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Culture - Événement

Amanda Abi Khalil : Si nous allons mal, la terre va mal

Depuis quelques jours et jusqu’à ce dimanche, la miniforêt de Sin el-Fil est transformée en plateforme artistique témoignant de l’interaction et de la résistance de la population et de la nature.

Amanda Abi Khalil : Si nous allons mal, la terre va mal

La forêt de Sin el-Fil, site d’un événement qui conjugue art et nature. Photo DR

« Si nous allons mal, la terre va mal, les arbres vont mal, et l’air et l’eau vont mal. » C’est à partir de cette constatation, et de multiples conversations et questionnements entre l’urbaniste Adib Dada et Amanda Abi Khalil, fondatrice de TAP (Temporary Art Platform), qu’est né « Art, Ecology & the Commons », un événement pluridisciplinaire s’étalant sur une dizaine de jours. Abi Khalil et Dada ont joint leurs efforts pour réhabiliter la zone du fleuve de Beyrouth, et conjugué l’architecture, l’économie et l’art au temps présent et futur pour « un développement plus respectueux et plus humain ».

Deux ans de longs dialogues traversés par des problèmes de pandémie et autres avant que le projet ne voie le jour. « Nous avions hésité à le mettre sur pied et nous nous sommes demandé si c’était bien le moment, confie la curatrice. Mais il fallait que cet événement ait lieu, et vu son caractère interactif, il a pris une forme nouvelle et il est devenu une poche de résistance. » Et de poursuivre : « Nous ne sommes pas les seuls à agoniser. La nature est aussi à l’agonie avec nous. Alors, pourquoi ne pas s’oxygéner à travers l’art et ne pas être au coude-à-coude pour mieux se soutenir l’un l’autre et s’épauler ? »

En communion avec la nature

Fondée par Amanda Abi Khalil il y a quelques années, l’institution TAP s’occupe de la médiation entre l’art contemporain, et des sites et des lieux qui ne sont pas dédiés initialement à l’art. L’écologie occupe donc une place de choix dans son programme. « D’ailleurs, dit-elle, ce n’est pas la première fois, puisqu’en 2014, le travail se concentrait sur une forêt à Miziara où il y avait un site industriel. On imaginait alors ce que serait cette forêt sans ce site industriel. » « Même la résidence d’artistes de Jezzine en 2017, poursuit-elle, était axée sur le problème de l’eau. »

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Ce projet est donc né en 2019 autour de ces jeunes forêts qu’Adib Dada commençait à planter. « La première était sur le site de Sin el-Fil, au bord du fleuve de Beyrouth. C’est la première forêt qu’il a plantée. Mais bien sûr, le sens de ce projet a complètement changé aujourd’hui. Il n’est plus axé sur l’art contemporain et son lien avec le site. Certes, il y a des artistes sur place, et des installations sonores et visuelles, mais l’endroit est devenu un lieu d’espoir où l’agonie persiste, tputefois, on est tous ensemble dans cette agonie », dit Amanda Abi Khalil. « Il faudrait regarder et observer cette forêt plantée il y a deux ans selon la technique “miawaki” qui consiste à planter des espèces locales très proches l’une de l’autre pour que la forêt devienne complètement autonome au bout de deux ans. Sans maintien et préservation, elle continue de grandir très rapidement. Ce modèle a été repris sur 19 sites environ sur le territoire libanais », poursuit-elle.

« L’idée est de regarder cette forêt comme un symbole de résistance et d’interdépendance. » Photo DR

Le vivre-ensemble

« Le programme, qui se dit en arabe “malaz” (lieu de refuge), a commencé vendredi soir et il a attiré, à notre grand étonnement, un large public. Il s’étale donc sur dix jours. L’idée est de regarder cette forêt comme un symbole de résistance et d’interdépendance. Les arbres sont liés à un réseau de champignons dépendant de l’eau. Nous voulons montrer que toutes les espèces vivantes sont interdépendantes, et ce lien est mis en valeur à travers les installations d’artistes. »

Durant dix jours, sept artistes sont réunis autour d’une étude, « non pas résidence ni workshop », insiste la curatrice. Ils vont questionner leurs pratiques artistiques en relation avec cette jeune forêt. L’étude a commencé le 27 août. Une poignée d’autres artistes sont invités à les rejoindre et à faire de l’art public : des installations sonores, visuelles, réparties sur ce site de 200 mètres carrés. Les visiteurs peuvent déjà voir les installations de Omar Fakhoury et Christian Zahr, qui ont fait une intervention sur un panneau d’affichage. Ils ont changé la fonction du billboard en créant une plateforme. Franzisca Pierwoss, elle, réalise une vidéo sur la manière de se nourrir en cette crise financière ; quant à Charbel Samuel Aoun, il fait à travers une installation le deuil de ce fleuve inexistant.

Parallèlement, un programme public cousu et imaginé par différentes institutions culturelles et éducatives à Beyrouth offre à voir un échantillonnage d’œuvres visuelles, notamment l’association Metropolis qui projette une série de films en plein air qui sont en lien avec la nature et l’organisation autonome. Cette forêt étant le prototype de l’autonomie, le citoyen libanais, délaissé et négligé, doit réapprendre en l’observant à s’organiser et à vivre d’une manière autonome. C’est le jumelage entre l’art contemporain et l’écologie. Chaque soir, de 18h à 22h, la forêt vibre et vit. Elle accueille ces jeunes assoiffés de vivre-ensemble sur des bancs publics parsemés. Toutes les installations y sont visibles. Par ailleurs, l’association Horchna, une école de quinze enfants qui ne vont pas à l’école mais suivent un apprentissage en pleine forêt, est parfois invitée à planter la seconde partie de la forêt. Tout s’illumine grâce à l’ONG Light for Lebanon, qui donne de la lumière à travers les panneaux solaires. Un programme d’art vidéo est projeté aussi à l’hôtel Bossa Nova en loop.

Projections de films

En collaboration avec « Art, Ecology and the Commons », l’association Metropolis présente des films en projection sur grand écran sur le site de la forêt de Sin el-Fil selon le calendrier suivant :

Jeudi 2 septembre, 21h :

- This Haunting Memory de Panos Aprahamian

- Letter from Ihuana de Louise Botkay.

Vendredi 3 septembre, 21h :

- Whispers de Maroun Baghdadi.

Samedi 4 septembre, 21h :

- The Land de Moe Sabbah, suivi d’une conversation avec le réalisateur et activiste

- Jezzine/Water de Zeina Aboul Hosn.

« Si nous allons mal, la terre va mal, les arbres vont mal, et l’air et l’eau vont mal. » C’est à partir de cette constatation, et de multiples conversations et questionnements entre l’urbaniste Adib Dada et Amanda Abi Khalil, fondatrice de TAP (Temporary Art Platform), qu’est né « Art, Ecology & the Commons », un événement pluridisciplinaire s’étalant...

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