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Nos Lecteurs ont la Parole

Le deuil impossible des parents de victimes

La classe politique au pouvoir a perdu la dernière chance de faire la paix avec notre passé. Faire la paix avec notre passé, c’est faire le deuil ; un deuil impossible depuis 1975.

Si les chefs de guerre et tous cux qui ont les mains salies par le sang avaient avoué aux parents de leurs victimes qu’ils ont bien été leurs bourreaux, ils auraient obtenu leurs pardons facilement, comme le montrent bien en Afrique du Sud les « commissions « Vérité, pardon et réconciliation ».

Il aurait suffi que la classe dirigeante, les chefs de guerre et les tortionnaires avouent leurs crimes pour que le pardon leur soit accordé. Le 4 août aurait été une date historique pour la réconciliation des Libanais entre eux.

C’est leur méconnaissance du deuil qui leur a fait perdre cette occasion. Le deuil reste impossible tant qu’il n’y pas de cadavre ou une partie de cadavre. Dans les documents des commissions « Vérité et réconciliation », une mère fait une demande bouleversante au tortionnaire de son fils journaliste qui avait eu les mains coupées pour l’empêcher d’écrire des articles contre le régime d’apartheid. Le journaliste a fini par être brûlé vif. La mère dit au tortionnaire : « Vous avez dû garder ses mains, donnez-les-moi pour que j’aie quelque chose à enterrer. »

Quand il n’y a pas de cadavre, les parents tiennent à savoir la raison de la disparition de leur proche, la vérité. Sans la vérité, les parents sont comme des zombies, des morts-vivants. C’est le cas des parents dont les enfants ont été jetés dans les prisons en Syrie. Cet état de zombie est une horreur, l’incarnation de la souffrance absolue. En Amérique du Sud, dans les dictatures des années 70, Augusto Pinochet, à partir d’hélicoptères, faisait jeter les opposants dans des mers infestées de requins.

Le deuil commence par un sentiment de haine à l’égard du mort, sentiment incontournable. C’est ce sentiment qui est empêché dans les deuils impossibles. On ne peut pas, décemment, en vouloir à un proche qui vient de mourir alors que les responsables de sa mort sont encore en liberté. Nous en voulons aux meurtriers et tortionnaires forcément, et du coup nous ne pouvons pas en vouloir au mort et le deuil est donc impossible.

C’est pour cette raison que le pardon des familles est facilement accordé et la réconciliation qui en découle.

La guerre fratricide de 1975 n’est pas terminée, la haine continuant de se transmettre de génération en génération. Les enfants sont dans une dette impossible envers les parents : ils se doivent de transmettre la haine de leurs pères, faute de quoi ils vivent dans l’ingratitude.

Deuil impossible, dette impossible, tout cela aurait pu être dépassé si la classe politique au pouvoir avait saisi l’importance du moment, le 4 août devenant une date historique de réconciliation, de pardon et de paix

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

La classe politique au pouvoir a perdu la dernière chance de faire la paix avec notre passé. Faire la paix avec notre passé, c’est faire le deuil ; un deuil impossible depuis 1975.Si les chefs de guerre et tous cux qui ont les mains salies par le sang avaient avoué aux parents de leurs victimes qu’ils ont bien été leurs bourreaux, ils auraient obtenu leurs pardons facilement, comme le...

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