Syrie.

« Il apparaît de plus en plus clairement que la Jordanie quitte cette zone grise dans laquelle elle était installée, déclarant désormais ouvertement qu’après 10 ans de crise en Syrie, personne n’a offert de solutions, et qu’il est temps de passer à autre chose », note Amer al-Sabaileh. Mais c’est surtout le feu vert américain qui permet aujourd’hui à la Jordanie d’envisager ce genre de mesure, confirme l’expert. Cela signifie également que la décision jordanienne reste dépendante d’un possible revirement à Washington.

On le sentait venir depuis des mois. Cette fois, c’est officiel. La Jordanie et la Syrie s’apprêtent à tourner la page de 10 ans de relations en dents de scie. Le royaume hachémite a annoncé mardi la reprise prochaine des vols directs en direction de Damas. Certaines compagnies étrangères avaient maintenu les vols entre les deux pays, mais ce sera la première fois depuis le début du...

commentaires (4)

la loi cesar semble etre d'une "élasticité" surprenante. reste un sujet sensible non evoque -du moins en publique-mais plus important que tout autre: QUID DES REFUGIES SYRIENS EN JORDANIE? la reponse en est toute simple : JE N'EN VEUX PAS dit le chef bachar assad.

Gaby SIOUFI

09 h 48, le 02 octobre 2021

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Commentaires (4)

  • la loi cesar semble etre d'une "élasticité" surprenante. reste un sujet sensible non evoque -du moins en publique-mais plus important que tout autre: QUID DES REFUGIES SYRIENS EN JORDANIE? la reponse en est toute simple : JE N'EN VEUX PAS dit le chef bachar assad.

    Gaby SIOUFI

    09 h 48, le 02 octobre 2021

  • BOOSTER SON ECONOMIE ? DAMAS N,EST PAS L,AMERIQUE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 41, le 02 octobre 2021

  • Démonstration par A + B que la « communauté internationale » ne demande qu’à conclure un marché avec l’ennemi assadien et plus généralement l’Axe néo-safavide, et que le Liban ne pourra jamais compter sur elle pour se libérer de cet Axe et retrouver sa souveraineté. A peine 3 ans après le 14 mars 2005, le gratin de cette « communauté internationale » n’a t’il pas acclamé Bachar el Assad un certain 14 juillet 2008 ? Seule l’Arabie de MBS, qui n’est pas l’Arabie de 2010 qui avait accepté voire encouragé les visites de Hariri et Joumblatt à Damas, et encore moins l’Arabie des années 90 des funestes double S, seule l’Arabie de MBS, qu’on l’aime ou non, semble pour l’instant résister car ses propres intérêts sont contraires au grand marchandage entre l’occident et les néo-safavides.

    Citoyen libanais

    08 h 01, le 02 octobre 2021

  • It is time for Lebanon to also normalize diplomatic and commercial relations with Syria. This will pave the way for the return of refugees and help revive our economy.

    Mireille Kang

    01 h 30, le 02 octobre 2021

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