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Moyen-Orient - Syrie

Quand le régime écarte de la scène économique un proche d’Asma el-Assad

Le pouvoir a récemment confisqué une partie importante des denrées appartenant à la société d’importation de sucre de Tarif el-Akhrass, cousin du père de la Première dame, dans le but de resserrer le marché autour de figures dépendant du palais présidentiel.

Quand le régime écarte de la scène économique un proche d’Asma el-Assad

Le président syrien Bachar el-Assad et son épouse Asma, le 11 décembre 2010. Miguel Medina/AFP

Le régime syrien court-il après la peau de Tarif el-Akhrass ? Le cousin du père de la Première dame de Syrie, Asma el-Assad, l’un des plus grands hommes d’affaires syriens et notamment l’un des plus grands importateurs de matières premières, comme le sucre, aurait récemment fait les frais d’une affaire montée en épingle visant à confisquer ses denrées sous couvert de lutte contre la corruption. Le site d’information progouvernemental « Hashtag Syria » a rapporté fin août que le ministère de l’Approvisionnement avait effectué un raid dans les entrepôts de Tarif el-Akhrass, ayant la main sur la quasi-totalité du marché d’importation du sucre et de l’huile de tournesol, à l’issue duquel 1 900 tonnes de sucre prétendûment volées et cachées ont été saisies.

Faut-il y voir le signe d’une volonté du régime de faire de Tarif el-Akhrass le nouveau Rami Makhlouf ? Dans le viseur du pouvoir depuis plus d’un an, l’homme le plus riche du pays et cousin germain du président syrien Bachar el-Assad avait été visé par une série de mesures ordonnées par la présidence visant à confisquer les actifs de plusieurs de ses sociétés, notamment l’entreprise de télécommunications Syriatel. Plusieurs indications avaient montré à l’époque qu’Asma el-Assad se cachait derrière ces mesures prises dans le but « officiel » d’accroître les ressources de l’État, lourdement frappé par la crise économique après l’effondrement de la livre syrienne et l’imposition de sanctions internationales. Pour ce faire, des rumeurs circulaient sur la volonté de la Première dame de gérer elle-même l’argent du clan en le confiant à sa propre famille, sunnite, au détriment des Makhlouf, famille alaouite issue de la côte de Lattaquié. Mais cette nouvelle affaire prenant pour cible un parent d’Asma el-Assad jette le doute sur cette théorie.

Sur la liste des sanctions de l’UE
Né à Homs d’une famille de la bourgeoisie sunnite, Tarif el-Akhrass a créé son groupe d’entreprises en 1973. Dirigeant à l’époque une petite société d’ingénierie, l’homme d’affaires est parvenu au fur et à mesure à bâtir un grand groupe possédant une usine de sucre, d’huile, de matériel de construction, de crème glacée et de produits laitiers. Au début des années 2000, c’est le mariage entre Bachar el-Assad et sa femme Asma qui lui permet petit à petit d’approvisionner l’armée syrienne en diverses matières premières, profitant de la corruption au sein de l’institution militaire. Lorsque la révolution syrienne éclate en 2011, Tarif el-Akhrass continue de s’enrichir en fournissant des denrées alimentaires et des moyens de transport – via sa société « Trans Orient » – aux forces du régime et en apportant un soutien à la branche des services de renseignements de Homs. Mais son partenariat avec le pouvoir a un coût. Dès septembre 2011, il est placé sur la liste des sanctions économiques promulguées par l’Union européenne en tant qu’ « homme d’affaires éminent qui bénéficie du régime et le soutient », puis plus tard sur la liste du Canada et de la Grande-Bretagne, ce qui ne l’empêche pas d’obtenir la nationalité libanaise en 2014.

Pour mémoire

Ces huit hommes d’affaires qui se partagent le gâteau syrien

Contre toute attente, le nom de Tarif el-Akhrass resurgit cependant en août dernier alors que le Trésor britannique a annoncé, sans donner de raison, avoir levé les sanctions pesant sur lui, indiquant qu’il n’était « plus soumis à un gel des avoirs ». « Il semble que l’homme d’affaires ait été aidé par ses proches, notamment le père d’Asma, Fawaz el-Akhrass, qui a de très bonnes relations avec la Chambre des lords et le barreau au Royaume-Uni », observe Ayman Abdel Nour, rédacteur en chef du site d’information All4Syria. Si le magnat avait également été sanctionné en octobre 2019 par la Banque centrale syrienne, qui avait gelé les avoirs de plusieurs hommes d’affaires influents dont les siens, le gouvernement était cependant revenu quelques jours plus tard sur sa décision. Ce retournement de situation laissait penser que la position de Tarif el-Akhrass restait relativement intacte, ce que les événements de ces dernières semaines semblent contredire.

« Vu la difficulté de la situation économique dans le pays, le régime cherche à contrôler toutes les sources de rentes en les confiant à des hommes d’affaires complètement dépendants du palais présidentiel – dans la plupart des cas des hommes de Maher el-Assad, le frère de Bachar, ou d’Asma – qui leur doivent entièrement leur fortune et qui n’ont aucune autonomie financière, contrairement à Tarif el-Akhrass », explique Joseph Daher, maître enseignant de recherche à l’Université de Lausanne et professeur affilié à l’Institut universitaire européen de Florence. Ruiné par dix ans de guerre et incapable de financer une reconstruction estimée à plusieurs centaines de milliards de dollars, l’État cherche depuis plusieurs années à reprendre la main sur le champ économique. Quitte à monter de toutes pièces des scénarios pour s’accaparer leurs ressources.

« Complot tissé par le régime »

Selon une source proche de la direction de l’entrepôt de Tarif el-Akhrass, cité par le média al-Modon, cette récente saisie de sucre serait en réalité « un complot tissé par le régime pour faire pression sur l’homme d’affaires afin d’obtenir des bénéfices financiers de sa part dans le cadre de la récente campagne du régime contre la plupart des commerçants et hommes d’affaires en Syrie ». Le journal poursuit en expliquant que la quantité de sucre saisie « avait été légalement importée au profit de la Société syrienne de commerce par Tarif el-Akhrass et que le commerce syrien refusait de la recevoir sous prétexte qu’il n’était pas conforme aux spécifications convenues ».

Cette perquisition s’inscrit plus largement dans le cadre d’une campagne lancée au cours du mois d’août par le nouveau ministre du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs, Amro Salem, contre les grands négociants en sucre qu’il a qualifiés il y a plus de dix jours d’ « oligopoles ». Le but affiché ? Réduire les pénuries et le prix du sucre, alors que le ministre a déclaré que la quantité de sucre saisie suffisait à assurer les besoins de la population pendant une longue période. L’affaire visant le « roi du sucre », comme il est surnommé dans le pays, ainsi qu’une dizaine d’autres commerçants a été déférée devant la justice et elle est susceptible de faire encourir aux accusés jusqu’à sept ans de prison, a indiqué Amro Salem, selon qui leurs avoirs ont également été gelés.

En parallèle de cette affaire, l’Établissement syrien du commerce a annoncé au cours des derniers jours que Samer Foz allait fournir l’État en sucre à hauteur de 1 000 tonnes par jour. Chef d’une petite entreprise spécialisée dans le béton avant 2011, ce dernier est aujourd’hui à la tête de nombreux secteurs du pays, allant de la câblodistribution à la pharmaceutique en passant par l’immobilier, l’importation et le commerce de céréales et les matériaux de construction. Profiteur de guerre par excellence, l’attribution de ce contrat à Samer Foz est « une preuve supplémentaire que le régime souhaite favoriser les figures complètement liées au palais présidentiel », note Joseph Daher.

« Personne n’est à l’abri, c’est pourquoi vous voyez une énorme vague d’industriels et d’hommes d’affaires fuyant hors de Syrie à Erbil ou en Égypte, résume de son côté Ayman Abdel Nour. Le but : les obliger à fermer leurs entreprises et à quitter le pays ou à devenir employés pour le gouvernement. »

Le régime syrien court-il après la peau de Tarif el-Akhrass ? Le cousin du père de la Première dame de Syrie, Asma el-Assad, l’un des plus grands hommes d’affaires syriens et notamment l’un des plus grands importateurs de matières premières, comme le sucre, aurait récemment fait les frais d’une affaire montée en épingle visant à confisquer ses denrées sous couvert de lutte...

commentaires (4)

Je me demande combien de milliardaires libanais demandent la nationalité syrienne...

Wlek Sanferlou

22 h 41, le 01 octobre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Je me demande combien de milliardaires libanais demandent la nationalité syrienne...

    Wlek Sanferlou

    22 h 41, le 01 octobre 2021

  • c’est un scandale de lui avoir accordé la nationalité libanaise alors que nous ne pouvons pas la transmettre à nos enfants naturellement en respectant des quotas bien évidemment. L’Orient-Le jour devrait enquêter sur la provenance de la source qui l’aurait accordée. Honte aux prédateurs mafieux qui se croient éternellement permis de nous abuser sans craindre la moindre correction.

    Wow

    19 h 11, le 01 octobre 2021

  • Une seule ligne me choque profondément dans cet article, ce monsieur pourri de pourri qui fait l’objet de sanctions internationales, a obtenu la nationalité libanaise en 2014! Mais POUR QUELLES RAISONS ? Est ce que la nationalité libanaise est une denrée commerciale négociable? Mais franchement y a t il plus pourris que nos dirigeants politiques tous bords confondus ? Lançons un concours international de politiciens incompétents et corrompus, je suis sûr que les politiciens libanais rafleront les 100 premières places (au moins 100…)

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 32, le 01 octobre 2021

  • Je note que Tarif el Asmar a obtenu la nationalite libanaise en 2014 ! on se demande combien il a du payer aux corrompus qui le lui ont fournie !!! Bien entendu les tres nombreuses personnes douteuses ayant acquis la nationalite libanaises en 2014 l’ont bien conservee malgre toutes les protestations. En ce temps la la Surete Generale, presidee par Abbas Ibrahim avait enquete’ sur les beneficiaires de cette grace presidentielle inesperee ….mais aucun resultat pratique ! Et dire que ce sont les memes corrompus qui clament sans honte, la guerre contre la corruption !

    Goraieb Nada

    07 h 20, le 01 octobre 2021

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