Le patriarche maronite Béchara Raï a affirmé dimanche que les dirigeants libanais, incapables de former un cabinet depuis plus d'un an déjà, ne semblent pas vouloir de gouvernement, pourtant condition sine qua non pour réformer et redresser le pays en plein effondrement économique et social. Le prélat n'a pas cependant nommé les dirigeants qu'il critique.
"Après un an et un mois (de vide gouvernemental), il semble que les dirigeants ne veulent pas d'un cabinet", a-t-il affirmé lors de son homélie du dimanche. Le gouvernement du Premier ministre sortant, Hassane Diab, a démissionné le 10 août dernier dans la foulée des explosions meurtrières au port de Beyrouth. Après que Moustapha Adib et Saad Hariri ont été nommés pour former un gouvernement et fini par jeter l'éponge, c'est désormais Nagib Mikati qui est désigné Premier ministre. Il s'évertue depuis plus d'un mois à s'entendre avec le président de la République Michel Aoun, pour qu'un cabinet voie le jour. Mais le partage traditionnel des parts continue de bloquer le processus.
"Cessez de manipuler les sentiments du peuple, de miner l'État et d'inventer de nouvelles conditions chaque fois que les conditions précédentes sont résolues", a réclamé le patriarche. Les tractations gouvernementales ont d'abord buté sur des désaccords au sein du pouvoir exécutif sur la forme du gouvernement, puis sur l'insistance de M. Aoun et de son camp à nommer les ministres chrétiens, remplacée par la suite par des disputes sur la répartition des portefeuilles régaliens entre les communautés, au premier chef desquels le ministère de l'Intérieur. Désormais, M. Mikati et M. Aoun discutent des noms des ministrables. Autant de négociations qui retardent la mise en place du cabinet, préalable à toute obtention d'aide de la part de la communauté internationale.
Aimer le Liban et son peuple
"Il est désormais clair que vous prenez part au putsch contre la légalité et l'État", a lancé dans ce contexte Mgr Raï, sans toutefois citer nommément les dirigeants qu'il visait. "La seule chose que l'on vous demande est d'aimer le Liban et son peuple, de lui être fidèle et de lui sacrifier vos intérêts personnels", a plaidé le prélat qui appelle depuis des mois les dirigeants politiques à assumer leurs responsabilités pour sauver le pays.
"Il est évident que laisser le peuple mourir de faim dans un État où la justice est entravée vise à pousser des générations et des familles entières à émigrer et à vider la société de ses énergies pour mettre la main sur le pays", a encre dénoncé Mgr Raï. Abattus par l'ampleur de la crise, les pénuries massives d'électricité et d'essence qui font de leur vie quotidienne un enfer, et face à l'absence d'opportunité, de nombreux Libanais cherchent à fuir le pays pour recouvrer leur dignité. "Nous soutenons la révolution civilisée qui tient en elle l'espoir de corriger les déformations et restaurer la légitimité de l'État, car elle est l'expression de l'unité du Liban", a ajouté le patriarche, qui cependant ne ménage pas ses critiques contre les manifestations antipouvoir qui dégénèrent en violences, depuis le déclenchement de la révolte populaire du 17 octobre 2019.
Pour sa part, le métropolite de Beyrouth, Mgr Elias Audi, a déploré le fait que "la classe au pouvoir s'écharpe pour le partage du gâteau gouvernemental" tandis que "le peuple patauge dans le désespoir".
"Nous avons atteint un état comparable à l'enfer mais nous ne devons pas laisser le désespoir l'emporter. Ce que les Libanais ont enduré pendant des décennies - pauvreté, famine, black-out, corruption massive - personne ne peut le supporter. Les dirigeants sont-ils propriétaires de la nourriture, des médicaments, des hydrocarbures et de l'eau pour en interdire la jouissance au peuple ?", s'est-il interrogé, alors que le pays ploie sous le fardeau des pénuries depuis des mois. Dans ce contexte, Mgr Audi a estimé que le rôle de l'armée libanaise n'était pas de "contrôler les stations d'essence" - ce dont elle a été chargée depuis une semaine - mais de "contrôler les frontières", à l'heure où la contrebande d'hydrocarbures et de produits subventionnés vers la Syrie se poursuit. "Protéger le pays et ses citoyens est sa seule mission", a ajouté le métropolite. "Le peuple libanais n'a pas pour vocation la mort ou l'exil. Il mérite de vivre", a-t-il martelé.
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Il n’y a qu’un gouvernement de putsch du peuple sans l’accord de tous ces vendus qui devrait voir le jour et annoncer la fin du règne de ces mafieux en prenant le relais sans trembler.
Sissi zayyat
18 h 20, le 25 août 2021