Wadi el-Jamejim (Vallée des crânes), un magnifique site naturel situé dans la région du Metn, risque bien d’être défigurée dans les semaines à venir. La vallée, qui est protégée depuis les années 90 par le ministère de l’Environnement en tant que site naturel, est menacée par l’élargissement d’une route qui y passe et qui relie Bteghrine à Baskinta. Ce projet, qui est mené par Élias Bou Saab, ancien ministre et député de la région, suscite la colère des écologistes qui dénoncent le risque d’une altération irrémédiable des lieux.
« Cet emplacement est considéré comme un site naturel sensible et protégé par le ministère de l’Environnement, à l’instar de la vallée de Nahr el-Kalb », rappelle Paul Abi Rached, militant écologiste et directeur du Lebanese Eco Movement (LEM), qui met en garde contre l’utilisation des travaux d’élargissement comme prétexte pour l’établissement de carrières dans la région. « M. Bou Saab dit qu’il veut financer l’élargissement de la route par la vente des rochers tirés du site, ce qui équivaut à l’exploitation d’une carrière déguisée. Or il est interdit d’exploiter des carrières dans de tels endroits classés, sauf qu’ils sont déjà en train de creuser le terrain, ce qui nous inquiète beaucoup », déplore ce militant de la première heure. Lara Haddad, militante au sein de l’ONG environnementale Nesr à Baskinta, met également en garde contre les dangers de ce projet dont elle a pu consulter les cartes. « Les entrepreneurs comptent couper une partie de la montagne pour créer une route en ligne droite, au lieu de maintenir les routes existantes qui serpentent et suivent le cours naturel de la vallée. C’est beaucoup plus rentable pour eux s’ils arrivent à extraire de grandes quantités de pierres qu’ils pourront revendre », indique Mme Haddad à L’Orient-Le Jour. Contacté par L’OLJ, le député Élias Bou Saab n’était pas disponible hier pour commenter cette affaire.
Impact environnemental
Paul Abi Rached dénonce par ailleurs le fait que les travaux ont lieu sans aucune étude d’impact environnemental, une condition pourtant requise par la loi. « Le ministère de l’Environnement nous a assuré, en juin dernier, qu’aucune étude d’impact environnemental n’a été présentée pour ce projet. Ils n’ont pas de permis pour abattre des arbres dans le secteur non plus », déplore-t-il. « Aucun parti politique n’a levé la voix, pour des considérations liées aux prochaines législatives », dénonce M. Abi Rached qui déplore également le peu d’intérêt médiatique face à ce dossier. Le militant indique par ailleurs que le LEM a averti plusieurs responsables, dont le ministre sortant de l’Environnement Damien Kattar et le mohafez du Mont-Liban Mohammad Mekkawi, des irrégularités constatées par les écologistes. « Malgré nos plaintes, les travaux continuent, je ne comprends pas », soupire Paul Abi Rached. Ni le ministre sortant de l’Environnement ni le mohafez du Mont-Liban n’était joignable hier pour un commentaire. Lara Haddad fait mention d’un autre risque lié à ces travaux. « Les autorités disent qu’elles n’ont pas les moyens d’asphalter ou de bâtir des murs de soutènement avant trois ans, avertit-elle. Or les responsables du projet comptent donc extraire des pierres du flanc de la montagne, ce qui voudra dire qu’en attendant les murs de soutènement, la route sera très dangereuse. Il y aura un risque d’éboulement au passage des voitures. »
Mme Haddad indique par ailleurs que Baskinta est accessible par une autre route qui passe par Zaarour. « Ils prétendent qu’ils travaillent pour le bien des habitants de Baskinta, mais c’est juste un prétexte. Après toutes ces années passées à attendre que la route soit réhabilitée, l’on pourrait encore attendre un peu qu’il y ait les fonds nécessaires pour effectuer le travail comme il faut », dénonce la militante.
Une lacune légale vient également s’ajouter aux irrégularités techniques et environnementales. « L’entrepreneur compte couper un pan de la montagne à 90 degrés pour agrandir les virages, et en vue de ces travaux, il n’a même pas effectué les expropriations nécessaires. Les ouvriers sont tout simplement en train de creuser dans des terrains privés », assure Lara Haddad. L’impact sur l’environnement, lui, sera proprement désastreux. L’écologiste met en garde contre le danger sur la biodiversité dans le secteur. « La migration des animaux d’un côté à l’autre de la montagne sera presque impossible en l’absence d’un terrain en pente. Nous risquons de voir des animaux sauvages comme les renards ou les hyènes fauchés par les automobilistes », ajoute-t-elle. Selon la militante, les travaux avancent à grands pas, mais les écologistes ne comptent pas rester les bras croisés. « Ils sont en train de travailler rapidement. Dans une semaine, ils commenceront à s’attaquer à la montagne », indique Mme Haddad. « Nous comptons porter plainte contre ce projet », ajoute-t-elle, appelant à l’aide pour mener à bien ce projet.
commentaires (5)
les arguments contre ce projet frisent le grand n'importe quoi ! Cette route est tres commode pour passer du haut Metn au haut Kesrouan. en été, les hauteurs des 2 cazas sont bondés et la circulation sur cette route est frequente. le danger vient du fait qu'elle soit trop etroite et mal entretenue. Quand a la route Zaarour-Faraya, on voit bien que la personne qui en parle ne l'a jamais pratiquée : c'est une route minuscule et presque pas asphaltée.
Lebinlon
17 h 22, le 07 septembre 2021