
La réunion des commissions parlementaires mixtes hier, sous la présidence du vice-président de la Chambre, Élie Ferzli. Photo tirée du site du Parlement libanais
Le jour où a fuité, dans les médias, la date prévue par le ministère de l’Intérieur pour la tenue des prochaines élections législatives, en l’occurrence le 8 mai 2022, l’on a choisi de débattre, en commissions parlementaires mixtes, de projets de loi pour l’amendement (ou le changement pur et simple) de la loi électorale de juin 2017... Cette loi, qui se base sur un scrutin proportionnel dans quinze circonscriptions de cinq à treize sièges, avec un vote préférentiel au niveau du caza, n’a été appliquée qu’à la faveur des élections de 2018. C’est elle qui, malgré toutes les critiques dont elle a fait l’objet, devrait régir les prochaines législatives, un rendez-vous crucial puisqu’il s’agit du premier scrutin national majeur depuis le mouvement de contestation du 17 octobre 2019 et alors que la nécessité d’un renouvellement du paysage politique est plus pressante que jamais. Au moment où le Liban traverse la crise la plus aiguë de son histoire, l’on peut se demander quelles seraient les conséquences du lancement d’un grand débat sur la loi électorale, à quelques mois de l’échéance. Et si ce débat ne servira pas de prétexte à un éventuel report du scrutin, comme cela a été le cas par le passé.
Quatre propositions de loi
Les propositions de loi qui ont été mises sur la table hier nous ramènent à un débat lancé bien avant le mouvement de contestation et la crise économique et financière : il s’agit, en premier lieu, de la sempiternelle proposition de loi du bloc du chef du Parlement Nabih Berry, qui veut privilégier un changement total en faveur d’un texte qui ferait du Liban une circonscription unique, avec un scrutin proportionnel et sans répartition communautaire des sièges. Sans surprise, cette proposition a provoqué une levée de boucliers de la part des deux grands blocs chrétiens, les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, qui estiment que la loi de 2017 a permis d’améliorer la représentativité des différentes communautés au sein du Parlement. Le bloc du Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt s’est rallié, pour une fois, à cette position : bien que ne partageant pas tous les arguments des deux blocs chrétiens, celui-ci estime que la crise qui fait rage dans le pays n’est pas propice aux débats sur la loi électorale, ainsi que l’a exprimé clairement hier le député Hadi Aboul Hosn. Le courant du Futur n’était pas loin de cette logique. Quant au Hezbollah, ses députés ont gardé hier le silence.
D’autres propositions ont été présentées hier, mais elles portaient sur des amendements de la loi actuelle plutôt qu’un changement en profondeur : l’un des textes a été présenté par le bloc du Premier ministre désigné, Nagib Mikati, et consiste à revoir le découpage électoral en faveur de cinq grandes circonscriptions correspondant aux mohafazats. Un autre a été déposé par le député Jamil Sayyed et porte sur l’amendement suivant : deux votes préférentiels au lieu d’un. Enfin, le député Fouad Makhzoumi suggère d’accorder un délai de démission de trois mois plutôt que six aux élus municipaux désirant se présenter aux législatives.
Dans une atmosphère qualifiée de « calme » par plusieurs sources, l’idée de créer une sous-commission pour discuter des différentes propositions a été lancée. Mais comme l’assure le député Ibrahim Kanaan (bloc CPL) à L’Orient-Le Jour, la création de cette sous-commission n’a pas été tranchée. Ce qui est sûr, c’est que cet épisode a montré une nouvelle fois une profonde division au sein du Parlement et ravivé les craintes quant à la possibilité d’un report des élections si le processus de discussion autour de la loi est effectivement enclenché.
De quel côté est la surenchère ?
La proposition du bloc de Berry n’a rien de nouveau, elle fait surface régulièrement sous prétexte de « moderniser le système et créer un climat d’union nationale par la formation d’une circonscription unique ». Hier encore, l’un des députés du bloc, Kassem Hachem, a accusé certains groupes « de surenchère autour de la nécessité de la tenue des élections à la date fixée », assurant, en substance, que son camp politique était tout autant attaché au respect des délais. « La loi électorale est le moyen privilégié pour faire progresser le système politique », a-t-il martelé, estimant que le projet de son bloc est « moderne et répond aux aspirations des jeunes Libanais en faveur d’un État laïque ».
À cela, le député Alain Aoun (bloc CPL) a répondu, dans une conférence de presse, qu’il ne « faut pas donner des indicateurs d’instabilité supplémentaires et de possible report des élections dans une situation aussi fragile ». « Nous ne pouvons pas évoquer l’État laïque de manière aléatoire, en choisissant d’amender la loi électorale et en gardant le reste du système confessionnel inchangé », a-t-il insisté.
Résumant le point de vue des Forces libanaises, le député Georges Adwan a assuré que son parti « ferait bloc contre toute tentative de reporter les élections législatives, celles-ci doivent se tenir dans les plus brefs délais afin de mener à un démantèlement de cette classe politique ».
Les deux blocs chrétiens pensent effectivement que la loi en vigueur a permis une meilleure représentativité, notamment des députés chrétiens, rejetant les arguments concernant la circonscription unique. « Le régime syrien avait déjà, à l’époque de sa tutelle, essayé de nous vendre l’idée selon laquelle une circonscription unique permettrait de renforcer l’unité nationale. Or nous pensons que le changement ne vient pas par les textes mais par le comportement des Libanais eux-mêmes et leur confiance les uns envers les autres », explique le député Ibrahim Kanaan.
À L’Orient-Le Jour, le député Georges Okaiss, membre du bloc des Forces libanaises, répond à ceux qui pensent que la loi de 2017 a renforcé l’esprit communautaire : « Commencez par appliquer tous les points de l’accord de Taëf et nous discuterons ensuite de l’abolition de la représentation confessionnelle. »
Le jour où a fuité, dans les médias, la date prévue par le ministère de l’Intérieur pour la tenue des prochaines élections législatives, en l’occurrence le 8 mai 2022, l’on a choisi de débattre, en commissions parlementaires mixtes, de projets de loi pour l’amendement (ou le changement pur et simple) de la loi électorale de juin 2017... Cette loi, qui se base sur un scrutin...
commentaires (7)
Rien ne va changer les crocs morts seront toujours là près à ensevelir encore plus profondément le reste des vivants
Derwiche Ghaleb
18 h 55, le 02 septembre 2021