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Monde - Commémoration

Un an après la guerre au Karabakh, des soldats traumatisés et stigmatisés

Pendant six semaines à l’automne 2020, le conflit militaire entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie a fait 6 500 morts, meurtrissant profondément les populations des deux pays.

Un an après la guerre au Karabakh, des soldats traumatisés et stigmatisés

Une femme devant la tombe d’un proche disparu lors de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, démarrée le 27 septembre 2020. Karen Minasyan/AFP

Insomnies, cauchemars, palpitations cardiaques et agressivité. Un an après avoir été envoyé combattre au Haut-Karabakh, territoire disputé par l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le jeune Asif Maharramov se débat avec des séquelles psychologiques. « Mon humeur a empiré. Quand j’entends quelqu’un dire quelque chose que je n’apprécie pas, j’ai envie de le frapper. J’ai perdu le contrôle », confie M. Maharramov, constatant qu’un an après la guerre, « le stress est toujours là ».

Pendant six semaines à l’automne 2020, un conflit militaire entre son pays – l’Azerbaïdjan – et l’Arménie a fait 6 500 morts, meurtrissant profondément les populations des deux pays, voisins ennemis du Caucase. Asif Maharramov, 20 ans, fait partie des milliers de vétérans des deux pays souffrant de syndrome de stress post-traumatique (SSPT), dans des sociétés patriarcales où le thème de la santé mentale reste stigmatisé. Aujourd’hui, l’Arménie et l’Azerbaïdjan s’efforcent d’élargir l’accès aux soins psychologiques pour les anciens militaires, attirant progressivement les vétérans endurcis par la guerre, qui doivent surmonter la peur d’être perçus comme faibles. Mais le défi est de taille, dans des pays que les experts interrogés qualifient de sous-développés en matière de traitements psychiatriques. « Seulement un quart des vétérans de guerre acceptent de se faire soigner », indique Khatchatour Gasparyan, du centre de psychologie Intra, dans la capitale arménienne Erevan. « La société doit apprendre qu’il n’y a pas de honte à aller voir un psychologue, c’est une chose normale », a-t-il ajouté. En Azerbaïdjan, des centres de réhabilitation psychologique ont ouvert dans toutes les grandes villes en janvier. Depuis, « le nombre d’anciens soldats demandant un traitement psychologique n’a fait qu’augmenter », constate la psychologue Sabina Rachidova.

Le centre de la capitale azerbaïdjanaise, Bakou, dans lequel elle travaille, traite quelque cinquante soldats par semaine, avec des programmes basés sur la psychothérapie et la méditation pouvant durer jusqu’à un an. Selon sa collègue, Nargiz Huseynova, « l’agressivité, l’insomnie, l’apathie » sont monnaie courante.

C’est là qu’Asif Maharramov a été soigné. Envoyé à la guerre juste après son début le 27 septembre 2020, il a passé sa première nuit sous les tirs d’artillerie.

« Le sang coulait »

Il affirme avoir été blessé à la tête pendant une opération. Son capitaine, lui, est mort. « Nous l’avons vu couché par terre, le sang coulait », raconte le vétéran de 20 ans, qui a passé cinq mois à l’hôpital. « Je le vois souvent en rêve. Je vois mes camarades. Ils hurlent, ils m’appellent. » En Arménie, le gouvernement a également organisé un réseau de centres de réhabilitation pour les vétérans, les anciens prisonniers de guerre et les familles des victimes. Selon le coordinateur du programme, Andranik Hakobyan, « le choc, le rejet, la culpabilité »« affectent un grand nombre de patients. « Si on ne les aide pas à temps, ils souffrent de pensées suicidaires et deviennent agressifs », affirme-t-il, indiquant espérer que 10 000 personnes pourront recevoir des soins.

Marche à Bakou en hommage aux morts du conflit armé de six semaines entre l’Azerbaïdjian et l’Arménie. Azerbaijani presidency/AFP

« Pas de gagnants »

« Il n’y a pas de gagnants ou de perdants à la guerre, a-t-il ajouté. Arméniens et Azerbaïdjanais souffrent de la même manière des conséquences de la guerre. Nous avons tous un long chemin à parcourir vers le rétablissement psychologique. » David Stepanian a échappé de justesse à la mort lors de son premier jour au combat, lorsque qu’une voiture dont il venait de sortir a explosé.

Le jeune homme de 21 ans a ensuite été blessé et transporté, inconscient, à l’hôpital, où les médecins ont constaté qu’une balle l’avait atteint à quelques millimètres du cœur. Le projectile est toujours logé dans sa poitrine et son corps est couvert de cicatrices, mais ce sont ses blessures psychologiques qui le font le plus souffrir. « Les pires souvenirs de la guerre sont ceux où l’on voit son ami blessé et qu’on ne peut pas l’aider à cause des tirs ennemis », raconte le vétéran, qui affirme n’avoir pas fermé l’œil pendant des mois, tourmenté nuit et jour par des images du conflit. « Je n’arrivais plus à interagir avec ma famille ou mes amis, et finalement j’ai décidé de demander de l’aide médicale », a-t-il déclaré, indiquant que huit séances de psychothérapie l’avaient soulagé, qu’il dormait désormais jusqu’à quatre heures par nuit. De retour en Azerbaïdjan, où Asif Maharramov est désormais gardien d’une installation pétrolière en périphérie de Bakou, l’humeur est plus sombre. « Si jamais je me marie, il n’y aura pas de musique à ma fête de mariage, déclare le jeune homme. Je connais des gens qui ne se marieront jamais parce qu’ils sont morts à la guerre. »

Emil GULIYEV avec

Mariam HARUTYUNYAN, à Erevan

Insomnies, cauchemars, palpitations cardiaques et agressivité. Un an après avoir été envoyé combattre au Haut-Karabakh, territoire disputé par l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le jeune Asif Maharramov se débat avec des séquelles psychologiques. « Mon humeur a empiré. Quand j’entends quelqu’un dire quelque chose que je n’apprécie pas, j’ai envie de le frapper. J’ai perdu...

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