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La Consolidation de la paix au Liban - Septembre 2021

La crise socio-économique et la pandémie ont accentué les pressions sur l’UNHCR

L’agence étend son « filet de sécurité » pour assurer une autosuffisance aux plus démunis et répondre aux besoins de santé

Dans une petite épicerie de Tarik Jdidé, Rabih, un réfugié syrien de 34 ans, prend d’un étal une bouteille d’huile végétale d’un litre. Ses moyens financiers ne lui permettent pas d’acheter comme dans le passé, la bouteille de cinq litres. « Je ne peux plus le faire, confie-t-il, parce que son prix est supérieur à ce que je garde de côté jusqu’à la fin du mois, pour nourrir mes enfants », compte tenu de la flambée des prix et de l’inflation résultant de la crise économique aiguë qui affecte le Liban.

Rabih fait partie de centaines de milliers de Syriens qui, comme les Libanais, ont été privés des conditions élémentaires d’une vie digne. La chute vertigineuse de la livre libanaise et la flambée des prix ont exacerbé leurs souffrances. Cette catégorie de personnes n’aspire plus qu’à « l’autosuffisance » pour couvrir ses besoins. Les organisations des Nations Unies les ont aidés à ce niveau en amplifiant leurs contributions financières et leurs aides en nature. Leur objectif : combler les besoins croissants des réfugiés au Liban. Avec la pandémie de coronavirus, ces besoins ont sensiblement augmenté et l’assistance a dans le même temps doublé, notamment dans le domaine médical pour aider le gouvernement, à travers la fourniture d’équipements et la réhabilitation de centres de soins, à mettre en place une structure médicale qui profite aussi bien aux réfugiés qu’aux Libanais.

Avec l’exacerbation de la crise économique, l’ONU est intervenue en avril 2020 pour en atténuer les effets, à travers une aide en espèces mensuelle, fournie à travers l’UNHCR et ses partenaires à chaque ménage. Le montant versé chaque mois a été doublé et il est vite passé de 260 000 à 400 000 livres, dans un effort destiné à compenser en partie les effets de la flambée des prix des produits de première nécessité sur les couches les plus vulnérables de la population. Cette assistance a été mise en place en concertations avec les autorités libanaises et le Programme alimentaire mondial (PAM), pour s’assurer de sa compatibilité avec les programmes d’assistance aux familles libanaises les plus pauvres. L’assistance alimentaire du PAM est également passée de l’équivalent de 40 000 à 100 000 LL par mois.

La porte-parole de l’UNHCR au Liban, Lisa Abou Khaled, confirme à ce propos qu’ « en raison de la dévaluation croissante de la livre libanaise, le Haut-comité et d’autres agences de l’ONU continuent de plaider pour davantage d’assistance aussi bien aux réfugiés qu’aux Libanais dans le besoin ». Tout en soulignant que le Haut commissariat pour les réfugiés a étendu autant que possible son filet de sécurité afin de pouvoir couvrir un plus grand nombre de familles au fur et à mesure que la pauvreté extrême s’accentuait et relever le montant de l’aide en espèces pour compenser les effets de l’inflation, elle a reconnu que toutes ses mesures « restent largement insuffisantes ».

Les fonds actuellement disponibles et destinés à l’assistance humanitaire permettent à l’UNHCR de fournir l’aide mensuelle en espèces (400 000 LL) à seulement 27 % des réfugiés syriens. Plus encore, le PAM et le Haut-comité peuvent fournir une aide financière ou alimentaire à seulement 66 % de l’ensemble des réfugiés.

La dégradation de la situation économique des réfugiés syriens a atteint des niveaux record, à cause de la dépréciation de la livre. Près de 91 % de ces déplacés vivent avec moins de 3,8 dollars par jour. Sur dix familles de réfugiés syriens, neuf ont atteint un niveau de pauvreté extrême, contre 55 % seulement l’année dernière, selon les données de l’Unicef.

Pour l’ONU, l’assistance financière devrait être accessible à toutes les familles vivant au-dessous du seuil de la pauvreté. « Nous continuons d’œuvrer avec nos partenaires et nos bailleurs de fonds afin d’accroître l’assistance humanitaire destinées aux réfugiés et aux Libanais dans le besoin », souligne Lisa Abou Khaled, en précisant que l’aide en espèces est versée en livres libanaises.

Le soutien de la communauté hôte

Au fur et à mesure que la crise empirait, les agences de l’ONU se mobilisaient progressivement pour répondre aux besoins des Libanais qui accueillaient des réfugiés syriens dans plus de 1 700 localités, d’autant que le gouvernement avait autorisé ces derniers à bénéficier de l’infrastructure éducative, médicale, hydraulique et électrique nationale. Ceci avait eu pour effet de mettre davantage de pressions sur cette infrastructure vieille et usée. Parallèlement, le nombre record de déplacés par rapport à la population locale a alimenté les tensions dans plusieurs domaines, notamment au niveau de la quête d’emploi.

Face à cette situation, l’UNHCR avait consacré une partie de son budget pour soutenir des institutions libanaises ainsi que divers projets qui profitent autant aux communautés locales qu’aux réfugiés. Depuis 2011, il a investi 295,1 millions de dollars dans diverses institutions et infrastructures libanaises afin qu’un certain nombre de ministères puissent assurer des services publics à un éventail plus large de la population et exécuter des projets d’infrastructure auprès des communautés hôtes. L’objectif de cette démarche est d’atténuer l’impact de la présence massive de réfugiés et d’aider les institutions et les localités libanaises à mieux gérer les effets de la pandémie de coronavirus et de l’explosion dévastatrice du 4 août 2020 au port de Beyrouth.

L’ancien ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, reconnaît l’efficacité et l’importance de ces mesures, mais estime qu’elles restent « insuffisantes ». Il rappelle dans ce cadre des propos qu’il avait tenus devant un haut responsable de l’ONU durant sa visite à Beyrouth, à savoir que « les donateurs se sont refroidis ». Rachid Derbas redoute que les contributions des États donateurs aux agences onusiennes ne diminuent graduellement jusqu’à ce que l’aide cesse.

Tout en déplorant le fait que les contributions des bailleurs de fonds aux institutions internationales ne dépassent pas 65 % des sommes promises, M. Derbas ne cache pas que les dépenses de l’ONU au Liban en termes d’assistance « assurent des devises étrangères et couvrent de façon acceptable les besoins des réfugiés syriens au moment où le Liban n’arrive pas à gérer ce fardeau énorme ».

En moyenne, les dépenses des Nations Unies au Liban se situent dans une fourchette allant de 1,3 à 1,5 milliard de dollars par an. Près d’un milliard de dollars sont dépensés à travers les agences de l’ONU. Le reste est fourni à travers d’autres partenaires et organisations dans le pays.

Depuis 2017, le Programme des Nations Unies pour le développement au Liban (Pnud) a lancé le « Programme de stabilisation et de redressement », en appui au plan d’intervention d’urgence face à la crise libanaise. Il s’était fixé trois objectifs s’articulant autour de « la consolidation de la stabilité et de la résilience des communautés hôtes », du « soutien aux principales institutions publiques dans la perspective d’un développement de leurs capacités de gestion de crises » et de « la coordination des activités de stabilisation et de redressement dans tout le Liban ».

Les besoins liés à la pandémie

Les crises sanitaires liées à la pandémie du coronavirus ont poussé les Nations Unies à intervenir à ce niveau aussi afin d’atténuer la pression à laquelle le système de santé libanais était soumis et de l'aider à régir la forte augmentation des cas de Covid-19 nécessitant des soins médicaux intensifs. L’UNHCR avait réagi promptement pour empêcher la propagation du virus, notamment dans les camps de réfugiés. Ses efforts se sont concentrés sur les moyens d’assurer à toutes les personnes installées au Liban, qu’il s’agisse de Libanais, de réfugiés ou autres, un accès à un traitement adéquat en temps opportun. Il a ainsi consacré 31,4 millions de dollars à la mise en œuvre de son plan pour empêcher la propagation du coronavirus au Liban en 2020. Sa stratégie s’articulait autour de trois éléments : la prévention, la lutte contre la propagation du virus et la contamination, ainsi que le traitement des malades.

Au niveau des contributions, l’UNHCR a fourni à 13 hôpitaux à travers le Liban 100 lits pour équiper leurs unités de soins intensifs (avec des ventilateurs et des écrans), 800 lits d'hôpital et 8 unités de dialyse pour les patients du Covid-19. Dans le cadre de son programme d'assistance hivernale, le Haut-comité a fourni 1,2 million de litres de mazout à 17 hôpitaux dans tout le Liban pour leur permettre d’avoir le courant électrique sans interruption.

Parallèlement, les équipes de l’UNHCR ont travaillé sans relâche depuis février 2020 au niveau de la sensibilisation, pour aider les réfugiés à limiter eux-mêmes les contaminations au sein de leurs familles et de leur milieu. L’agence internationale a collaboré avec le ministère de la Santé, l'Organisation mondiale de la santé, les autorités locales et d'autres partenaires, pour soutenir la campagne nationale de lutte contre le coronavirus.

Selon le coordinateur du programme gouvernemental de réponse à la crise au Liban, le Dr Assem Abi Ali, plus de deux cent mille bouteilles de stérilisateurs ont été distribuées, en plus d’autres matériels de prévention, dans le cadre d'une campagne de sensibilisation et d'orientation avec le concours des autorités libanaises et de volontaires sociaux. Ces derniers se sont rendus dans les camps de réfugiés pour expliquer l'importance de la prévention sanitaire, les mesures à prendre en cas de contamination et la nécessité de se conformer aux procédures en vigueur.

Parallèlement, les équipes du Haut-comité de secours ont équipé sept centres d'isolement qui accueillent tous les malades atteints du Covid-19, indépendamment de leur nationalité.

Soutien aux victimes de l'explosion au port

L'explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020 a été une véritable catastrophe qui a exacerbé la crise socio-économique, affectant des milliers de Libanais et de réfugiés qui se sont retrouvés sans abri après la destruction de leurs demeures. L’UNHCR a levé sans tarder 35 millions de dollars à destination des familles les plus touchées et les plus vulnérables de Beyrouth. La somme de 32,6 millions de dollars a été allouée à la fourniture d'abris et la réparation des habitations endommagées et 2,44 millions de dollars aux activités dites de protection durant les trois mois qui ont suivi le cataclysme, notamment un soutien psychologique et une assistance juridique aux victimes.

L'Unicef et ses partenaires ont également mené un large éventail d'interventions, fournissant une aide humanitaire d'urgence aux personnes touchées par l'explosion, ainsi qu’un soutien psycho-social nécessaire pour aider la population à faire face au traumatisme auquel elle a été exposée pendant et après l'explosion, comme l'ont annoncé les Nations Unies au lendemain de la tragédie du port.

En octobre 2020, le Haut-comité a lancé le programme d'assistance en espèces pour la réparation des demeures endommagées. Celui-ci a bénéficié à plus de 11 500 familles, pour la plupart libanaises, mais aussi parmi les réfugiés, qu’ils soient enregistrés ou non. La somme de 600 dollars leur a été versée pour les aider à financer les travaux de réparation de leurs logements. Il s'agissait d'un don accordé à titre exceptionnel pour une fois seulement en dollars américains, dans le but de permettre à ces personnes d’acheter les matériaux de construction qui sont souvent importés et vendus en dollars américains.

Dès le départ, l’intervention du Pnud a transcendé le cadre restreint des travaux de reconstruction des bâtiments et des infrastructures endommagés par l’explosion, mettant l’accent sur un règlement inclusif qui accorde la priorité aux individus et qui aborde de manière juste et équitable les faiblesses structurelles auxquelles sont confrontés les groupes les plus défavorisés et les plus pauvres de la population, notamment les femmes et les filles, les travailleurs migrants, les réfugiés, les personnes âgées, les enfants et les jeunes.

Toutes les agences des Nations Unies opérant au Liban se sont ainsi mobilisées pour répondre aux besoins de la population. L’Unicef a dans ce contexte distribué à des familles défavorisées, une aide d'urgence en espèces dans le cadre d'un programme destiné à couvrir les besoins de 80 000 enfants et personnes les plus vulnérables touchées par l'explosion au port de Beyrouth. La somme de 120 dollars a été ainsi versée aux membres des familles ciblées, avec un plafond fixé à trois membres par famille. Une aide humanitaire leur a été aussi fournie.

Une initiative conjointe a été en outre menée par le Pnud et la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie occidentale (CESAO) qui ont lancé ensemble un appel à l’action, afin de soutenir les personnes handicapées, en particulier après l'explosion du 4 août et de répondre urgemment aux besoins techniques nécessaires pour préserver la santé et le bien-être des personnes handicapées.

Grosso modo, les contributions des agences des Nations Unies ont servi à répondre aux besoins sanitaires, éducatifs et pédagogiques.

L’agence étend son « filet de sécurité » pour assurer une autosuffisance aux plus démunis et répondre aux besoins de santé
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