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Monde - Diplomatie

Les enjeux de la visite de Moustapha Kazimi à Washington

Dans un contexte marqué par l’omnipotence des milices pro-iraniennes et la résurgence des attaques de l’État islamique, le Premier ministre irakien doit aborder aujourd’hui le retrait des troupes US avec des membres de l’administration Biden.

Les enjeux de la visite de Moustapha Kazimi à Washington

Le président américain Joe Biden (à gauche) et le Premier ministre irakien Moustapha Kazimi. Photo AFP

Le chef du gouvernement irakien, Moustapha Kazimi, doit entamer aujourd’hui une visite de plusieurs jours aux États-Unis durant laquelle il s’entretiendra avec le président américain Joe Biden au sujet de la redéfinition des contours des relations entre Bagdad et Washington. Un voyage qui intervient dans un quadruple contexte : le climat d’insécurité que font peser sur l’Irak les milices pro-iraniennes et les attaques de l’État islamique, les tensions entre les États-Unis et l’Iran sur le sol irakien, la tenue – menacée – d’un scrutin législatif en Irak prochainement et les négociations en cours entre la Maison-Blanche et la République islamique dans le but de réactiver le marché sur le nucléaire conclu en 2015, mais dont le prédécesseur de Joe Biden, Donald Trump, s’était unilatéralement retiré en 2018. L’entrevue entre les deux hommes survient une semaine après l’attentat meurtrier perpétré dans le quartier populaire de Sadr City à Bagdad et revendiqué par l’EI. Selon le ministère irakien de l’Intérieur, les responsables présumés de l’attaque – dont l’arrestation a été annoncée samedi – préparaient d’autres actions similaires la semaine dernière pour la fête de l’Adha.

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De quoi rendre les discussions prévues autour du retrait hypothétique des troupes américaines d’Irak encore plus difficiles pour M. Kazimi. D’un côté, il doit donner des gages aux factions armées proches de la République islamique, qui depuis l’élimination dans un raid américain à Bagdad de Kassem Soleimani – ancien commandant en chef de l’unité d’élite al-Qods au sein des pasdaran – et d’Abou Mahdi al-Mohandis – ex-leader de facto de la coalition paramilitaire du Hachd al-Chaabi (PMF) – font du départ des troupes US l’alpha et l’oméga de leur rhétorique contre les intérêts de Washington dans le pays. De l’autre, il sait l’État irakien trop faible pour être en mesure de contenir seul la résurgence de l’EI. Contraint de marcher sur des œufs face à la toute puissance des milices, il doit endosser deux costumes à la fois, être celui qui aura réussi à obtenir le départ de la mission de combat américaine, en conformité avec le vote d’une résolution non contraignante par le Parlement irakien en janvier 2020, et permettre aux forces de sécurité de bénéficier des entraînements de Washington. Le chef de la diplomatie irakienne Fouad Hussein – aux États-Unis depuis plusieurs jours – s’est entretenu avec son homologue américain vendredi dernier, assurant que les pourparlers « aboutiraient à un calendrier de retrait des forces américaines ».

Mais plutôt qu’un départ, MM. Kazimi et Biden devraient surtout annoncer aujourd’hui le passage d’un rôle militaire à un rôle purement consultatif des États-Unis, soit la fin officielle de leur mission de combat dans le pays. L’enjeu principal semble toutefois d’abord relever de la communication autour de cette métamorphose. Car dans les faits, elle est déjà à l’œuvre. « Les États-Unis jouent depuis longtemps un rôle de consultation et d’entraînement. Les forces de combat sont uniquement déployées lorsqu’elles assistent l’armée irakienne ou les forces anti-terroristes avec une couverture aérienne pour des raids contre les positions de l’EI », estime Doug Siliman, président du Arab Gulf States Institute in Washington (AGSIW) et ancien ambassadeur des États-Unis en Irak (2016-2019) et au Koweït (2014-2016). « La réalité c’est que ces annonces ne changeront presque rien concernant ce que les forces américaines font déjà, mais constitueront plutôt une redéfinition officielle de ce rôle. »

Si en 2011, huit ans après l’invasion de l’Irak, l’ancien président américain Barack Obama avait annoncé le retrait quasi total des forces américaines du pays, un nouveau tournant est pris en 2014, mû par l’avancée fulgurante de l’EI. À l’invitation du gouvernement de Nouri el-Maliki, des troupes sont redéployées en Irak dans le cadre d’une coalition internationale chargée de former et de conseiller les forces de sécurité locales. À la fin de 2017, malgré la défaite militaire de l’EI, quelque 5 000 membres du personnel américain restent stationnés pour prévenir une résurgence du groupe jihadiste. Donald Trump s’engage par la suite à réduire cette présence militaire de moitié. Aujourd’hui, celle-ci s’élève effectivement à 2 500 soldats. « La situation en Irak n’est pas encore aussi mauvaise qu’en Afghanistan, mais le pays dépend du soutien de Washington. Les institutions qui doivent permettre aux Irakiens de sauvegarder l’État n’ont pas été bâties. Les milices sont à bien des égards plus puissantes que l’État. Autant d’éléments que M. Kazimi doit prendre en compte avant les élections », commente Feisal Amin Rasoul al-Istrabadi, ancien ambassadeur de l’Irak auprès de l’ONU (2004-2010).

Prise de contrôle

Officiellement, le Premier ministre irakien ne se présente pas au scrutin d’octobre. Mais bon nombre d’observateurs y perçoivent d’abord une manœuvre politique. Affaibli sur la scène intérieure, le chef du gouvernement cherche à consolider ses soutiens sur la scène régionale et internationale et veut se prévaloir des faveurs de Washington, alors que l’Irak fait face à une multitude de défis : crise économique, pénurie d’électricité, changement climatique… Pour M. Kazimi, son voyage aux États-Unis sera aussi l’occasion d’obtenir de la part de ses interlocuteurs une dérogation pour que le pays puisse poursuivre les échanges commerciaux avec Téhéran sans risquer d’être exposé à des sanctions secondaires. Cela, en plus d’un approfondissement de la coopération technique et économique entre Washington et Bagdad. « L’un des grands enjeux pour les États-Unis en Irak c’est de ralentir ou d’empêcher la prise de contrôle complète du gouvernement irakien par les supplétifs iraniens », souligne Doug Siliman. Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2020, le Premier ministre irakien doit jouer les équilibristes entre Washington et Téhéran tout en essayant de répondre aux demandes du soulèvement d’octobre 2019 relatives à la lutte contre l’impunité pour les assassinats d’activistes largement imputées aux PMF. Hier, le fils de la militante irakienne des droits humains Fatima al-Bahadly a été retrouvé mort par balle à Bassora après une disparition de 24 heures. Depuis le déclenchement de l’intifada il y a bientôt deux ans, près de 36 personnes ont été tuées sur près d’une centaine de tentatives d’assassinats. Et depuis janvier, près d’une cinquantaine d’attaques au drone et à la roquette ont par ailleurs visé des intérêts américains. Pressé par Washington et par la rue irakienne de montrer des muscles, les tentatives de M. Kazimi se sont jusque-là heurtées au caractère protéiforme de la coalition paramilitaire, celle-ci jouant sur plusieurs tableaux, avec un pied dans l’État et un autre en dehors. « Aujourd’hui les Américains ont les yeux rivés vers la sortie et les Iraniens n’iront nulle part. Il y a ce genre de va-et-vient entre les Américains et les milices mais il s’agit surtout de s’infliger mutuellement des coups non décisifs », résume Feisal al-Istrabadi. Marchant dans les pas de Donald Trump et de Barack Obama, Joe Biden souhaite poursuivre le désengagement des États-Unis de la région et veut concentrer ses efforts sur des enjeux internes. La seule priorité régionale – hormis l’endiguement de l’EI – reste la restauration de l’accord sur le nucléaire, qu’il espère – sans grandes illusions – pouvoir élargir au programme balistique ou encore au réseau de supplétifs iraniens déployé dans la région.

Le chef du gouvernement irakien, Moustapha Kazimi, doit entamer aujourd’hui une visite de plusieurs jours aux États-Unis durant laquelle il s’entretiendra avec le président américain Joe Biden au sujet de la redéfinition des contours des relations entre Bagdad et Washington. Un voyage qui intervient dans un quadruple contexte : le climat d’insécurité que font peser sur l’Irak...

commentaires (1)

Voilà à quoi a mener l’élimination de Saddam par le brillant Georges Walker Bush ! La M….e en Irak , au Liban , et au MO..!

LeRougeEtLeNoir

02 h 21, le 26 juillet 2021

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Commentaires (1)

  • Voilà à quoi a mener l’élimination de Saddam par le brillant Georges Walker Bush ! La M….e en Irak , au Liban , et au MO..!

    LeRougeEtLeNoir

    02 h 21, le 26 juillet 2021

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