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Société - Crise du secteur éducatif au Liban

"Journée de colère" des enseignants pour dénoncer la détérioration de leurs conditions de vie et de travail

"Certains responsables au niveau de la direction des établissements appellent les enseignants à réajuster leur mode de vie alors que nous vivons déjà comme des pauvres", déplore une enseignante. 

Des enseignants manifestant devant le siège du ministère de l'Education à l'Unesco, le 8 septembre 2021. Photo Mohammad Yassine

Pour dénoncer le fait qu'ils "vivent comme des pauvres", la "négligence du secteur éducatif" et l'"effondrement" de leurs salaires, près de cinq cents enseignants libanais ont manifesté mercredi devant le ministère de l'Education à Beyrouth, au moment où la reprise des cours en présentiel dans les écoles du public et du privé est menacée par la crise pluridimensionnelle que traverse le Liban.

Présente à ce sit-in, Marlène Rizk, enseignante du primaire et complémentaire dans une école privée à Baabdat, dans le Metn, a dénoncé "l'effondrement du salaire des enseignants qui ne leur permet plus que de tenir une semaine" au vu de la flambée des prix dans le pays. Elle a appelé les autorités à effectuer un ajustement salarial pour le corps professoral. "Beaucoup d'écoles n'ont toujours pas octroyé aux enseignants les six échelons" (prévus dans la grille des salaires et qui accorde des augmentations aux fonctionnaires et enseignants en fonction des diplômes et de l’ancienneté), a-t-elle par ailleurs confié à notre journaliste sur place, Mohammad Yassine.

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"Nous ne parvenons pas à assurer le suivi académique de nos enfants ni à prendre soin d'eux parce que nous sommes débordés par le travail", a ensuite précisé Mme Rizk. Les enseignants déploient en effet beaucoup d'efforts pour s'adapter aux nouvelles pratiques pédagogiques en ligne. Ils sont souvent amenés à réajuster leurs cours et à travailler hors de leurs horaires pour préparer des cours en ligne et en présentiel. "Certains responsables au niveau de la direction des établissements appellent les enseignants à réajuster leur mode de vie alors que nous vivons déjà comme des pauvres", a-t-elle par ailleurs déploré. "Je regrette que beaucoup d'enseignants n'aient pas participé à cette manifestation", a enfin noté la professeure, appelant le corps éducatif à manifester pour faire pression sur les autorités. Selon notre journaliste sur place, les enseignants présents sur les lieux durant "cette journée de colère" étaient principalement originaires des régions périphériques à Beyrouth, ceux habitant la capitale ne s'étant pas déplacés en grand nombre. 

Hausse du taux d'échec, faute de support technologique
Les enseignants présents à cette manifestation ont par ailleurs déploré l'impact de la crise que traverse le  pays sur le niveau des élèves. Hanane Chaar, docteure en didactique, a critiqué la négligence du secteur éducatif par les autorités au pouvoir, notamment de la situation des enseignants, des élèves et des employés. "Personne n'a donné de compensations au secteur éducatif", a-t-elle regretté. "L'année dernière, le taux d'échec dans les cycles primaire et complémentaire était de 80% parce que les élèves n'ont pas pu suivre les cours", faute de supports technologiques, a par ailleurs noté Mme Chaar, qui n'a pas précisé où elle enseigne. Elle a également appelé les parties concernées à faciliter l'approvisionnement en essence aux enseignants, au moment où le pays connaît de graves pénuries de carburants, et de leur octroyer d'autres aides essentielles.

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L'appel à ce sit-in avait été lancé par le comité de coordination syndicale, qui avait déjà annoncé qu’il boycottait la nouvelle année scolaire, les enseignants des secteurs public et privé refusant de retourner dans les établissements scolaires tant que les autorités concernées ne remédient pas à la situation déplorable dans laquelle se retrouve leur profession. Le syndicat avait appelé à un réajustement des salaires en fonction de l’inflation, à un approvisionnement régulier en carburant et à la mise en œuvre de la carte d’approvisionnement qui doit bénéficier à l’ensemble des enseignants, des journaliers, des techniciens et des retraités. Le syndicat des enseignants du privé avait également lancé le même cri, notant que le retour aux écoles est tributaire de "conditions qui ne sont pas assurées".

Une enseignante manifestant devant le ministère de l'Education à Beyrouth pour dénoncer la détérioration de ses conditions de vie et de travail, le 8 septembre 2021. Photo Mohammad Yassine

Le ministre sortant de l'Education, Tarek Majzoub, avait fixé la reprise des cours en présentiel au 27 septembre, notamment pour les établissements publics, affirmant que le pays ne peut pas supporter une troisième année scolaire "exceptionnelle" après une année de cours effectués majoritairement à distance, à cause de la pandémie de covid-19. L'année scolaire 2019-2020 avait également été perturbée par la pandémie de coronavirus et le soulèvement populaire du 17 octobre qui avait engendré plusieurs grèves et blocages de route. Le secrétaire général des écoles catholiques, le père Youssef Nasr, avait de son côté insisté sur l’importance de la reprise des cours en présentiel, appelant l’État à surmonter "certains obstacles", notamment la pénurie de carburants.

La réouverture des établissements scolaires demeure donc tributaire de la situation du pays qui poursuit son effondrement socio-économique et financier et connaît de graves pénuries, notamment en matière de carburants. De nombreux professeurs qui ont vu leur salaire s'effondrer ont fait le choix de quitter le pays, ce qui a aggravé la crise de ce secteur. Beaucoup de familles s'avèrent également incapables de payer les frais de scolarité et d'acheter les fournitures scolaires de leurs enfants. Le syndicat des propriétaires de librairie avait dans ce contexte annoncé que 45 % du prix des manuels scolaires locaux sera déterminé selon le taux de change de la livre libanaise sur le marché parallèle (qui avait dépassé les 18.000 LL contre un billet vert) et 55 % au taux officiel de 1 507,5 de livres.

En avril, l'ONG Save the Children avait mis en garde contre une "catastrophe" éducative, indiquant que plus de 1,2 million d'enfants avaient interrompu leur scolarité depuis le début de la pandémie au Liban, où 75% de la population vit désormais dans la pauvreté, selon le dernier rapport de l'Escwa.

Pour dénoncer le fait qu'ils "vivent comme des pauvres", la "négligence du secteur éducatif" et l'"effondrement" de leurs salaires, près de cinq cents enseignants libanais ont manifesté mercredi devant le ministère de l'Education à Beyrouth, au moment où la reprise des cours en présentiel dans les écoles du public et du privé est menacée par la crise pluridimensionnelle que traverse...

commentaires (2)

Where are the foreign funds provided to support the education system? If we can't maintain a minimum standard of education in Lebanon, this is how a country dies.

Mireille Kang

23 h 27, le 08 septembre 2021

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Commentaires (2)

  • Where are the foreign funds provided to support the education system? If we can't maintain a minimum standard of education in Lebanon, this is how a country dies.

    Mireille Kang

    23 h 27, le 08 septembre 2021

  • Comment les élèves et les enseignants se rendront-ils à leurs écoles? Où trouveront-ils l'essence? Avec quel argent? Que seront leurs salaires? Et en même temps, s'il n'y a plus d'instruction dans ce pays, que deviendra ledit pays, qui se porte déjà si mal? C'est la quadrature du cercle!

    Politiquement incorrect(e)

    19 h 46, le 08 septembre 2021

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