Au lendemain d'une dixième réunion consacrée au dossier de la formation du gouvernement libanais, attendu depuis plus d'un an, le Premier ministre désigné Nagib Mikati s'est entretenu une nouvelle fois mardi avec le chef de l'État Michel Aoun au palais de Baabda pour tenter de faire progresser le processus, alors que le pays sombre dans une paralysie généralisée du fait de la crise des carburants qui s'aggrave. "Il ne nous reste plus que quelques mètres à parcourir", a lancé M. Mikati aux journalistes qui l'attendaient à sa sortie du palais. Se montrant un peu plus optimiste que la veille, il a toutefois refusé de se prononcer sur une date fixe concernant la mise sur pied du cabinet. Lundi, le président Aoun avait fait état de la possibilité que le nouveau gouvernement soit formé "dans les quelques prochains jours". Nagib Mikati avait toutefois semblé tempérer cet optimisme, faisant état de problèmes qui restent encore à régler.
"Nous poursuivons nos efforts pour former le gouvernement, et tout le monde a l'intention de mettre sur pied un cabinet car ne pas le faire serait un péché à l'égard de la nation", a déclaré le Premier ministre désigné à l'issue de la onzième réunion. "Le dialogue avec le président Aoun est positif et nous espérons voir le gouvernement bientôt formé", a-t-il ajouté. "Nous œuvrons d'arrache-pied pour surmonter tous les obstacles. Former un gouvernement qui prenne en considération tous les équilibres (confessionnels et politiques) nécessite un certain temps. (...) Mais il ne nous reste plus que quelques mètres à parcourir", a poursuivi M. Mikati.
Nagib Mikati a par ailleurs démenti des tensions entre lui et son prédécesseur Saad Hariri qui avait finalement jeté l'éponge neuf mois après sa désignation pour former le cabinet. "M. Hariri soutient le processus", a assuré le milliardaire sunnite. Il a aussi démenti les informations selon lesquelles l'attribution du ministère de l'Intérieur constituait l'un des obstacles entravant la naissance du cabinet, refusant une nouvelle de donner des détails sur les questions qui restent à régler.
Selon certains médias, les attaques de M. Hariri contre le chef de l'Etat qu'il a appelé à démissionner dans la foulée de l'explosion d'une cuve d'essence au Akkar auraient provoqué des tensions avec Nagib Mikati et ralenti sa mission. Le bureau de presse de M. Mikati a toutefois démenti plus tôt dans la journée cette lecture des faits, assurant que ses relations avec les anciens présidents du Conseil Saad Hariri, Fouad Siniora et Tammam Salam étaient "solides" et que ceux-ci "soutiennent ses efforts pour former le cabinet". Le chef du courant du Futur a été dans le sens de cette mise au point du Premier ministre désigné, insistant sur la solidité de leur relation.
Des sources proches de la présidence citées par notre correspondante Hoda Chédid font état d'un"progrès" enregistré lors de la réunion. Les deux hommes devraient s'entretenir à nouveau dans les prochaines 48 heures, certains détails (non encore réglés) exigeant cela. De même source, on apprend que plusieurs obstacles ont été surmontés, et que la répartition des portefeuilles est quasiment achevée. Les noms des futurs ministres font en revanche toujours l'objet de tractations.
Les noms autour desquels s’articulent les contacts actuels ne font en effet toujours pas l’unanimité des protagonistes concernés. C’est évidemment le cas de Youssef Khalil, directeur du département des opérations financières au sein de la Banque du Liban, et que le président de la Chambre, Nabih Berry, propose pour le ministère régalien des Finances. Outre le fait que Michel Aoun entretient des rapports en dents de scie avec le président de la Chambre, le chef de l’État s’oppose à la nomination de M. Khalil à ce poste, y voyant une entrave majeure à la mise en application de l’audit juricomptable au sein de la Banque centrale, devenu le principal cheval de bataille de son mandat. Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, le camp présidentiel tiendrait également à avoir une voix au chapitre concernant le juteux ministère de l’Énergie – tenu par la mouvance aouniste depuis 2008. Il s’opposerait également à la probable nomination d’un ancien conseiller de M. Mikati à l’Éducation. Il y a aussi la volonté des Marada de Sleimane Frangié de se voir attribuer un portefeuille que les cercles du leader zghortiote qualifient d’"important" en lieu et place des Travaux publics qui relèveront du lot du Hezbollah.
Les responsables se chamaillent donc toujours sur la nomination des ministres et de l'attribution confessionnelle des portefeuilles alors que le pays qui sombre dans multiples crises poursuit sa descente aux enfers. Un cabinet réformateur est la condition sine qua non de l'aide de la communauté internationale, dont le pays a cruellement besoin. Mais le partage traditionnel des parts entre les partis au pouvoir semble se poursuivre. Lundi, l'ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea s'était rendue auprès du Premier ministre désigné puis du chef de l'État et appelé à la formation immédiate d'un gouvernement. Dimanche, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait lui aussi appelé "à la formation d'un nouveau gouvernement "quel qu'en soit le prix".
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QUELQUES MÈTRES DANS UN TERRAIN MINÉ
Gebran Eid
21 h 51, le 17 août 2021