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Culture - Portrait d’artiste

Sara Abou Mrad en mode peinture amoureuse

Sa première exposition solo en France se tiendra à la galerie Claude Lemand à Paris du 12 octobre au 12 novembre. Retour sur la trajectoire de cette jeune peintre libanaise à l’univers fécond en signes et symboles... de la passion.

Sara Abou Mrad en mode peinture amoureuse

« La promenade de la mariée », acrylique sur toile de Sara Abou Mrad (130 x 240 cm ; 2020) acquise par Claude Lemand pour le musée de l’Institut du monde arabe. Photo DR

Il y a cinq ans, L’Orient-Le Jour découvrait le talent prometteur de Sara Abou Mrad à la galerie 392Rmeil393, où, fraîche diplômée en beaux-arts de l’Université libanaise, elle présentait pour la première fois une série de ses œuvres en solo. Aujourd’hui acquis par le Fonds de dotation Claude et France Lemand, sa Promenade de la mariée, grande acrylique sur toile (125 x 230 cm) réalisée en 2020, ainsi que les 26 dessins de sa série « Afrique/Collioure », achevée en 2021, viennent d’intégrer les collections muséales de l’Institut du monde arabe à Paris (IMA). Une belle porte d’entrée sur la scène artistique parisienne pour cette peintre, âgée de 33 ans, qui fait partie des 11 lauréats du concours « Appel aux jeunes artistes du Liban : représentez Beyrouth » lancé, il y a un an, par le Fonds Claude et France Lemand – et dont la cérémonie de remise des prix aura lieu le 23 septembre au musée de l’IMA.

Son talent pictural, repéré par l’ex-ambassadeur de France au Liban Bruno Foucher lors de la dernière édition de la Beirut Art Fair, avait déjà valu à la jeune femme une bourse de l’Institut français du Liban pour un séjour de quatre mois dans la Ville lumière. Reçue en résidence d’artiste à la Cité internationale des arts de Paris en 2020, elle a également bénéficié du soutien de la Fondation Cedrona (présidée par Alexandre Najjar) pour reconduire son séjour en France de deux mois supplémentaires afin d’y développer une série d’illustrations des Fleurs du mal pour l’édition spéciale Baudelaire de L’Orient Littéraire. Ce qui lui a permis de participer à la compétition des artistes libanais de l’IMA et d’y faire la rencontre de Claude Lemand.

Expression libre et sans tabous

Le galeriste, reconnu sur la place parisienne pour avoir été l’un des premiers à promouvoir de grands artistes arabes en Occident, à l’instar de Shafic Abboud, d’Etel Adnan et de Dia al-Azzaoui, est immédiatement séduit par son travail. Et notamment par « la force de sa composition et son monde onirique qu’on ne trouve pas facilement chez les peintres du monde arabe », dit-il. Il lui propose de rejoindre son écurie de talents. Et lui offre, à la clef, une première exposition individuelle parisienne, en pleine rentrée (du 12 octobre au 12 novembre), au sein de son espace du 14e arrondissement (70, avenue Jean Moulin).

Pour cette artiste à la fois timide et déterminée, cet accrochage représente « le début d’une période prometteuse ». Il consacre surtout la singularité de sa patte artistique et son expression picturale d’une totale sincérité. Car tout son art est habité par une histoire authentique. La sienne propre qu’elle narre dans ses toiles, à travers des personnages symboliques qui traduisent de manière imagée son vécu, ses sentiments, ses expériences heureuses ou douloureuses. À l’instar de cette Matilda, figure féminine dénudée, qu’elle fait évoluer, comme en apesanteur, entre ciel et terre, dans des scènes fantasmagoriques où passé et futur s’entrecroisent, humains et animaux se mélangent dans une sorte de paradis perdu et recomposé.

Sara Abou Mrad, un univers onirique singulier. Photo DR

Homme-lion et toucan sexué

Cette « Mathilda libre, amoureuse et sans tabous » a, en fait, toujours accompagné Sara Abou Mrad. Depuis l’enfance et les prémices d’un talent éclos dans une famille d’artisans – « mon père est tapissier et son propre père sculpteur de stèles tombales », signale-t-elle – profondément croyants et conservateurs. « Ce personnage que j’ai baptisé Mathilda est tout simplement mon alter ego. Il exprime, à travers des mises en scène, mes sentiments les plus secrets, mes contrariétés, mes ruptures, les angoisses qui m’accablent parfois, les épreuves auxquelles j’ai été confrontée, mais aussi les heureux changements survenus dans ma vie… Il a toujours été mon refuge et ma consolation », affirme l’artiste. Laquelle, dans une palette de couleurs vives, déploie ainsi ses désirs, ses fantasmes, sa vie rêvée à travers cette silhouette – aussi blonde qu’elle-même est brune – qui revient de manière récurrente dans ses toiles. Des compositions de grande envergure qui forment comme des fresques peuplées de créatures chimériques : des oiseaux aquatiques, des femmes ailées, des sortes de minotaures et cet homme-lion qui se distingue, toujours, par sa position centrale évocatrice de la place qu’il occupe dans le cœur et la vie de l’artiste.

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Ce lion qui est la représentation érotisée de l’homme qu’elle aime, Sara Abou Mrad en a fait avec Matilda les protagonistes d’un monde symbolique créé à sa mesure.

Un monde entre songe et réalité dans lequel elle s’évade en immortalisant sa vision poétique, spirituelle et voluptueuse d’une fusion totale des corps et des esprits.

Et l’on retrouve, justement, dans les œuvres offertes au musée de l’IMA ainsi que dans celles qui seront accrochées sur les cimaises de la galerie Claude Lemand, des variations picturales narratives de sa relation avec l’homme-lion, représenté également en toucan hypersexué dans la série de dessins sur carton « Afrique-Collioure » inspirés d’un masque africain qu’il lui a lui-même offert. Et qui scelle, dit-elle, symboliquement leur union.

Impossible de ne pas faire le rapprochement entre l’art de Sara Abou Mrad et l’onirisme tendre d’un Chagall ou encore l’érotisme primitif de certaines œuvres de Picasso. Si l’influence de ces grands maîtres de la peinture occidentale sur son travail est perceptible, il reste néanmoins fondamentalement nourri de l’univers intime, singulier, de cette grande amoureuse.

La danse du soir. 155x120 cm. Acrylique sur toile 2021

Carte de visite en quelques dates

Née en 1988, diplômée en beaux-arts de l’Université libanaise, Sara Abou Mrad a créé en 2016, sous l’égide de la fondation Empowerment Through Integration, un programme basé sur l’art pour la formation des enfants aveugles afin de les aider à s’intégrer dans la société.

Lauréate du premier prix du Goethe-Institut en 2011 et 2013 pour la traduction de la musique classique en peinture et du premier prix en dessin du Beirut Design Week en 2015, ainsi que de celui de l’Accademia di belle arti di Bologna en 2017, elle a publié ses premières séries de gravures Mathilda chez Zaaroura maison d’édition d’art contemporain de Fadi Mogabgab et a exposé ses œuvres en 2018 dans le cadre du Festival international de musique classique d’al-Bustan.

En 2019, pendant la révolution libanaise, elle a réalisé une installation 250 oiseaux de tailles différentes intitulée Le retour du Phénix qu’elle a collée, avec les manifestants, sur la façade principale du Grand Théâtre de Beyrouth.

Sa sculpture symbolisant Beyrouth, L’Instant, conçue à partir de débris de verre provenant de la double explosion du 4 août 2020, a été remise au président français Emmanuel Macron lors de sa visite à Beyrouth pour célébrer le centenaire du Grand Liban.

En septembre 2020, en tant que boursière de l’Institut français au Liban, elle a été admise à la Cité internationale des arts à Paris pour une résidence d’artiste.

Elle a participé à plusieurs expositions au Liban et à l’étranger, dont Beirut Art Fair 2019, Luxembourg Art Fair, Amsterdam Affordable Art Fair, Salon international d’art contemporain Paris, Artbox Project Zürich, QIAF Qatar, FIAC, 508 Gallery Londres…

Il y a cinq ans, L’Orient-Le Jour découvrait le talent prometteur de Sara Abou Mrad à la galerie 392Rmeil393, où, fraîche diplômée en beaux-arts de l’Université libanaise, elle présentait pour la première fois une série de ses œuvres en solo. Aujourd’hui acquis par le Fonds de dotation Claude et France Lemand, sa Promenade de la mariée, grande acrylique sur toile (125 x 230 cm)...

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