Le président de l'Ordre des médecins de Beyrouth, Charaf Abou Charaf, a lancé mercredi un cri d'alarme concernant la situation générale des soins de santé au Liban, qui sont "au bord de l'effondrement" en raison des pénuries de médicaments ainsi qu'à cause de la recrudescence des cas de coronavirus, déplorant que, face à ces crises multiples "aucun responsable ne répond à l'appel".
Le Liban est embourbé depuis l'automne 2019 dans une crise qualifiée par la Banque mondiale comme étant l'une des pires au monde depuis 1850. A court de liquidités, la Banque du Liban (BDL) a ralenti l'application des mécanismes mis en place depuis deux ans pour subventionner les produits de première nécessité, et notamment les carburants et les médicaments, ce qui limite fortement les importations. A cela s'ajoutent les phénomènes de contrebande vers la Syrie et de stockage illégal des produits subventionnés, ce qui provoque de graves pénuries. Sans mazout, le secteur privé comme les institutions ne peuvent plus faire fonctionner les générateurs privés leur permettant normalement de pallier le déficit de production de courant par l'Etat, et il devient toujours plus difficile de trouver une grande majorité de médicaments dans les hôpitaux et les pharmacies. En l'absence d'un gouvernement en exercice, plus d'un an après la démission de celui de Hassane Diab, aucune réforme ni décision de fond n'a été prise pour trouver des solutions à ces crises.
"Le pays s'effondre et aucun responsable ne répond à l'appel", a déploré Charaf Abou Charaf lors d'une conférence de presse. Il a souligné qu'en raison des pénuries de matériel médical, de médicaments et de sérum, les hôpitaux ont été forcés de réduire le nombre d'opérations non-urgentes et sont aujourd'hui "menacés de devoir arrêter leurs générateurs privés, ce qui provoquerait un arrêt total de leurs opérations et mettrait donc en péril la vie des patients". Le médecin a fait ces déclarations alors que, dimanche, plusieurs hôpitaux avaient annoncé qu'ils risquaient d'arrêter leurs générateurs "d'ici quelques heures" faute de mazout, appelant les responsables à intervenir immédiatement.
"Catastrophe sanitaire"
Concernant les pénuries de médicaments, Dr Abou Charaf a exhorté le ministère à assurer l'accessibilité "des vaccins et médicaments nécessaires pour les enfants afin d'éviter un retour de maladies qui avaient été préalablement éradiquées". Et d'inviter les importateurs à s'approvisionner en médicaments contre le cancer et les maladies chroniques et graves "que ce soit en provenance de l'Est ou de l'Ouest, tant qu'ils respectent les normes sanitaires".
De nombreux médicaments sont actuellement introuvables au Liban en raison d’un nouveau mécanisme imposé par la Banque du Liban et supposant un accord préalable avant toute importation de produits subventionnés. La Banque du Liban, dont les devises étrangères fondent rapidement, rechigne à octroyer des pré-approbations pour les importations. Dans ce contexte, la commission parlementaire de la Santé a approuvé hier "sous conditions" l’autorisation de l’importation en urgence de médicaments – une procédure qui suscite des craintes quant à la qualité de médicaments importés dans le futur et à leur provenance.
Selon le médecin, le Liban se dirige vers une "catastrophe sanitaire", et ce alors que le nombre de contaminations au coronavirus continue d'augmenter depuis des semaines, tout comme celui des hospitalisations, face à la propagation du variant Delta. Il a dans ce cadre regretté que 26% uniquement de la population soit jusqu'à présent vaccinée (avec une première dose de vaccin, ndlr) et que les personnes inscrites sur la plateforme pour la vaccination ne représentent que 32% de la population éligible dans le pays. "C'est très peu et cela ne nous mènera pas à l'immunité collective", a-t-il critiqué. Il a dans ce cadre appelé le ministère de la Santé à organiser de nouveaux marathons de vaccination Pfizer.
"Les soins de santé et les corps médicaux et infirmiers sont sur le point de s'effondrer et il faut coopérer pour les préserver", a-t-il encore plaidé, soulignant l'importance qu'un gouvernement soit rapidement formé "afin d'entrer en contact avec les organisations internationales pour sauver le Liban".
commentaires (3)
Pendant ce temps, une partie du peuple fait la fiesta chaque soir. Ce n'est pas de la résilience mais de l'inconscience et du m'en fichisme!
Salim Naufal / SOFTNET ENGINEERING
13 h 08, le 11 août 2021