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Culture - Cinéma/Entretien

Daizy Gedeon : Mon film n’est pas un film, c’est un mouvement !

Le documentaire « ENOUGH ! Lebanon’s Darkest Hour » de la réalisatrice et journaliste Daizy Gedeon, qui cherche à donner une voix aux défis auxquels font face les Libanais, vient de remporter le « Movie that matters Award », à Cannes.

Daizy Gedeon : Mon film n’est pas un film, c’est un mouvement !

Manuel Collas de La Roche, Daizy Gedeon et Bruno Chatelain lors de la remise du prix « Movie that matters » à Cannes.

Comment est né l’envie de créer le documentaire « ENOUGH ! Lebanon’s Darkest Hour » ?

J’avais réalisé en 1996 un premier documentaire intitulé Lebanon… Imprisoned Splendour dans lequel j’abordais l’image erronée véhiculée à propos du Liban, ainsi que le conflit identitaire que ressentent un peu tous les Libanais. Souvent, on me demandait à quand le prochain film, et je répondais qu’il fallait que le pays grandisse, qu’il mûrisse avant. Puis je suis rentrée à Beyrouth en 2015, et quelque chose, comme une petite voix, me disait que c’était le moment que je travaille sur un projet autour du Liban. En 2016, ce sentiment s’est confirmé, sauf que passant très peu de temps ici, j’avais été leurrée par l’image très dorée (et fausse) que l’on avait du pays. Un an plus tard, au bout de 6 semaines passées au Liban, de ville en village, et au gré de mes rencontres avec des gens de tous bords, j’ai pris conscience de la crise, à l’époque très silencieuse, qui se profilait. C’est là que je me suis rendu compte qu’il me fallait une vraie production, du budget, une équipe, et du temps, pour plancher sur ce projet laborieux. Comme ça, en pensant démarrer un petit film documentaire, je me suis retrouvée à monter ce documentaire en bonne et due forme, lequel n’a jamais cessé d’évoluer, et dont la fin a été maintes fois changée, à cause des événements successifs qui ont secoué le Liban depuis. C’est ainsi qu’est né ENOUGH ! Lebanon’s Darkest Hour, comme pour documenter une histoire en cours d’écriture.


Daizy Gedeon : « Ce documentaire est une voix, la voix du peuple, leurs pleurs et leurs cris de secours. » Photos DR

Justement, pourquoi avoir choisi le mot « Enough » en titre ?

En fait, c’est le mot que j’ai le plus entendu sur les lèvres des Libanais, au cours du tournage. C’est le mot qui revenait sans cesse, Khalas, Enough, ça suffit et qui exprimait quelque chose de plus vaste : le fait que le peuple n’en peut plus, qu’il a touché le fond ou sa limite. Et, en même temps, que si on ne se réveille pas tout de suite, si on n’agit pas au plus tôt, le monde nous abandonnera. Cela ne veut pas dire qu’il nous est demandé de vendre nos âmes à des agendas étrangers, loin de là, mais plutôt de savoir jouer le jeu de la diplomatie, c’est-à-dire s’unir et faire le poids en tant que peuple, histoire de devenir le seul et unique interlocuteur de ces puissances extérieures.

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Si vous deviez raconter ce film en quelques lignes ?

Ce documentaire est une voix, la voix du peuple, leurs pleurs et leurs cris de secours. L’idée à travers ce film est d’une part de cartographier les trois dernières années au Liban, sans doute les plus cruciales, depuis les élections de 2018 (où très peu de gens s’étaient rendus aux urnes) et jusqu’au grand effondrement d’aujourd’hui, et d’autre part de continuer à soutenir la cause du peuple, et surtout d’éveiller les consciences du monde. Il m’a semblé urgent que le monde réalise ce que les politiciens libanais font endurer à leur peuple, et qu’il continue à parler de ce pays qui, on dirait, a été oublié.


L’affiche du documentaire « ENOUGH ! Lebanon’s Darkest Hour ».

Puisque vous dites aspirer à rendre plus visibles les souffrances des Libanais dans votre film, pourquoi y avoir donné la parole à de nombreux politiciens ?

En tant que journaliste, et surtout parce que ce film est avant tout un documentaire, il me paraissait important de rester aussi objective que possible. Même s’il est évident que je me place du côté du peuple libanais, et de sa cause noble, j’ai tenu à dresser une image complète de ce qui se passe dans le pays en ce moment, et, malheureusement, la politique et ses figures en sont un élément important dont l’analyse du discours nous permet de comprendre mieux l’effondrement et les crises libanaises. Surtout qu’il est important aussi, pour décoder les raisons de l’allégeance d’une partie importante de la population, et peut-être même y pallier, de recueillir des témoignages du côté du pouvoir. Après, même si j’ai fait cela dans le souci d’une certaine crédibilité, la vérité ne peut pas se cacher et les faits sont là pour le prouver.

Que représente pour vous le Movie that matters Award que le documentaire vient de décrocher ?

Bien sûr qu’il y a quelque chose de magique d’être à Cannes et de voir mon travail apprécié par des experts du domaine, et récompensé par un prix si prestigieux. Mais ce n’est pas ça. Mon film n’est pas un film, c’est un mouvement. Une mission. Car je voudrais que quelque chose naisse de ce documentaire, qu’il ait un écho autant chez le peuple libanais que dans le monde entier. Pour qu’on n’oublie pas le Liban.

Comment est né l’envie de créer le documentaire « ENOUGH ! Lebanon’s Darkest Hour » ?J’avais réalisé en 1996 un premier documentaire intitulé Lebanon… Imprisoned Splendour dans lequel j’abordais l’image erronée véhiculée à propos du Liban, ainsi que le conflit identitaire que ressentent un peu tous les Libanais. Souvent, on me demandait à quand le prochain film,...

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