En déplacement à Bagdad, le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau Raymond Ghajar a signé samedi la version définitive d’un accord avec l’Irak devant permettre au Liban de se fournir en carburant pour alimenter ses centrales électriques, en plein contexte de grave crise économique, de pénurie de carburant et d’impasse politique qui paralyse la formation d’un nouveau gouvernement.
Le carburant obtenu via ce mécanisme devrait permettre à Électricité du Liban (EDL) de tenir « 4 mois » en fournissant 9 à 14 heures de courant par jour, en fonction de la demande et en tenant compte des autres moyens alloués à l’établissement public (les avances du Trésor adoptées), a notamment expliqué le ministre à l’occasion de plusieurs interventions durant le week-end écoulé. Contacté par la suite, le ministère a ajouté que la première cargaison de carburant obtenue à travers cet accord devrait être livrée dans une dizaine de jours.
La conclusion de l’accord a eu lieu en présence du Premier ministre irakien Moustapha al-Kazimi et du directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, selon des photos publiées sur Twitter par le bureau de presse de la présidence du Conseil à Bagdad. Selon des informations de presse, le contrat a été signé par la directrice générale du Pétrole Aurore Féghali, le ministre irakien des Finances Abdelamir Allaoui et le directeur général de la société en charge de la vente du pétrole, Ala’ el-Yasri.
Hommes d’affaires libano-irakiens
Cet accord avait été annoncé depuis de longs mois sans que ses contours ne soient clairement définis. Dans un communiqué publié le jour de la signature, le Conseil des hommes d’affaires libano-irakiens a affirmé avoir été le premier à proposer au gouvernement de Hassane Diab en 2020 d’explorer avec les autorités irakiennes les moyens possibles de résoudre provisoirement les problèmes d’approvisionnement d’EDL en fuel-oil et gas-oil. L’organisation a aussi regretté que les autorités libanaises aient mis autant de temps à aller au bout du processus. Le gouvernement irakien avait, lui, approuvé en juin dernier la décision de fournir entre 500 000 et 1 million de tonnes de pétrole brut au Liban, concluant ainsi une série d’échanges avec les responsables libanais.
Selon les informations fournies par Raymond Ghajar dans les médias et que L’Orient-Le Jour a pu compléter via une source au ministère, l’accord a été conclu pour une durée d’un an et porte sur une quantité d’un million de tonnes de carburant, ce qui permet en théorie de couvrir un tiers des besoins annuels d’EDL (fuel-oil de grades A et B et gas-oil inclus).
Le fuel irakien ne pouvant pas être utilisé par les centrales électriques libanaises, en raison notamment de sa teneur élevée en soufre, les quantités fournies serviront donc de monnaie d’échange qui permettront au Liban d’acheter du carburant compatible auprès d’autres fournisseurs, via une procédure de « spot cargo » (appel d’offres ponctuel permettant d’acheter des hydrocarbures au prix du marché). Des modalités qui contredisent le contenu d’un communiqué publié durant le week-end par le bureau de Moustapha el-Kazimi qui précisait que le carburant fourni ne devrait pas être raffiné. D’autres informations de presse assuraient de leur côté que l’Irak allait lui-même raffiner le fuel avant de l’expédier vers le Liban.
Un compte à la BDL
En contrepartie, les autorités libanaises vont ouvrir à la Banque du Liban (BDL) un compte au bénéfice du ministère irakien des Finances qui sera approvisionné avec un montant qui dépendra du prix en dollars du pétrole vendu en fonction des cours en vigueur au moment de chaque livraison. Calculés en dollars, ces montants seront ensuite convertis en livres au taux de la plateforme Sayrafa (la plateforme de change mise en place par la BDL pour tenter de limiter l’influence du marché parallèle) et pourront être dépensés au Liban pour des services et du conseil, selon les termes du ministre. Ces prestations pourraient concerner le domaine médical, selon d’autres informations de presse. Le haut responsable a assuré « qu’aucun dollar ne sortirait du Liban » et que les réserves obligatoires des banques déposées à la BDL ne seraient pas ponctionnées. Le taux de change appliqué via Sayrafa est officiellement de 12 000 livres pour un dollar, alors que le taux de change sur le marché parallèle gravite aux environs de 20 000 LL, en repli par rapport au pic de 24 000 LL atteint au milieu du mois.
S’agissant de l’approvisionnement en électricité, le haut responsable a nuancé son annonce concernant le nombre de mois et d’heures de courant en relevant qu’EDL allait « s’efforcer de prolonger le plus longtemps possible son approvisionnement en courant avec ces quantités de carburant ». Interviewé par la radio la Voix du Liban, Raymond Ghajar a aussi précisé que la hausse anticipée du nombre d’heures ne se produira que si EDL peut compter sur le fuel irakien ainsi que sur les commandes de fuel financées par les avances du Trésor, faute de quoi le fournisseur devra à nouveau réduire sa voilure à partir de septembre. Une référence à l’avance de 200 millions de dollars adoptée fin mars par le Parlement pour permettre à l’office d’acheter du carburant et qui n’a en principe pas encore été complètement décaissée. Il resterait environ un quart de la somme selon une source proche du dossier, qui a de plus alerté sur la nécessité de débloquer des fonds pour financer les opérations de maintenance des centrales.
Le ministre a enfin indiqué que le Liban n’avait toujours pas reçu d’offre officielle de la part de l’Iran. Certaines formations politiques comme le Hezbollah ont suggéré ces dernières semaines de se fournir en fuel auprès de ce pays pourtant sous le coup de sanctions américaines. « Si nous recevons une offre d’un autre État, nous l’étudierons et l’approuverons en fonction de la monnaie et du mécanisme adoptés », a noté le ministre.
Le Liban est en proie depuis mi-2019 à une crise considérée par la Banque mondiale comme l’une des pires au monde depuis 1850. À court de devises, le pays peine à importer suffisamment de carburant pour faire fonctionner ses centrales, provoquant des rationnements de courant pouvant atteindre 23 heures par jour. En temps normal, des exploitants de générateurs privés prennent le relais, mais en raison de pénuries de mazout, ceux-ci sont également obligés de les éteindre plusieurs heures en journée et pendant la nuit, obligeant les habitants à vivre sans courant. Ces derniers jours, plusieurs secteurs, et notamment les hôpitaux privés et la restauration, ont mis en garde contre l’impact de ces pénuries sur la poursuite de leurs activités.
En les regardant s’agiter pour redorer le blason de celui qui est mis en examen et refuse d’obtempérer, car il faut qu’on nous explique pourquoi un directeur de la sûreté générale va signer des contrats d’approvisionnement de carburant-, on comprend leur méthode de toujours qui consiste à faire d’un coupable un sauveur en un rien de temps. Il fanfaronne comme s’ils avaient découvert la poudre et que le problème de l’électricité sera résolu alors qu’ils sont en train de trouver des bouches trous à leur pillage et leur incompétence pour paver la voie dans quelques semaines et nous jeter dans les bras des iraniens et qui seront les prochains sur la liste pour soit disant aider le Liban à sortir de la crise. Que de manigances, ils ne sont jamais à court d’idées pour amener ce pays là où ils veulent quand ils le décident. Mais malheureusement ce « là ou ils veulent » n’est pas pour sauver le pays, bien au contraire.
11 h 04, le 26 juillet 2021