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Culture - Cinéma

Mounia Akl emmène son « Costa Brava Lebanon » à Venise et à Toronto

Le long-métrage – avec Nadine Labaki et Saleh Bakri – de la jeune cinéaste libanaise est le témoignage d’un travail d’équipe et de longue haleine. Signerait-il sa consécration et son entrée dans la cour des grands ?

Mounia Akl emmène son « Costa Brava Lebanon » à Venise et à Toronto

Mounia Akl : « La réalité m’a rattrapée et était même devenue plus sordide que le film. » Photos DR

Lorsque Mounia Akl reçoit l’annonce de la sélection de son film Costa Brava Lebanon à la Mostra de Venise (du 1er au 11 septembre 2021) dans la section Orizzonti Extra et ainsi qu’au Festival de Toronto (du 9 au 18 septembre 2021), elle n’arrive pas à réaliser ce qui lui arrive. « C’était une belle célébration dans un pays qui s’écroule », confie-t-elle. « Cette bonne nouvelle nous confirmait que les histoires que nous aimons raconter et l’amour que nous mettons dans le métier que nous avons choisi, ainsi que notre manière de parler du pays, pouvaient booster notre créatif et l’état d’âme dans lequel nous sommes. »

Un accouchement difficile

Ce film a failli ne pas voir le jour. En effet, le 4 août 2020, jour de la terrible explosion au port de Beyrouth, la scénariste réalisatrice était en meeting avec la production pour peaufiner les derniers détails avant le tournage. Tout le bureau d’Abbout Productions à Gemmayzé fut soufflé. « En un instant, toute notre perception de la vie a basculé. Qui a survécu ? Qui a été blessé ? Il était loin dans notre esprit, le temps de créer un film. » Mais un mois plus tard, après avoir fait le deuil de l’événement tragique, l’équipe entière, et spécialement les producteurs Georges Schoucair et Myriam Sassine, décidaient de remettre le pied à l’étrier. « C’était un acte de résistance. Car si nous n’allions pas continuer notre travail et raconter nos histoires, c’est qu’“ils” auraient tout pris de nous », dit Mounia Akl. Un tournage de 37 jours, dans des conditions difficiles, et l’équipe entière soumise à des tests réguliers de dépistage du Covid, vécu quand même comme une thérapie d’un groupe qui voulait à tout prix réapprendre à créer et à vivre. « Ce moment de créativité et de communication a donné à beaucoup d’entre nous la force de nous soutenir et de nous porter les uns les autres. »

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Titulaire d’un diplôme d’architecture de l’ALBA et d’un MFA en réalisation de l’Université de Columbia, Mounia Akl a enseigné également la réalisation de films au NHSI Film Summer Institute de la Northwestern University, à Chicago. Après plusieurs web series et collaborations avec des artistes, comme Beirut I Love You en 2011 et Cheers to Those Who Stay en 2010, son court-métrage Submarine (2016) est en sélection officielle au 69e Festival de Cannes (Cinéfondation), au TIFF et au Dubai Film Festival où il remporte le prix du jury Muhr. En 2017, elle participe au projet Lebanon Factory et coréalise un court métrage El Gran Libano qui a ouvert la Quinzaine des réalisateurs de Cannes et a été projeté entre autres au BFI Londres. À part son travail de fiction narrative, Mounia Akl a souvent collaboré avec des artistes différents. Des films de mode pour et avec Sandra Mansour et Élie Saab, à ceux d’architecture avec Tara et Tessa Sakhi et Marc Codsi et même au film musical avec Kinematik, ce sont autant d’occasions qui lui permettent d’explorer d’autres milieux avec le langage cinématographique.


Nadine Labaki et Saleh Bakri campent les parents de cette famille libanaise qui a cherché refuge à la montagne dans « Costa Brava Lebanon ».Photos DR

Partir, rester, l’éternelle question libanaise

Costa Brava Lebanon, son premier opus de fiction, a été développé au cours de la résidence de la Cinéfondation de Cannes. Il avait été sélectionné pour participer au Torino Film Lab Feature Lab et au Sundance Institute Screenwriters and Directors Lab. S’il y a un point commun entre son court-métrage Submarine et le long-métrage Costa Brava Lebanon, c’est le contexte environnemental : la crise des déchets dans lequel le pays est noyé, mais l’histoire est totalement différente. «  Submarine m’a d’abord permis de traduire ma pensée de ce que signifie pour moi le mot “home” (maison), confie la réalisatrice. D’autre part, son action se situe dans un contexte d’anticipation, dans un avenir proche où le Liban a été envahi par les déchets et où les personnages sont masqués. Même si dans Costa Brava il y a aussi de la dystopie, j’ai dû me débarrasser de cet élément car j’ai réalisé que la réalité m’a rattrapée et était même devenue plus sordide que le film. »

Dans ce film coécrit il y a cinq ans avec Clara Roquet, l’action commence dans une Beyrouth noyée dans les déchets. Huit ans auparavant, une famille s’est créé un petit paradis loin de la ville et de sa pourriture en s’installant à la montagne. Souraya, interprétée par Nadine Labaki, Walid (Saleh Bakri), Rim campée tour à tour par les jumelles Ceana et Geana Restom, Tala la sœur aînée (Nadia Charbel), la grand-mère (Liliane Khoury) et la tante Alia (Youmna Marwan) forment cette famille qui a décidé de s’éloigner une fois pour toutes des multiples traumatismes déjà vécus. La trêve sera de courte durée et l’utopie brisée lorsque l’État décide d’inaugurer une énorme décharge de déchets dans un terrain avoisinant. À travers cette invasion politique, on va assister à l’explosion de la famille et comprendre qu’elle n’était pas si heureuse qu’on le croyait.

Partir ou rester se battre ? Telle est la question que pose le film. Une question tellement actuelle et présente dans un pays en déliquescence. Ainsi, si la maman veut rester et redescendre vers Beyrouth pour défendre les droits humains, son mari par contre avoue en avoir assez du pays et veut tout abandonner.

Mounia Akl signale que l’élément familial et la situation de son pays ont toujours joué un rôle primordial dans sa vie. « La première influence de ce film vient de mes contributions aux différentes révolutions qui se sont succédé dans mon pays. Quant à la seconde, ce sont mes parents qui m’ont inculqué l’amour du cinéma et m’ont encouragé à raconter des histoires. J’ai ainsi développé une fascination pour les défauts humains et la vérité qui ressort dans les moments de tragédie personnelle. J’ai toujours voulu parler de la famille, comment cela définit notre relation au monde et comment l’extérieur influe sur nous, surtout dans un pays en perpétuelle période de crises. C’est dans cette profonde et délicate observation des autres que la scénariste en moi est née. »

Costa Brava Lebanon témoigne, avec humour noir, de l’évolution d’un pays qui tiraille ses habitants dans tous les sens.

Mostra de Venise : Almodovar, Campion …

Madres paralelas de Pedro Almodovar, Le pouvoir du chien de Jane Campion et trois films français notamment seront en compétition à la 78e édition du Festival de Venise, qui se tiendra du 1er au 11 septembre.

Madres paralelas, avec Penelope Cruz et Rossy de Palma, ouvrira le festival. Pedro Almodovar, 71 ans, avait reçu en 2019 un Lion d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.

Jane Campion, Palme d’or à Cannes avec La leçon de piano en 1993, revient au cinéma pour la première fois depuis 2009 avec un long-métrage qui doit sortir sur Netflix.

Le pouvoir du chien (The Power of the Dog) est adapté d’un livre de Thomas Savage, avec Benedict Cumberbatch et Kirsten Dunst.

Trois films français aspirent au Lion d’or : Un autre monde de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, Illusions perdues de Xavier Giannoli et L’événement d’Audrey Diwan.

Seront également en lice cinq productions italiennes, un record : America latina de Fabio et Damiano D’Innocenzo, Il buco de Michelangelo Frammartino, Freaks Out de Gabriele Mainetti, Qui rido io de Mario Martone, E stata la mano di dio de Paolo Sorrentino.

Les autres films sélectionnés sont Mona Lisa and the Blood Moon de l’Américaine Ana Lily Amirpour, The Lost Daughter de l’Américaine Maggie Gyllenhaal, On the Job: the Missing 8 du Philippin Erik Matti, Leaves No Trace du Polonais Jan P. Matuszynski, Captain Volkonogov Escaped de la Russe Natasha Merkulova, The Card Counter de l’Américain Paul Schrader et Reflection de l’Ukrainien Valentyn Vasyanovych.

Le cinéma latino-américain sera également bien représenté avec Competencia oficial de l’Argentin Gaston Duprat avec Penelope Cruz et Antonio Banderas, Sundown du Mexicain Michel Franco avec Tim Roth et Charlotte Gainsbourg, Spencer du Chilien Pablo Larrain et La caja du Vénézuélien Lorenzo Vigas.

Le réalisateur sud-coréen de Parasite, Bong Joon-ho, présidera le jury dont feront partie l’actrice française Virginie Efira et la cinéaste chinoise Chloé Zhao.

À signaler qu’outre le film Costa Brava Lebanon de Mounia Akl, deux autres films de réalisateurs arabes seront projetés à la Mostra, il s’agit d’Amira de Mohamed Diab et Republic of Silence de Diana el-Jeiroudi.


Lorsque Mounia Akl reçoit l’annonce de la sélection de son film Costa Brava Lebanon à la Mostra de Venise (du 1er au 11 septembre 2021) dans la section Orizzonti Extra et ainsi qu’au Festival de Toronto (du 9 au 18 septembre 2021), elle n’arrive pas à réaliser ce qui lui arrive. « C’était une belle célébration dans un pays qui s’écroule », confie-t-elle....

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