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Culture - Musique

Tania Saleh, mélodies douces pour temps amers

Après son album « Intersection » en 2018, Tania Saleh vient d’obtenir pour la seconde fois le prix du German Record Critics’ Award pour son récent album « 10 A.D. » (« Dix ans après divorce »).

Tania Saleh, mélodies douces pour temps amers

Tania Saleh : « J’ai l’intention de renouveler toujours ma musique afin qu’elle s’adresse aux jeunes. » Photo Bachar Srour

À l’heure où l’on mélange les cartes de sa vie et où l’on se remet en question continuellement, le prix du German Record Critics’ Award vient confirmer l’auteure compositrice Tania Saleh dans la voie qu’elle s’est choisie.

Après plus de vingt ans dans la musique, mais aussi, en parallèle, dans les arts plastiques et la publicité, et après les deux dernières années lors desquelles le Liban a vécu des heures très sombres de son histoire, le doute s’est installé dans l’esprit de Tania Saleh. « Suis-je vraiment engagée dans la bonne voie ? se demande l’artiste. Qui entend encore mes compositions alors que toutes les plateformes ont changé d’identité (tout comme le cinéma), que le coronavirus est venu saper toutes les bases culturelles passées et que le monde est en manque de concerts et de rassemblements ? Qui apprécie encore la langue libanaise (et j’entends par là libanaise et non arabe), alors que je n’aime chanter qu’en libanais ? »

Des questionnements qui ont pourtant été entendus par ce jury international qui vient de lui donner les réponses adéquates en lui accordant un prix, pour le moins qu’on puisse dire prestigieux. « Ce jury de professionnels glane toutes les compositions de l’année entre autres classiques et électro, et de tous les pays. C’est dire que mes chansons ont été entendues, appréciées et comprises. » Car, avec une langue qui ne lui est pas familière et tout en sachant que le Liban est en souffrance, ce jury a tenté de comprendre les paroles et récompenser une artiste pour ses efforts, son travail et sa recherche élaborée d’une musique avant-gardiste. Il a même décrit l’album comme « une réponse en mélodies douces à des temps amers. »

La couverture de l’album « 10 A.D. » primé par le German Record Critics’ Award.

Ce prix, un boost vers l’avant !

« J’ai toujours réalisé des compositions libanaises car j’appartiens à ce pays. Je ne veux pas faire de l’américain, ni du français. Je me sens un maillon dans la chaîne des compositeurs et compositrices qui m’ont précédée et j’ai envie de poursuivre leur voyage. Si, aujourd’hui, j’ai des velléités de partir, c’est parce que d’abord mes enfants ont choisi d’autres destinations pour leurs études et qu’ensuite, je sens que ces deux années à venir seront un temps mort et que je ne pourrai ni être prolifique ni être utile à mon pays. Je les emploierai à l’extérieur à pousser mes études afin de revenir plus forte et munie d’un master pour transmettre, en enseignant, la musique ou les arts plastiques. »

Après une résidence d’artiste à Sienne en octobre/novembre où elle essaiera de lier les arts plastiques à la musique, la compositrice s’appliquera à faire donc un master dans une école en France en arts de la scène ou arts numériques pour revenir enseigner au Liban et faire aboutir les projets qu’elle aime. « Je n’ai plus de temps à perdre et j’essaye de m’organiser au mieux, dit-elle. Je ne veux pas être une réfugiée en dehors de mon pays. »

En dépit de l’espoir qui faiblit et du désespoir qui prend le dessus, Tania Saleh a toujours la volonté d’innover et de créer. « J’ai l’intention de renouveler toujours ma musique afin qu’elle s’adresse aux jeunes », affirme-t-elle. C’est pourquoi, dans l’album 10 A.D., elle a ajouté à l’arrangement musical réalisé par Édouard Torikian un autre, concocté par l’arrangeur et pianiste norvégien Øyvind Kristiansen qui a travaillé avec son quatuor sur l’album. Celui-ci, enregistré au Caire avec des musiciens égyptiens qui ont une plus vaste connaissance de l’instrumentation orientale, est un mélange de musique classique, orientale et techno. Avec cet échantillonnage de musiques diverses, il y a une seule atmosphère unifiée et homogène dans toutes les chansons et des arômes nouveaux.

« Dans 10 A.D., je parle d’une femme entre deux âges qui a souffert du divorce et passe par des expériences dans sa vie. Outre les chansons qui relatent l’état d’esprit de cette femme, ses amours impossibles ou qui n’ont pas abouti, certains titres abordent les problèmes économiques du Liban actuel. Un album, ajoute-elle, qui me raconte et raconte ce que vit une femme comme moi 10 ans après un divorce dans une société patriarcale. Et ceux qui m’ont donné le prix ont très bien compris ce que je voulais dire en paroles et en musique. »

Tania Saleh, qui ne craint pas de se mettre à nu dans sa musique, conclut : « C’est la seconde fois que ces Allemands me donnent ce prix. Je dois avoir confiance et savoir que je fais du bon travail et que dois persévérer dans cette voie. »

À l’heure où l’on mélange les cartes de sa vie et où l’on se remet en question continuellement, le prix du German Record Critics’ Award vient confirmer l’auteure compositrice Tania Saleh dans la voie qu’elle s’est choisie. Après plus de vingt ans dans la musique, mais aussi, en parallèle, dans les arts plastiques et la publicité, et après les deux dernières...

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