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Avec les « Tiffany Girls », la touche féminine du célèbre artiste verrier sort de l’ombre

Louis Comfort Tiffany avait éclairé le monde avec ses célèbres abat-jours et ses vitraux opalins colorés au tournant du XIXe siècle. Dans son ombre, des talents féminins tardivement reconnus. 

Avec les « Tiffany Girls », la touche féminine du célèbre artiste verrier sort de l’ombre

Le vitrail-fenêtre signé Tiffany et réalisé par Agnes Northrop. Photo Art Institute of Chicago

L’Art Institute of Chicago (AIC) vient de s’enrichir d’une spectaculaire œuvre d’art de la veine du grand artiste du verre coloré Louis Comfort Tiffany, (1848-1933). Il s’agit d’un imposant vitrail-fenêtre de 7 mètres de haut et 5 mètres de large intitulé Hartwell Memorial Window. Commandé en 1911 à l’atelier Tiffany par une riche résidente de l’État de Rhode Island, Mary L. Hartwell, à la suite du décès de son époux, un important industriel, elle l’a ensuite offert à une église de la ville de Providence. Aujourd’hui accroché au musée de l’Art Institute of Chicago, la spectaculaire conception de ce vitrail est enfin révélée au grand jour. L’institut avait acquis cette pièce majeure de Tiffany en 2018 et l’avait restauré durant un an. Bien que le vitrail-fenêtre ait été installé dans une église, son motif n’avait pas un caractère spécifiquement religieux. Cette composition irisée dépeint en effet un paysage paisible du New Hampshire, avec ses arbres luxuriants et multicolores.

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La lumière tachetée du soleil rebondit sur une cascade, tandis que l’imposant mont Chocorua se profile à l’arrière-plan. Selon Steve Johnson du Chicago Tribune, Tiffany a soudé 48 couches de verre pour produire cette immense scène. La conservatrice du musée, Elizabeth McGoey, la décrit en ces termes : « Une lumière chaude émane du soleil couchant, captant les vagues tumultueuses de la cascade centrale dansant à travers les arbres. La beauté éphémère de la nature est véhiculée par une composition complexe de verres aux couleurs vives. »

Les iconiques abat-jours Tiffany créés par des mains féminines. Photo Creative Commons

Talents cachés

Derrière cette magie du verre, il fallait chercher la femme. Un communiqué du musée précise en effet que le design du Hartwell Memorial Window est l’œuvre d’une dénommée Agnes Northrop (1857-1953). Celle-ci faisait partie du studio Tiffany qui comptait beaucoup, dans la réalisation de ses œuvres, sur des talents féminins baptisés « Tiffany Girls ». En 2006, la New York Historical Society avait d’ailleurs organisé une exposition axée sur de nouvelles recherches concernant le travail artistique sous-estimé de ces femmes.

Louis Comfort Tiffany vers 1908. Photo Creative Commons

L’équipe s’était particulièrement concentrée sur Clara Driscoll (1861-1944), l’une des principales créatrices de Tiffany et qui avait dirigé le département de coupe de verre animé par des femmes. Driscoll avait conçu elle-même une trentaine de lampes iconiques tout au long de ses vingt ans passés dans cette entreprise. Sa correspondance, découverte en 2005, a souligné l’apport féminin dans la réalisation de ces célèbres œuvres en verre teinté dans le style art nouveau, toutes griffées Louis Comfort Tiffany. Ce grand artiste novateur l’avait aussi été dans l’organisation de son travail. Selon un article publié à ce sujet par le Morse Museum en Floride, il avait fondé le département de coupe de verre pour femmes en 1892, recrutant des artistes de la YWCA locale, de la Cooper Union et de la School of Applied Design.

Clara Driscoll au travail avec son collègue de Tiffany Joseph Briggs, 1901. The Metropolitan Museum of Art/Creative commons.

Des femmes inspirées

Cette intégration inédite de femmes à la coupe et à la sélection du verre pour les fenêtres et les mosaïques aux côtés des hommes constituait une stratégie économique autant qu’une initiative féministe. À l’origine de cette décision, la grève organisée cette année-là à New York par le syndicat des vitriers et coupeurs de verre, 100 % masculin, pour obtenir des hausses de salaire et une réduction de leurs heures de travail. Pour pallier leur absence, Tiffany a commencé par employer six femmes dans son studio new-yorkais en 1892. L’expérience s’est avérée si fructueuse que l’entreprise comptait, deux ans plus tard, 35 jeunes femmes travaillant tous les aspects de la verrerie : du découpage du verre et des motifs à la création des dessins pour celles qui étaient hautement qualifiées. En 1897, elles sont une cinquantaine attelées à cette tâche.

Les « Tiffany Girls » à l’œuvre. Photo Art Institute of Chicago

Selon Louis Comfort Tiffany, les femmes avaient une grande sensibilité aux arts décoratifs. Ses positions féministes ont d’ailleurs été saluées en 1894 dans un article paru dans la revue The Art Interchange. Son auteure, Polly King, y relevait « l’esprit progressiste de l’artiste Tiffany et son respect pour le talent des femmes, à un moment où on leur refuse encore le droit de voter », obtenu en 1920. Elle souligne aussi « leur goût décoratif naturel, une perception aiguë de la couleur, une adaptabilité au médium employé et, enfin, le désir d’apprendre ». Convaincu de leur importance, Louis Comfort Tiffany avait ainsi peu à peu remplacé les syndicalistes en grève œuvrant chez lui par « des jeunes femmes des écoles d’art où elles avaient au moins appris à utiliser leurs yeux et leurs doigts d’une certaine manière », avait-il confié.

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Pour faire partie de son équipe, toutefois, les futures employées devaient être célibataires… À peine fiancées, il leur demandait de démissionner. Enfin, malgré le respect qu’il portait à leur grande capacité à « peindre sur du verre », il n’a jamais reconnu publiquement leur talent. Pas par misogynie, comme on pourrait le croire. Ses collaborateurs masculins étaient logés à la même enseigne, car il préférait que seul son nom soit mis en évidence…

L’Art Institute of Chicago (AIC) vient de s’enrichir d’une spectaculaire œuvre d’art de la veine du grand artiste du verre coloré Louis Comfort Tiffany, (1848-1933). Il s’agit d’un imposant vitrail-fenêtre de 7 mètres de haut et 5 mètres de large intitulé Hartwell Memorial Window. Commandé en 1911 à l’atelier Tiffany par une riche résidente de l’État de Rhode Island,...

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