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Politique - Éclairage

Nahoua el-Watan, ou l’ambition de produire un nouveau leadership

Formée de professionnels et d’experts, la plateforme est l’équivalent d’une grosse machine électorale mise à la disposition des forces du changement.

Nahoua el-Watan, ou l’ambition de produire un nouveau leadership

Affiches de campagne au Liban, le 2 avril 2018, à l’approche des législatives. Anwar Amro/Crédit AFP

La couleur est annoncée dès la première page de leur site électronique : « Le Liban a besoin d’un nouveau leadership. » Nahoua el-Watan (Vers la nation), une plateforme électorale pilotée par des Libanais issus de plusieurs secteurs, a été fondée dans un seul but : offrir aux électeurs une alternative en vue des législatives de mai 2022. Face à la débandade de la scène politique où les forces traditionnelles s’étripent au quotidien, étalant leurs tiraillements et leur incapacité à sauver un pays à la dérive, Nahoua el-Watan se veut le moteur d’une machine à produire de nouvelles élites pour penser et planifier, d’ores et déjà, le futur proche. « C’est une occasion qu’il nous faut saisir si l’on veut parvenir à un changement politique et un renouveau socio-économique », indique Ali Abdellatif, homme d’affaires libanais et l’un des membres du comité directeur qui pilote cette opération.

Tablant sur une vision de la politique et du travail public qui se veut plus éclairée, cette nouvelle plateforme qui vient de s’implanter dans le paysage n’est ni un parti politique ni un groupe de pression. Mais une sorte de passerelle, un tremplin avec des « facilitateurs » à bord mis à la disposition de tous ceux qui sont prêts à briser le statu quo en vue de ressusciter une démocratie prise en otage depuis des années par les partis politiques traditionnels. « Nous ne cherchons pas à tout révolutionner. Nous voulons aider des candidats qui partagent une même vision réformatrice à intégrer l’hémicycle », explique Rindala Baydoun, avocate et l’un des membres du directoire.

L'éditorial de Issa Goraïeb

D’égouts et des couleurs ...

La vision définie par les membres de la plateforme s’articule autour de quatre axes principaux : l’application de la Constitution et des accords de Taëf, l’édification d’un État civil par le biais de l’abolition du confessionnalisme, la décentralisation administrative et le monopole de la détention des armes par l’État, seul habilité à décider de la guerre et de la paix. Les questions d’égalité entre citoyens, l’indépendance de la justice et la justice sociale constituent également des priorités déclinées dans le cadre de cette vision.

Une nouvelle culture

Au sein du comité directeur, une dizaine de membres dont certains issus de la diaspora ont décidé de se consacrer entièrement à cette mission. L’objectif est de préparer en amont un ensemble de candidats et de les doter de tous les moyens possibles pour leur permettre de percer. Nahoua el-Watan prendra ainsi en charge tout le travail logistique nécessaire pour mettre en place une liste de 128 candidats au profil bien défini en amont.

La plateforme fait ainsi fonction de machine électorale susceptible notamment d’identifier et de tamiser les candidats, de gérer leurs campagnes respectives à l’aide d’une base de données, de statistiques utiles et d’une formation à la communication et aux médias. « Notre objectif est de former et d’habiliter des leaders politiques potentiels et indépendants ou des fonctionnaires au service de l’intérêt public qui doivent être redevables devant les citoyens. » Un slogan publié en gras sur le site et qui revient en force dans la rhétorique des membres de ce réseau qui prônent une nouvelle culture politique et électorale où la transparence, la déontologie et la reddition de comptes sont prioritaires. C’est d’ailleurs notamment sur la base de leur intégrité que seront choisis les candidats : « Une des fonctions de cette plateforme est de sélectionner des candidats non pas dans l’esprit de quotes-parts mais selon les critères et les règles d’éthique décidées auparavant », explique Mme Baydoun. Une fois les candidats identifiés aux quatre coins du pays, un comité de 7 à 8 personnes décidera lesquels seront aptes à se présenter officiellement. Deux facteurs seront déterminants : qualitatif tout d’abord, en ce sens que le candidat est choisi sur la base de son activisme dans sa région, de son charisme et de sa valeur ajoutée, et un critère quantitatif qui sera décidé par le biais de statistiques indiquant ses chances de réussite. « Un comité de six à sept personnes réputées pour leur intégrité sera constitué en temps voulu pour décider de la liste finale des candidats », précise encore l’avocate. Une méthode dont la légitimité pourrait toutefois être remise en cause par certains candidats, puisqu’il donne un pouvoir discrétionnaire à l’organisation. Au Liban, les réunions locales ont déjà commencé dans plusieurs régions et les débats se centrent autour des questions de coordination sur les programmes électoraux, la sélection des candidats et sur les relations pré et post-électorales avec les candidats. Le plus grand défi sera toutefois la manière dont cette plateforme entend traiter avec un milieu contestataire pluriel et varié. Ayant à maintes reprises échoué à avancer en rangs serrés pour affronter l’establishment politique, les mouvements issus de la révolte du 17 octobre risquent une fois de plus d’avoir du fil à retordre face aux partis traditionnels rodés au jeu électoral. D’autant plus que la loi en vigueur, une proportionnelle dotée d’un seuil d’éligibilité prohibitif, joue en faveur de l’establishment politique. « Ce qui nous visons n’est pas tant une unification des rangs qu’une coalition électorale de toutes les forces du changement sur la base d’une vision et de critères convenus et décidés dans le cadre d’une interaction continue », assure Rindala Baydoun qui reste toutefois optimiste quant aux effets de ce travail collectif en vue de contourner les écueils.

De grands moyens

Tout en étant conscients que la bataille sera féroce – il s’agit pour eux de combattre une hydre politique à plusieurs têtes et enracinée depuis des décennies dans le tissu social – les quarante-deux membres actifs de Nahoua el-Watan sont persuadés que le pari en vaut la peine et qu’ils seront capables de s’engouffrer dans la brèche. Ce n’est d’ailleurs pas les fonds qui manquent pour huiler la machine. Le projet a attiré dès à présent des sommes importantes uniquement en provenance de Libanais qui en ont les moyens. Un plafond de 10 % du budget global a été fixé par donateur et un système de vérification de ses antécédents mis en place pour s’assurer que les fonds sont bien acquis et non liés à des opérations de blanchiment d’argent entre autres.

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Les promoteurs du projet tablent surtout sur les forces vives de la nation qui se sont abstenues lors des dernières consultations, mais aussi sur ceux de plus en plus nombreux qui affirment ne plus vouloir voter pour les partis traditionnels. « Nous sommes actuellement en contact avec l’ensemble des forces et réseaux au Liban qui incarnent le changement. Il s’agit des deux grandes coalitions en présence, de plusieurs autres groupes issus des milieux de la contestation et beaucoup d’indépendants », dit M. Abdellatif.

Nahoua el-Watan mise énormément sur les forces vives de la diaspora, qui ont été intégrées au processus et auxquelles le projet consacre tout un département de coordination. À ce jour, la plateforme a identifié une vingtaine de relais parmi les groupes de Libanais résidant à l’étranger et établi des contacts dans les grandes villes à travers le monde. « C’est une véritable ruche de travail qui fonctionne nuit et jour », commente un observateur qui suit le travail de la plateforme.

« Nous traiterons avec les votes à Washington, à New York ou à Paris exactement comme s’il s’agissait de la circonscription du Chouf-Aley ou celle de Jbeil-Kesrouan », aime à dire Ali Abdellatif. Comprendre que Nahoua el-Watan mettra en place des moyens tout aussi importants dans les capitales étrangères pour expliquer sa vision et inciter les électeurs au vote. En 2018, le vote des Libanais de l’étranger a été mal orchestré, d’où un taux d’abstention important. Sur les 80 000 inscrits, seule la moitié a fini par se présenter aux urnes. Une lacune à laquelle cette plateforme compte remédier.

La couleur est annoncée dès la première page de leur site électronique : « Le Liban a besoin d’un nouveau leadership. » Nahoua el-Watan (Vers la nation), une plateforme électorale pilotée par des Libanais issus de plusieurs secteurs, a été fondée dans un seul but : offrir aux électeurs une alternative en vue des législatives de mai 2022. Face à la débandade de...
commentaires (5)

L’initiative est courageuse, ambitieuse et mérite certainement le respect. Quant à savoir si elle réussira ou non, on verra - il est prématuré de l’enterrer car elle a un immense atout dans sa manche : en 2022, les choses se seront tellement dégradées que les vautours éternels auront beaucoup perdu de leur crédibilité... Ceci dit, à mon humble avis, le Liban ne pourra être sauvé que si la communauté chiite se range en bonne partie derrière ce projet. Il faut voir les choses en face: le Hezbollah est la seule entité qui fonctionne encore et qui profite de ses passe-droits pour gagner en popularité. C’est là qu’est l’os...

El moughtareb

22 h 18, le 16 juin 2021

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • L’initiative est courageuse, ambitieuse et mérite certainement le respect. Quant à savoir si elle réussira ou non, on verra - il est prématuré de l’enterrer car elle a un immense atout dans sa manche : en 2022, les choses se seront tellement dégradées que les vautours éternels auront beaucoup perdu de leur crédibilité... Ceci dit, à mon humble avis, le Liban ne pourra être sauvé que si la communauté chiite se range en bonne partie derrière ce projet. Il faut voir les choses en face: le Hezbollah est la seule entité qui fonctionne encore et qui profite de ses passe-droits pour gagner en popularité. C’est là qu’est l’os...

    El moughtareb

    22 h 18, le 16 juin 2021

  • Ces histoires recambolesques de changement et "de sang nouveau " me font rire . De un :chaque parti a ses membres et ses partisans qui ne voteront inéluctablement que pourl ui . De deux: tous ceux qui aspirent à épouser madame politique commencent nickel et finissent comme métal vulgaire a l'instar de leurs ancêtres véreux et millionnaires. De trois : le Liban ne changera jamais, avec à la clé , quelques trois douzaines de communautés qui se détestent ,des fois cordialement et des fois non . Enfin on aimerait savoir qui va financer cette grosse machine électorale ?

    Hitti arlette

    15 h 39, le 16 juin 2021

  • Ayya WATAN la ayya CHA’AB.?

    Sissi zayyat

    14 h 59, le 16 juin 2021

  • https://www.nahwalwatan.org/Home

    Khalife Yasmina

    14 h 45, le 16 juin 2021

  • Peut-on visiter cette plateforme ? Si oui, sur quel lien ?

    Khoury-Haddad Viviane

    11 h 36, le 16 juin 2021

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