Le Premier ministre désigné Nagib Mikati s’est départi de son optimisme en demi-teinte pour se dire confiant hier quant à un prochain aplanissement des obstacles qui continuent de bloquer jusqu’à présent la mise en place d’une nouvelle équipe ministérielle. Des obstacles qui, selon des sources concordantes, portent principalement sur les noms qui doivent compléter le puzzle gouvernemental, les discussions autour de la répartition des portefeuilles ministériels ayant en principe largement progressé.
« Il ne nous reste plus que quelques mètres à parcourir », a lancé M. Mikati au terme d’un onzième round de discussions hier avec le chef de l’État au sujet de la configuration de la nouvelle équipe ministérielle. Même s’il s’est montré un peu plus optimiste que la veille, il a refusé de se prononcer sur une date fixe concernant la mise sur pied du cabinet. Se voulant rassurant tout en restant évasif, il a ainsi déclaré : « Nous poursuivons nos efforts pour former le gouvernement et tout le monde partage cette intention, car ne pas le faire serait un péché à l’égard de la nation. » « Le dialogue avec le président Aoun est positif et nous espérons voir le gouvernement bientôt formé », a-t-il ajouté, en reconnaissant cependant indirectement, au grand dam d’un peuple en plein désespoir, que ce qui retarde la conclusion du processus, ce sont encore une fois ces questions faussement prioritaires des « équilibres confessionnels et politiques, et des poids politiques des partis représentés au gouvernement ». Comme si les Libanais qui attendent depuis plusieurs semaines la moindre note d’espoir, quant à une possible ouverture qui leur permettrait d’envisager une sortie de l’enfer dans lequel ils sont plongés, n’aspiraient qu’à un cabinet qui respecterait les équilibres mentionnés par le Premier ministre désigné. Ce dernier leur a quand même assuré qu’il œuvre « d’arrache-pied pour surmonter tous les obstacles ».
Carole Ayat à l’Énergie
Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, Michel Aoun et Nagib Mikati restent en désaccord sur l’attribution des ministères de l’Énergie, des Télécommunications et de l’Intérieur. Le chef de l’État rejette la nomination de Marwan Zein à l’Intérieur, ainsi que celle de Carole Ayat à l’Énergie, tout en se défendant de vouloir garder ce portefeuille pour son camp. Selon des sources au courant des pourparlers, il souhaiterait attribuer ce portefeuille à une personnalité arménienne, donc proche du Tachnag.
Il y a lieu de relever dans ce contexte que la nomination de Mme Ayat à la tête de ce ministère bénéficie du soutien de la France qui voit en elle une spécialiste consensuelle, proche du chef de l’État. Elle est aussi souhaitée par un Nagib Mikati, soucieux dès la mise en place de son équipe, de procéder à la nomination des membres des Autorités de régulation des secteurs de l’Énergie et des Télécommunications, apprend-on de sources qui suivent de près les pourparlers relatifs à la formation du cabinet. M. Mikati souhaite ainsi donner un signal positif à la communauté internationale qui attend du Liban des réformes sérieuses, parmi lesquelles justement la formation des Autorités de régulation de certains secteurs vitaux qui seraient ainsi gérés par des experts et non plus par l’autorité politique.
Les discussions se poursuivent aussi autour des noms des personnalités à nommer à la tête des ministères des Affaires sociales, de l’Éducation (qui serait confié à une personnalité proche du PSP de Walid Joumblatt, alors que le ministère des Déplacés irait à un candidat soutenu par Talal Arslane, chef du Parti démocrate libanais) des Affaires étrangères et de la Justice, alors que des informations font état d’une éventuelle attribution des Télécommunications à une personnalité proche des Marada, qui se verraient aussi attribuer l’Industrie.
Dans sa conférence de presse à sa sortie de Baabda, Nagib Mikati a démenti, en réponse à une question, des informations selon lesquelles l’attribution du ministère de l’Intérieur constituait l’un des obstacles entravant la mise en place du cabinet, refusant cependant de donner le moindre détail sur les questions qui restent à régler.
Les propos qu’il a tenus sur le respect des équilibres et des poids politiques font craindre un retour aux vieilles habitudes qui consistent pour les principaux acteurs politiques – les mêmes au pouvoir depuis de nombreuses années et aujourd’hui dénigrés par une large frange de la population qui leur attribue la responsabilité de l’épouvantable effondrement du pays – à se faire représenter au sein du gouvernement par des personnalités qui obéissent davantage à leurs desiderata qu’aux impératifs de redressement d’un Liban à l’agonie. L’administration restera ainsi la mère nourricière d’une classe politique en mal de popularité à l’approche des législatives prévues dans moins d’un an.
Si cette tendance se confirme, le gouvernement appelé à voir le jour serait certes formé d’experts, mais sa composition restera contraire à l’esprit et à la lettre de l’initiative française qui porte sur la mise en place d’un cabinet de mission représenté par des spécialistes indépendants, capables de lancer le chantier de réformes économiques structurelles exigées par la communauté internationale. Une pareille configuration risque de freiner l’élan de la communauté internationale qui a, à maintes reprises, mis en garde les politiciens libanais contre un retour au business as usual, même maquillé par la nomination de « spécialistes ». Les aides internationales promises pour accompagner le chantier supposé mettre le Liban sur la voie d’un redressement se verraient ainsi bloquées. Mais on n’en est pas encore là.
commentaires (8)
on en a marre de voir les mêmes têtes , les mêmes mensonges, de voir se dérouler devant nous, l'une des pièces les plus dramatiques, que le monde moderne et ancien a connu, les Misanthrope, les Tartuffes, les Machiavel,"Kellon". je rêve qu'un patriote charismatique, qui fait passer l'intérêt suprême de l'état à son intérêt personnel, surgisse, et permet que les Libanais puissent se réunir sous la même bannière, et poser la question cruciale à ts les politiciens terroristes . EH TOI QU'AS TU FAIS POUR LE LIBAN?
Élie Aoun
12 h 37, le 18 août 2021