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Politique - Enquête / Aux sources du blackout

Contrat juteux, appel d’offres douteux : dans les eaux troubles du dossier des navires-centrales (I/II)

Ce qui devait être une option temporaire, pour mettre un peu plus de lumière dans les foyers libanais, dure depuis huit ans déjà. Or le contrat conclu, dans des conditions opaques, entre Beyrouth et l'entreprise turque Karpowership, a eu un coût exorbitant pour le Liban.

Contrat juteux, appel d’offres douteux : dans les eaux troubles du dossier des navires-centrales (I/II)

Le navire-centrale Fatmagül Sultan, amarré devant Zouk, au nord de Beyrouth. Archives AFP

Plus de 1,5 milliard de dollars : c’est ce que l’achat d’électricité via des navires-centrales a coûté au Liban depuis la conclusion, en 2013, du contrat avec Karpowership, une filiale de l’opérateur turc Karadeniz. Ce sans compter le fuel fournit par l’État libanais. Avec une telle enveloppe, le Liban aurait pu se doter de presque trois centrales terrestres. S’il a coûté cher à l’État, le projet s’est en revanche avéré très juteux pour la compagnie turque. Un rapide calcul permet d’estimer qu’en huit ans, Karpowership a généré un profit avant amortissement de 750 millions de dollars. À ce prix, il aurait été moins cher pour le pays d’acheter les barges que de les louer. En lieu et place, le Liban a privilégié une solution censée être transitoire, prolongeant à deux reprises son contrat avec Karpowership, en 2016 et 2018. Pourquoi s’être obstiné pour l’option des navires-centrales, alors que le pays aurait pu investir, quand il en avait encore les moyens, dans des solutions pérennes et moins coûteuses ? L’enquête judiciaire contre certains dirigeants de la société turque ouverte par le juge d’instruction de Beyrouth en mars dernier pour faits de « corruption » et « blanchiment d’argent », pourrait apporter certaines réponses. Au-delà de la question de commissions supposées, les documents auxquels « L’Orient-Le Jour » a eu accès concernant les conditions de l’octroi du marché à Karpowership soulèvent aussi de sérieuses questions, entre contrat mal négocié et appel d’offres douteux. Premier épisode aujourd’hui de notre enquête sur un marché qui semble avoir été taillé sur mesure pour Karpowership.

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Dans Le rêve d’une nation, une bande dessinée publiée en 2013 par le ministère de l’Énergie, Gebran Bassil présente à son fils le Liban de 2020, celui qui doit naître une fois tous ses projets réalisés. À bord d’un métro reliant Batroun à Beyrouth, père et fils s’émerveillent devant les vastes étendues de plages publiques, respirent l’air purifié de Zouk et Jiyé après la réhabilitation des deux centrales vétustes, et traversent le quartier de Dora, où la déchetterie sauvage a laissé place à un site touristique. « Je suis fier d’avoir été parmi ceux qui ont fait du Liban un pays stable et prospère », lance, dans une bulle, le ministre à son fils.

Presque dix ans plus tard, le pays est à l’agonie. Comble de l’ironie, le blackout presque total est devenu une réalité, à l’heure de la crise des liquidités, entre pénurie de fuel et arriérés de paiement de l’État aux différents opérateurs du secteur. Le constat est sans appel : presque rien n’a été fait ces dix dernières années pour investir dans des solutions énergétiques économiques et durables.

La location des deux navires-centrales à la compagnie turque Karpowership, filiale de Karadeniz, est, à bien des égards, un emblème des dysfonctionnements du secteur, entre opacité dans l’attribution des marchés publics et absence de planification. Les documents auxquels L’Orient-Le Jour a eu accès – appels d’offres, contrat, notes d’EDL et de l’Inspection centrale – révèlent que, dès le début, tous les voyants étaient au rouge. De quoi faire peser de lourds soupçons de favoritisme concernant l’attribution du marché à Karpowership.

Lire le deuxième volet de notre enquête

Navires-centrales : quand le Liban tentait, malgré tout, de tripler la mise (II/II)

Retour en arrière. Dès 2010, Gebran Bassil fait de la réforme du secteur de l’électricité son principal cheval de bataille. L’ambitieux ministre de l’Énergie qu’il est à l’époque, sait à quel point une réussite dans ce domaine peut le propulser très vite au sommet. Et l’homme est pressé. Le 21 juin 2010, son plan de réforme est voté en Conseil des ministres. Sa feuille de route a pour ambition de faire grimper la capacité de production à 4 000 MW dès 2014, contre 1 500 MW disponibles, de quoi assurer une fourniture d’électricité continue dans tout le pays. C’est à ce moment-là qu’est, pour la première fois, mentionnée l’option des barges. Le plan prévoit la construction d’une nouvelle centrale à Deir Ammar, de deux nouvelles unités à Zouk et Jiyé, ainsi que la réhabilitation des anciennes centrales sur le même site. Durant ce processus de rénovation, les anciennes centrales devant être éteintes, il est alors proposé de recourir à une solution temporaire afin d’éviter une perte soudaine de capacité sur le réseau. Les navires-centrales, sorte de batteries de secours flottantes et géantes amarrées le long de la côte, sont présentés comme un remède pratique car ils permettent de s’épargner les coûts d’expropriation ou de location de terrains. Une solution pas illogique, à condition qu’elle reste temporaire. « Le recours aux navires-centrales pouvaient être justifié sur le court terme mais à long terme, la location perd tout son sens économiquement, d’autant plus qu’il n’y a pas de transferts d’actifs à échéance », explique Marc Ayoub, chercheur en politique énergétique au Issam Fares Institute for Public Policy and International Affaires de l’Université américaine de Beyrouth (AUB).

Les dés jetés d’avance

Le Liban se lance à la recherche d’un opérateur et dès 2010, c’est la compagnie turque qui a ses faveurs. « Ces barges ne sont pas nombreuses dans le monde et les choix étant limités, nous avons considéré une offre de la Turquie dans ce domaine, tout en laissant nos options ouvertes », justifie alors Gebran Bassil. « Le gouvernement, qui a commencé à recevoir de plus en plus de propositions de la part d’entreprises, a finalement décidé de formaliser l’appel l’offres », explique un des candidats de l’époque. Deux ans plus tard, le Conseil des ministres crée une commission présidée par le Premier ministre de l’époque, Nagib Mikati, et composée des ministres de la Justice, de l’Environnement et des Finances ainsi que de deux conseillers internationaux, le consultant technique suisse Pöyry et le cabinet d’avocats français Gide Loyrette Nouel. Le rôle de la commission ministérielle est de diriger l’appel d’offres, d’approuver le cahier des charges et le modèle du contrat, et de mener les négociations avec les candidats.

Premier signal d’alerte. « Le rôle du ministère est de fixer la politique et la vision générale, pas de lancer des appels d’offres, cela est contraire aux bonnes pratiques. C’est EDL, en tant qu’entité autonome, qui aurait dû le faire », explique Jessica Obeid, consultante indépendante en énergie. Selon l’article 2 du code des adjudications publiques, ce sont les établissements publics qui sont responsables de l’organisation de leur marché. « Le Conseil des ministres est compétent », assure de son côté une source au gouvernement, avançant que le déficit d’EDL, qui est couvert par les finances publiques, confère au cabinet un droit de regard sur l’institution.


Le chaos dans la passation des marchés publics, un secteur généralement rongé par la corruption en raison de l’ampleur des flux financiers qui y sont brassés, est courant au Liban, qui n’avait jusqu’à très récemment pas de code de commande publique unifiée. « Le cadre réglementaire était tellement fragmenté qu’il était impossible d’établir les responsabilités de chacun », indique Jessica Obeid.

La deuxième anomalie réside dans la demande de proposition elle-même, auquel L’Orient-Le Jour a eu accès. Le document, d’une dizaine de pages tout au plus, « correspond à la taille d’un projet d’une valeur de 10 000 dollars », estime Jessica Obeid. Et non pas de près de 400 millions. Le document est notamment léger sur les critères d’évaluation, qui déterminent pourtant le choix de l’opérateur. Le dossier est tout de même retiré par une soixantaine d’entreprises, et six d’entre elles présentent des offres complètes. Le dialogue entre la commission ministérielle et les candidats se déroule ensuite en plusieurs réunions successives. La plupart des candidats sont progressivement écartés au terme de l’évaluation technique des offres. Deux entreprises restent finalement en lice, la société américaine Waller Marine – Buildum Ventures, et Karpowership. Les discussions se poursuivent avec les deux finalistes jusqu’à la présentation des qualifications financières. Mais selon le récit d’un représentant de Waller Marine – Buildum Ventures, les dés étaient jetés d’avance. « Lors de la dernière négociation finale, le Comité m’a demandé de baisser le prix, ce que j’ai accepté à condition d’ouvrir les offres financières finales sous scellés. J’avais cependant besoin d’attendre la validation du siège aux États-Unis. Mais la commission n’a même pas pris la peine d’attendre la dernière offre. Lorsque Karpowership est passée, elle a été directement sélectionnée », raconte le candidat, qui apprend alors la nouvelle dans la salle d’attente du Sérail.

D’autres éléments ne manquent par ailleurs pas de soulever des questions, notamment les accointances politiques des représentants de Karadeniz : d’un côté, Samir Doumit, un haut cadre du courant du Futur, marié à une des cousines de Nazek Hariri, et, de l’autre, son neveu, Ralph Fayçal, que l’on dit proche de Gebran Bassil. « L’alliance Courant patriotique libre/courant du Futur s’est cimentée autour de ce duo dans le dossier », explique une source du secteur. « C’est Nader Hariri, le cousin de Saad, qui sera la cheville ouvrière du dossier. Plus tard, l’affaire fera partie d’un accord plus global entre Gebran Bassil et le courant du Futur, qui comprenait, outre le côté purement financier, un accord politique autour d’un partage des nominations de hauts fonctionnaires », ajoute une source politique.

Côté gouvernement, on assure cependant que l’offre a été choisie en dehors de toute considération politique, en fonction des délais d’exécution, du prix et de la consommation de fuel. Il est cependant impossible de s’en assurer puisque les termes de l’appel d’offres ont été modifiés au cours des négociations finales avec Karpowership. C’est là le quatrième drapeau rouge de cet appel d’offres. Car, si au ministère de l’Énergie on se réjouit d’avoir négocié une baisse de prix directement avec Karpowership de 0,10 centime par KWh, la contrepartie est passée sous silence. L’acompte versé par l’État est en effet passé de 10 %, selon des documents annexes à l’appel d’offres, à 22 % dans le contrat signé avec Karpowership (Annexe 1). Or « chaque modification des termes de l’appel d’offres doit être communiquée en amont à tous les participants. C’est ce qui garantit une adjudication juste et transparente. Peut-être que d’autres compagnies auraient proposé un meilleur prix ou que davantage de candidats se seraient présentés (selon les nouvelles conditions, NLDR) », explique Jessica Obeid.


Annexe 1 : Extrait du contrat section acompte de l'Etat. On y voit la mention des 22 % d'avances.


Invitée à réagir, Karpowership soutient une autre version. « L’appel d’offres était ouvert à toutes les entreprises de génération d’énergie dans le monde, et Karpowership a offert le prix le moins cher de tous. Il n’est pas inhabituel que des négociations directes aient lieu avec le gagnant de l’appel d’offres, d’autant plus que Karpowership a introduit une nouvelle technologie au Liban », assure l’entreprise. Cette dernière nie par ailleurs que le montant de l’acompte ait été préalablement communiqué aux soumissionnaires : « La demande de proposition (soumise aux candidats, NDLR) ne précise pas un pourcentage spécifique pour l’avance de paiement, elle a été décidée durant la phase de négociation. » Une déclaration pourtant contraire aux clarifications communiquées aux candidats, que L’Orient-Le Jour s’est procurées, qui mentionnent que l’État libanais est en mesure de payer jusqu’à 10 % de la somme du contrat. (Annexe 2)


Annexe 2 : Mention des 10% d'acompte de la part de l'Etat libanais dans les demandes de clarifications.


Un généreux bonus

En 2013, la première barge, Fatmagül Sultan, débarque sur les côtes de Zouk, suivie, avec trois mois de retard par rapport aux délais impartis, par Orhan Bey, amarrée à Jiyé. Mais les choses se corsent dès les premières semaines. En avril 2013, Fatmagül Sultan tombe en panne. L’Inspection générale intervient alors afin d’expliquer les raisons de l’incident. Dans son rapport, que L’Orient-Le Jour s’est procuré, elle explique que la panne est liée à un problème de carburant : le fuel fourni par la filiale de Sonatrach basée aux îles Vierges via son sous-traitant BB Energy ne convient pas aux spécifications des générateurs. « Le fuel fourni était de mauvaise qualité. Si les anciennes générations d’usines pouvaient le supporter, les nouveaux générateurs n’ont pas tenu le coup », explique un expert de l’énergie. Après l’incident, Sonatrach BVI – aujourd’hui accusé d’avoir participé à un vaste réseau de corruption présumé dans le procès du fuel défectueux livré à EDL – commence alors à fournir, sans qu’un nouvel appel d’offres ne soit lancé, un autre type de fuel. On l’appelle le « Grade B », de meilleure qualité car moins chargé en soufre, par opposition à celui de « Grade A », destiné aux anciennes centrales de Zouk et Jiyé.

Outre le problème du combustible, le rapport de l’Inspection centrale souligne plusieurs zones d’ombre autour du contrat. Le principal point d’interrogation repose sur la clause du bonus (Annexe 3).


Annexe 3 : La clause du bonus extraite du contrat.


Une disposition que l’Inspection générale dit « déconseiller ». Le contrat prévoit en effet une prime pour Karpowership, déterminée en fonction du prix du baril, si elle réalise des économies par rapport à la quantité de fuel que l’État libanais s’est engagé à lui fournir. Ce type de clause est censé encourager à consommer moins de carburant, et il arrive parfois que le bénéfice de l’économie soit partagé entre l’opérateur et le client. « Il revient rarement entièrement à ce dernier. Notre offre n’en proposait pas », commente un candidat de l’époque. Il existe bien un malus en cas de dépassement du seuil fixé, qui aurait pu équilibrer le bonus, mais Karpowership a veillé à être systématiquement en dessous de la limite de consommation fixée dans le contrat, selon un document de la Direction des investissements d’EDL de 2015 que L’Orient-Le Jour a consulté. Ce dernier relève ainsi « des écarts injustifiés en faveur de l’opérateur » (Annexe 4).

Annexe 4 : Extrait du document de la Direction des investissements d’EDL datant de 2015. Ce document révèle que la clause du bonus a généré des revenus "injustifiés" pour l'opérateur.


L’astuce de Karpowership pour optimiser son efficacité ? Le recours à une turbine à vapeur, « contrairement à ce que stipule le contrat », et sans en informer EDL. « L’efficacité correspond au nombre de KWh produit par rapport au fuel consommé. Or la turbine à vapeur installée sur la barge produit de l’électricité en utilisant les gaz d’échappement provenant des générateurs initiaux, ce qui permet de booster l’efficacité, sans consommer plus de carburant », explique un expert en énergie.

Le bonus s’est ainsi révélé particulièrement avantageux pour la compagnie turque. Cette dernière a ainsi touché 10 millions de dollars de prime en 2014, alerte le document d’EDL, qui exige désormais que l’opérateur lui demande au préalable l’autorisation de faire fonctionner sa turbine. La commission ministérielle était-elle au courant que la consommation des barges était en réalité systématiquement inférieure au seuil fixé ? Était-elle au courant de l’existence de la turbine à vapeur ? S’agit-il de mauvaises négociations ou d’intérêts cachés ? Un appel d’offres compétitif aurait en tout cas permis d’éviter ce genre d’écueils.

Interrogé sur la question, Karpowership, qui n’a pas commenté la prime de 10 millions de dollars, déclare que « l’utilisation de la turbine à vapeur ne procure pas de bénéfice additionnel ou de bonus, et que c’est au contraire EDL qui en bénéficie, puisqu’elle procure de l’électricité sans que le Liban n’ait à fournir de fuel ». Une explication qui omet de préciser qu’au moins jusqu’en 2015, la production de la turbine à vapeur était calculée par le même compteur que celui des générateurs normaux, permettant de fait à Karpowership de décrocher automatiquement le bonus.

Un coût conséquent pour l’État libanais

En 2016, alors que la construction de Deir Ammar 2, qui aurait dû apporter la fourniture en l’électricité nécessaire pour se passer des barges, s’enlise pour des raisons politiques, le contrat avec les barges est prolongé de deux ans, puis étendu jusqu’en 2021. Cette fois, il semble que les recommandations d’EDL aient été prises en compte. Selon les derniers amendements consultés par L’Orient-Le Jour, le bonus en cas d’économie de fuel est supprimé et une nouvelle grille tarifaire est appliquée, le prix du kWh passant de 5,95 à 5,85 puis à 4,95 centimes de dollars en 2018 – hors carburant. L’énergie générée par la turbine à vapeur, soit 20 MW, est désormais calculée via un compteur différent et n’est pas facturée. La production grimpe ainsi à 370 MW contre les 270 MW prévus par le contrat initial, pour constituer aujourd’hui, jusqu’à environ 25 % de la production nationale.

Un prolongement du contrat loin d’être indolore pour les finances publiques. Car le coût de production des barges, environ 13 cents le kilowattheure, est presque deux fois plus élevé que « celui d’une centrale neuve fonctionnant au gaz naturel, moins cher et moins polluant que le fuel lourd consommé par les navires-centrales », explique Marc Ayoub. Le carburant, entièrement importé, représentait 64 % des coûts d’EDL selon la Banque mondiale en 2018. Le Liban aurait ainsi eu tout intérêt à réaliser une transition vers des combustibles moins cher. Le prix de vente de l’électricité fixé à 9,5 cents le kWh par EDL ne permet donc pas de couvrir le coût de production des barges. S’il est vrai que certaines des centrales terrestres actuelles ont un coût de production encore plus élevé, allant jusqu’à 21 cents le kilowattheure pour certaines unités, c’est parce que le parc énergétique d’EDL est extrêmement vétuste, et par conséquent moins efficace que ne le serait une centrale neuve.

Du côté des Turcs, l’affaire aura été juteuse. En huit ans, Karpowership a généré un profit (avant amortissements) de près de 95 millions de dollars par an en moyenne soit près de 750 millions de dollars de profits nets sur la durée du contrat (coût estimé après remboursement des dettes, des intérêts, des opérations de révisions majeures, et des frais de maintenance évalués dans le contrat à 1,25 centime par KWh). « Dans un financement classique pour ce type de projet, Karadeniz a dû investir entre 25 et 30 % du coût des barges soit 100 à 120 millions de dollars et s’endetter pour les 70 % restants. Il a cependant bénéficié de plus de 22 % d’avances de l’État libanais, soit 86 millions de dollars, réduisant son investissement de départ entre 15 et 35 millions de dollars. Ce qui lui a permis de multiplier, en huit ans, entre 25 et 50 fois sa mise de départ. Par contraste, des projets d’infrastructure similaires permettent au mieux à l’investisseur de doubler sa mise en 10 ans », explique une autre source du secteur.

Mais l’idylle prend fin avec le début de la crise économique. EDL a totalement cessé de payer l’opérateur depuis un an et demi, accumulant plus de 170 millions de dollars d’arriérés. Les révélations de la chaîne al-Jadeed en mai dernier viennent davantage envenimer les choses. La chaîne a mis la main sur des enregistrements faisant état d’un accord entre Ralph Fayçal, le représentant de Karadeniz, Fadel Raad, qui fera l’intermédiaire, et Ahmad Safadi, le neveu de Mohammad Safadi, alors ministre des Finances, autour d’un partage d’une commission présumée de six millions de dollars. La justice libanaise lance des mandats d’arrêt contre les deux premiers protagonistes, qui seront arrêtés puis relâchés sous caution, et ordonne dans la foulée une saisie des barges, décision qu’elle annulera quelques semaines après.

Des développements que Karpowership qualifie de contraire à « l’État de droit », se disant « déçu » et « très alarmé par les actions illégales et les commentaires faits à la presse par des membres de la justice libanaise concernant les biens de la compagnie et ses employés ». En signe de contestation, l’entreprise décide alors d’arrêter sa production, privant le réseau de 370 mégawatts, soit environ quatre heures d’électricité quotidienne. Dernier rebondissement : la compagnie annonçait, le 29 juin dernier, qu’elle reprenait sa production, soulignant sa « bonne volonté » et « sa prise en considération de la saison estivale et des besoins humanitaires du Liban ».


Prochain volet : Navires-centrales : quand le Liban tentait, malgré tout, de tripler la mise (II/II)

Plus de 1,5 milliard de dollars : c’est ce que l’achat d’électricité via des navires-centrales a coûté au Liban depuis la conclusion, en 2013, du contrat avec Karpowership, une filiale de l’opérateur turc Karadeniz. Ce sans compter le fuel fournit par l’État libanais. Avec une telle enveloppe, le Liban aurait pu se doter de presque trois centrales terrestres. S’il a coûté cher...

commentaires (18)

Et pourquoi ils n’ont pas construit des centrales électriques ? Qui est derrière tout ça ? Ils les connaissent mais ils n’osent pas parler, bande de voleurs …

Eleni Caridopoulou

00 h 53, le 16 juillet 2021

Tous les commentaires

Commentaires (18)

  • Et pourquoi ils n’ont pas construit des centrales électriques ? Qui est derrière tout ça ? Ils les connaissent mais ils n’osent pas parler, bande de voleurs …

    Eleni Caridopoulou

    00 h 53, le 16 juillet 2021

  • Excellent article, grand merci pour ce travail de qualité

    Céline Maucourant

    16 h 46, le 15 juillet 2021

  • Excellent travail mené par Mme Maucourant Atallah, il est à souhaiter qu'elle poursuive ses investigations, chiffres et faits à l'appui et qu'elle ne soit pas discréditée .Quant à cette fameuse compagnie turque, en raison des jeux d'écriture qui lui ont permis de générer en !'espace de dix ans jusqu'à près de cinquante fois sa mise initiale en bénéficiant de plus de 22 % d’avances de l’État libanais, soit 86 millions de dollars, ce qui lui a permis de réduire, même si l'on présume que des commissions occultes aient été rétrocédées , son investissement de départ... Elle, cette compagnie turque, gagnerait à davantage de discrétions en dépit de plus de 170 millions de dollars d’arriérés. Tout cela laisse augurer des belles sanctions à venir..

    C…

    15 h 37, le 15 juillet 2021

  • MES REACTIONS SUR LE SCANDALE DU SIECLE DES BARGES TURQUES ONT ETE PUBLIEES TROIS FOIS AVANT AUJOURD,HUI SUR CE FORUM. DEPUIS PLUS D,UN AN ET PUIS DES MOIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 00, le 15 juillet 2021

  • Bon article d’investigation !! Cependant une chose geagea a fait les accords de meerab pour en premier lieu réunir les chretiens et enterrer la hache de guerre … c’était son premier but !!

    Bery tus

    14 h 51, le 15 juillet 2021

  • JE CONTINUE : IL Y EUT AUSSI DES OFFRES POUR RECONDITIONNER DES CENTRALES EXISTANTES COMME IL Y EUT DES OFFRES POUR DE NOUVELLES CENTRALES CLEF A LA MAIN, TOUTES A DES PRIX TRES AVANTAGEUX. ON CONNAIT LE SCENARIO TURC.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 37, le 15 juillet 2021

  • MADAME ATALLAH, LISEZ BIEN ET COMPRENEZ BIEN MES DEUX REACTIONS. ET CE N,EST PAS TOUT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 23, le 15 juillet 2021

  • ET JE CONTINUE : ON A OFFERT PARALLELEMENT AUX BARGES SIX UNITES CENTRALES ELECTRIQUES MOVIBLES RECONDITIONNEES BRITANNIQUES PRETES A LA LIVRAISON ET QUI POUVAIENT PORTER A 24/24 HEURES L,ENERGIE TOTALE DU LIBAN AU PRIX DE 75000.- DOLLARS L,UNITE AVEC 5PCT DE COMMISSION. LA PREFERENCE ON LA CONNAIT. IL Y AVAIT BEAUCOUP DANS LE PLAT TURC A MANGER. JE N,INDIQUE AUCUN RESPONSABLE. ILS OU IL SONT OU EST CONNUS OU CONNU. - ET ON OSA VOLER LES ECONOMIES D,UNE VIE DU PEUPLE LIBANAIS ET LE REDUIRE A LA PAUVRETE ET A LA FAIM. - LES DEUX BELIERS BISCORNUS DE L,APOCALYPSE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 17, le 15 juillet 2021

  • "un emblème des dysfonctionnements du secteur". Le mot "dysfonctionnement " semble bien faible. Les Termes "escoquerie", "piraterie "... seraient plus appropriés

    Yves Prevost

    13 h 05, le 15 juillet 2021

  • Voilà le genre d’article dont on a besoin de lire plus souvent ! Merci à L’orient le jour ,,nous vous demandons davantage d’enquêtes pointues et moins de bla bla-bla-bla ,

    Wow

    13 h 01, le 15 juillet 2021

  • Voilà le genre d’article dont on a besoin de lire plus souvent ! Merci à L’orient le jour ,,nous vous demandons davantage d’enquêtes pointues et moins de bla bla-bla-bla ,

    Wow

    13 h 01, le 15 juillet 2021

  • On devrait apprendre aux étudiants en économie et en études commerciales ce cas, cela ferait comprendre toutes les possibilités offertes aux investisseurs de tout calibre dans les célèbres PPP soit les Partenariats Public Privé. Les PPP étant la porte ouverte à toutes les magouilles et arnaques possibles et imaginables : le Privé doit rester privé et a, bien évidemment, sa raison d’être. Le Public doit perdurer et se développer dans les pays du tiers ou du quart monde tant qu’ils ne sont pas devenus adultes !

    TrucMuche

    13 h 00, le 15 juillet 2021

  • "Advance payment", on peut lire en lettre "twenty-five" et en chiffres 22 %... étonnant que même l'Orient-Le Jour n'a pas vu cette coquille...

    Charmillot Claude

    13 h 00, le 15 juillet 2021

  • Et tout cet argent illicite, fini dans les banques libanaises...en montant de toutes pièces, de fausses sources d' enrichissement pour les beneficiaires..

    LeRougeEtLeNoir

    12 h 22, le 15 juillet 2021

  • LE SCANDALE DU SIECLE ! CES BARGES CANADIENNES RECONDITIONNEES ONT ETE OFFERTES A NOS ABRUTIS POUR ACHAT A 300.000.- DOLLARS L,UNITE. 2 BARGES 600.000.- DOLLARS. LA COMMISSION ETAIT DE 5PCT, TROP PEU POUR L,APPETIT GLOUTON ET LES POCHES TROP LARGES DE NOS MAFIEUX. ELLES AURAIENT ETE LA PROPRIETE DE L,ETAT. DEUX CENTRALES ELECTRIQUES FLOTTANTES A 600.000.- DOLLARS. LES MAFIEUX ET A LEUR TETE... NOUS SAVONS QUI ETAIT RESPONSABLE DU MINISTERE DE L,ENERGIE... ONT PREFERE LES LOUER DES TURQUES A UN PRIX DE LOUAGE ASTRONOMIQUE CAR IL NE S,AGISSAIT PLUS DE 5PCT DE COMMISSION MAIS SUREMENT DE PARTAGE. CES BARGES PLUS QUE PROBABLEMENT SONT LES MEMES BARGES CANADIENNES DONT LE NOMBRE TOTAL A LA VENTE ETAIT DE SIX ET LES TURQUES LES ONT ACHETEES TOUTES. 2 FURENT LOUEES AU LIBAN (?) ET LES AUTRES POURRISSENT EN RADE DU PIREE. TOUS CONNAISSENT QUI SONT DERRIERE OU QUI EST DERRIERE. ON NE DEVIENT PAS MILLIONNAIRE EN UN JOUR.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 05, le 15 juillet 2021

  • Le scandale du fameux compromis présidentiel compromis de 2016 est connu de tous : Aoun président, Hariri premier ministre. Ainsi le CPL et le Courant du Futur se partagent le gâteau au détriment de Amal, ce qui a provoqué la colère de Berri. Geagea a marché dedans la tête baissée, naïvement convaincu qu’il serait le prochain président. Joumblat reste dans son coin tant qu’il est le seigneur du Chou-fleur. Le Hezbollah tire les ficelles tout en jouant aux innocents pendant que ses cadres font mainmise sur le port, l’aéroport, les douanes et la contrebande du Captagon. Voilà en toute simplicité les causes réelles de l’explosion de la dette publique qui a permis de couvrir la corruption à grandes échelles de toutes ces personnes et abouti à l’effondrement total du pays.

    Lecteur excédé par la censure

    12 h 04, le 15 juillet 2021

  • Pourquoi on n'est pas surpris ? On ne se le demande même pas.... même plus....

    Florence TRAULLE

    11 h 55, le 15 juillet 2021

  • C’est pour ce genre d’articles d’investigation que nous payons nos abonnements. Si les médias s’étaient saisies de cette affaire dès les premiers mois de la signature et avaient mis son nez dans les magouilles pour les dénoncer depuis le début, le Liban ne serait pas aujourd’hui dans cet état de délabrement irréversible. Pourquoi la justice fait semblant de faire son travail en interpelant puis relâchant les coupables puis en abandonnant les poursuites alors que des documents officiels prouvent leur culpabilité et leurs crimes? Faut il maintenant lancer des procès contre cet organisme qui est sensé instaurer la rectitude et contrôler les magouilles parce qu’il a fermé les yeux et donc se trouve dans le collimateur pour complicité et manquement à son devoir? Quand au gendron blanc comme neige il va falloir qu’il réponde à toutes les questions que la justice aurait à lui poser pour justifier les milliards dilapider et de leur placement. Le Liban est non seulement toujours dans le noir mais la santé des libanais s’en est trouvée abîmée à cause de ces voleurs mafieux qui continuent à la ramener avec insolence et hypocrisie en aboyant très fort pour nous impressionner. HONTE À VOUS TOUS VOUS MÉRITEZ LE PIRE CHÂTIMENT QUI EXISTE SUR LA TERRE COMME AU CIEL.

    Sissi zayyat

    11 h 53, le 15 juillet 2021

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