Avec le début des tractations autour du prochain gouvernement que doit présider Nagib Mikati, on est entré hier dans le vif du sujet. Et aussitôt, le Premier ministre désigné semblait faire déjà face aux premiers obstacles. L’un des principaux est l’attribution du ministère de l’Intérieur lequel, à l’approche des législatives prévues en mai 2022, devient un enjeu majeur du processus.
Le président de la République Michel Aoun aurait ouvert le bal en évoquant la question avec M. Mikati lors de leur entretien à Baabda, hier, rapporte notre chroniqueur politique, Mounir Rabih. Selon lui, le chef de l’État aurait plaidé pour que les chrétiens, dotés du plus large groupe parlementaire, à savoir le Liban fort, obtiennent l’Intérieur. Un constat auquel M. Mikati n’aurait pas donné suite en arguant du fait que le ministère (également régalien) des Finances allait rester aux mains des chiites et que donc le principe de rotation des portefeuilles régaliens ne serait pas appliqué. Les chrétiens devraient donc se voir garder, selon lui, les Affaires étrangères et la Défense.
De son côté, le Courant patriotique libre continue de démentir les informations portant sur son lot ministériel, comme pour faire barrage à d’éventuelles accusations de s’ingérer dans le processus gouvernemental. Le département média au sein du parti a ainsi publié hier un communiqué dans lequel il a démenti, une nouvelle fois, les informations de presse selon lesquelles le leader du CPL Gebran Bassil aurait demandé à M. Mikati, lors de leur rencontre autour d’un dîner samedi, d’obtenir le ministère de l’Intérieur et le tiers de blocage au sein de la future équipe.
Mais ces clarifications ne semblent pas calmer les appréhensions de certains protagonistes qui soutiennent le Premier ministre désigné. C’est le cas du courant du Futur, dont les rapports avec le camp présidentiel sont complètement rompus. « Si Saad Hariri avait accepté d’octroyer le ministère de l’Intérieur à la présidence ou son camp, il aurait pu former son gouvernement », révèle à L’OLJ Moustapha Allouche, vice-président du Futur. Selon lui, « Nagib Mikati refuse lui aussi cette demande. Le cabinet ne sera donc pas formé de sitôt, probablement pas avant l’expiration du mandat Aoun ».
Quoi qu’il en soit, Nagib Mikati s’est rendu hier une nouvelle fois au palais présidentiel, pour la seconde fois en 24 heures, pour s’entretenir avec M. Aoun. Citant des sources informées, notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, indique que le Premier ministre désigné a remis au président de la République Michel Aoun une mouture portant sur la répartition des portefeuilles au sein d’un gouvernement de 24 ministres. Les sources précitées précisent à ce stade que si le ministère de l’Intérieur paraît comme l’entrave principale, c’est le partage de tous les portefeuilles qui est actuellement au centre des tractations.
« J’ai présenté à Michel Aoun mes propositions concernant la mouture de mon cabinet et j’ai eu l’impression que celles-ci avaient été acceptées par le président », a de son côté déclaré M. Mikati à l’issue de la rencontre. « J’ai pris ses commentaires en considération et nous aurons bientôt un gouvernement », a-t-il souligné selon des propos rapportés par la présidence. Le Premier ministre désigné est attendu à nouveau cet après-midi à Baabda.
Les Finances
Il reste que les tractations gouvernementales pourraient durer longtemps avant de déboucher sur une nouvelle équipe. Surtout que « tous les protagonistes campent sur leurs positions traditionnelles au sujet du gouvernement », à en croire notre chroniqueur politique.
Il s’agit surtout du mouvement Amal du président de la Chambre Nabih Berry. Ce dernier semble déterminé à conserver le portefeuille régalien des Finances aux mains de la communauté chiite, même si, pour le moment, les milieux de Aïn el-Tiné n’expriment pas clairement cette volonté à laquelle le Hezbollah est du reste favorable, comme le confie une source proche de ce parti. « Rien ne nous empêche d’avoir les Finances », se contente de souligner à L’OLJ un proche du président de la Chambre, qui rappelle que « ce ne sont pas les demandes de M. Berry qui avaient empêché la formation du gouvernement de Saad Hariri ».
Le général Joseph Aoun reçu par Sissi au Caire
En visite au Caire, le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, a été reçu hier par le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi qui a souligné l’importance du « rôle de l’armée en cette période délicate » que traverse le Liban. M. Sissi a également salué « les efforts de la troupe, épine dorsale de la cohésion du pays, pour assurer la sécurité et la stabilité ». De son côté, le général Aoun a remercié le président Sissi pour « le soutien constant apporté par l’Égypte au Liban et à l’armée libanaise ».
L’officier supérieur a également été reçu par son homologue, le maréchal Mohammad Farid. Il lui a présenté un dossier comprenant une liste des besoins de l’armée libanaise « pour l’aider à assurer ses tâches opérationnelles ». « Les forces armées égyptiennes soutiennent l’armée libanaise et sont prêtes à lui apporter leur aide en cette période, car son rôle est vital au Liban », a affirmé le maréchal Farid.
Londres et Washington appellent à une formation rapide du cabinet
Le secrétaire au Foreign Office, Dominic Raab, a appelé hier les responsables libanais à « ne plus perdre de temps » et à « former rapidement un nouveau gouvernement » capable de « mettre en place des réformes ».
« La désignation du Premier ministre Nagib Mikati devrait être suivie d’une formation rapide d’un gouvernement qui mettra en place les réformes requises pour rétablir la stabilité dans le pays », a écrit le ministre britannique sur son compte Twitter. « Il n’y a plus de temps à perdre pour faire face à la crise économique et humanitaire croissante », a-t-il également averti.De son côté, Jalina Porter, porte-parole du département d’État américain, a affirmé que « les États-Unis renouvellent leur appel à former rapidement un gouvernement » qui s’engage « à mettre en œuvre les réformes essentielles ».
commentaires (9)
Vous savez, messieurs, ce que vous pourriez faire du ministère de l’intérieur, bâtiment compris ?! Je m’arrête là, je sais que l’OLJ censurera le reste de ma pensée !
Ayoub Elie
12 h 41, le 30 juillet 2021