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Culture - Résidence d’artistes

Pour que le cœur artistique de Tripoli batte un peu...

Trois jeunes créatifs issus du monde de l’architecture (Mona al-Jadir, Élias Nafaa et Joyce Jomaa) ont décroché une subvention de Mophradat à la faveur de laquelle ils ont créé « Work in Process », une résidence d’artistes de 10 jours dans la capitale du Liban-Nord, qui rompt avec les pratiques artistiques institutionnelles. Les artistes Tanya Traboulsi, Mirella Salam et Élie el-Khoury ont été invités à y passer 10 jours, plus précisément dans le quartier de Mina... Joyce Jomaa en explique les tenants.


Pour que le cœur artistique de Tripoli batte un peu...

Sous les arcades de Beit el-Nassim, une maison d’hôtes du quartier de Mina à Tripoli, les œuvres des artistes en résidence.

Comment vous est venue l’idée de créer cette résidence d’artistes à Tripoli ?

Les deux architectes Mona al-Jadir et Élias Nafaa travaillaient ensemble sur un workshop pour une école d’architecture à Zurich au cours duquel ils avaient réfléchi à des moyens alternatifs d’exposition, à l’architecture de tels espaces, en rupture avec les lieux d’exposition traditionnels. Je les ai rejoints et nous avons soumis une proposition de résidence d’artistes à l’association Mophradat, qui avait lancé un appel à candidatures pour de tels projets. Nous avons été ensuite sélectionnés, avec 23 autres projets autour du monde, pour créer un concept basé sur le principe de la « self-organization », c’est-à-dire une production indépendante qui romprait avec les manières de faire très institutionnelles où, d’ordinaire, c’est la finalité d’un processus artistique qui compte plus que le processus même. D’où l’appellation « Work in Process » qui privilégie l’évolution d’un projet, le processus créatif des artistes, plutôt qu’une simple exposition. Et d’où, en ce sens, l’idée d’une résidence d’artistes.


« Le concept derrière Work in Process était d’inviter des artistes affectés par la double explosion du 4 août à venir passer du temps à Beit el-Nassim. »

Pourquoi avez-vous précisément choisi Tripoli ?

Le concept derrière Work in Process était d’inviter des artistes affectés par la double explosion du 4 août à venir passer du temps à Beit el-Nassim, une maison d’hôtes du quartier de Mina à Tripoli (Liban-Nord), pour s’exprimer et concevoir une œuvre. Dans cette optique, il nous a semblé important d’offrir à ces artistes un lieu éloigné de Beyrouth, histoire de créer une distance avec cette ville, et aussi un peu de recul par rapport à ce trauma. Mais pas que. À travers ce projet, nous avions la volonté, à notre échelle, de travailler sur une décentralisation de la scène artistique libanaise, qui est souvent centrée sur Beyrouth, et la déplacer dans une ville où l’activité culturelle est quasiment morte, une ville trop associée (à tort) à de la violence. Depuis les conflits de Jabal Mohsen et Bab el-Tabbané, ainsi que les guerres par procuration qui l’ont minée, Tripoli est restée figée dans une époque pré-2011, ce qui en quelque sorte a invisibilisé cette ville, du moins d’un point de vue artistique et créatif. Il était important de rompre avec cela, de provoquer un mouvement, quoique infime, au cœur de la seconde capitale du pays. En choisissant le quartier de Mina, plus précisément, nous avions en tête de placer les artistes de la résidence près des artisans des souks, afin d’un côté d’encourager ces petites entreprises qui souffrent de la crise, mais aussi pour qu’ils aient des matières premières et de la main-d’œuvre à portée de main. Work in Process, en plus d’être une simple résidence d’artistes, est aussi une critique sur la centralisation de l’art et de la culture dans la capitale.


« Work in Process, en plus d’être une simple résidence d’artistes, est aussi une critique sur la centralisation de l’art et de la culture dans la capitale. »

Comment s’est faite la sélection des artistes ?

Il nous a semblé important de travailler sur une structure horizontale et non hiérarchique, contrairement aux institutions d’art qui ont l’habitude de séparer, par exemple, les artistes émergents des artistes plus établis. Dans notre cas, donc, nous avons voulu mélanger un peu ces catégories, en créant une sorte d’équilibre. D’où, par exemple, le choix de la photographe Tanya Traboulsi, à la carrière déjà bien installée, à côté d’une artiste plus jeune comme Nour Bakkar qui vient de décrocher son diplôme. Il y avait aussi le désir d’avoir plusieurs médiums qui se côtoient au cours de cette résidence. La photographie, donc, avec Tanya Traboulsi. L’art plastique avec Mirella Salame qui puise son inspiration dans les éléments naturels et articule son art autour de quelque chose de très organique. Nour Bakkar qui est sculptrice et Élie el-Khoury qui a réalisé une œuvre à partir de négatifs photos. En partageant cette bulle pendant 10 jours, les pratiques s’irriguaient les unes les autres, et c’était ça, aussi, le but de cette résidence pluridisciplinaire.


Les artistes Tanya Traboulsi, Mirella Salam et Élie el-Khoury ont passé dix jours en résidence à Tripoli. Photos DR

En quoi consiste exactement Work in Process ?

En fait, il n’y avait pas réellement de structure ou de programme qui attendait les artistes, contrairement aux résidences d’artistes habituelles. Tanya Trabousli, Nour Bakkar et Élie el-Khoury ont eu carte blanche pour venir créer, à leur manière et comme ils le désirent, pendant ces dix jours. Carte blanche pour explorer le médium qu’ils veulent, pour s’immerger dans cette petite communauté improvisée et pour puiser dans les matériaux de leur choix, disponibles dans les souks de Tripoli. Comme on le disait plus tôt, ce n’était pas le résultat de cette résidence qui nous intéressait, mais plutôt le processus créatif de ces trois artistes. À l’issue de ces dix jours, il y a eu une petite exposition qui n’a jamais réellement pu ouvrir à cause de l’état des routes menant à Tripoli. Mais nous lancerons bientôt une publication où seront documentés les processus créatifs et les œuvres de Nour, Mirella, Tanya et Élie.

Comment vous est venue l’idée de créer cette résidence d’artistes à Tripoli ? Les deux architectes Mona al-Jadir et Élias Nafaa travaillaient ensemble sur un workshop pour une école d’architecture à Zurich au cours duquel ils avaient réfléchi à des moyens alternatifs d’exposition, à l’architecture de tels espaces, en rupture avec les lieux d’exposition traditionnels. Je les...

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