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Politique - Éclairage

Élections à l’ordre des ingénieurs : un espoir pour le mouvement de contestation ?

Plusieurs leçons sont à tirer de ce scrutin : un taux de participation relativement important, une unification des rangs de l’opposition et une machine bien huilée.

Élections à l’ordre des ingénieurs : un espoir pour le mouvement de contestation ?

Les organisateurs de « L’ordre se révolte » mobilisés en masse. Photo Lyana Alameddine

La victoire écrasante remportée dimanche par la coalition de l’opposition « L’ordre se révolte » face aux partis actuellement au pouvoir, lors de l’élection des délégués de l’Assemblée à l’ordre des ingénieurs, en a fait rêver plus d’un. Inattendus, les résultats engrangés par les forces de la contestation du 17 octobre 2019, appuyées par quelques partis de l’opposition (Kataëb, mouvement de l’Indépendance de Michel Moawad, Bloc national et Parti communiste libanais), relancent de nouveaux espoirs chez tous ceux qui espèrent bouter les partis traditionnels au profit d’une véritable alternance, notamment lors des prochaines législatives prévues en mai 2022.

Même s’ils s’accordent presque unanimement à dire qu’il est encore trop tôt pour prédire toute tendance d’ici à cette échéance, certains observateurs réaffirment que pour réussir, l’opposition devra mener campagne en rangs unifiés pour contrer les partis du pouvoir qui maîtrisent à la perfection les rouages de ce scrutin.

« On ne peut pas qualifier de surprenant le raz-de-marée qui a eu lieu dimanche. La surprise aurait été le contraire, c’est-à-dire que les gens n’expriment pas un vote de contestation contre l’establishment politique après tout ce qui s’est passé », relève d’emblée Tarek Ammar, membre du conseil exécutif de Beyrouth Madinati et l’un des responsables de la machine électorale de la liste de l’opposition « L’ordre se révolte ».

Sur les 20 sièges de représentants des 4 sections d’ingénieurs civils, architectes, ingénieurs agronomes et ingénieurs du secteur public, « L’ordre se révolte » en a remporté 15 et a raflé 220 places de délégués sur les 283 à pourvoir.

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Le mécontentement et la colère envers l’échec de la classe politique actuelle étaient certes au rendez-vous, tout comme la volonté de renverser la table. Selon M. Ammar, également spécialisé dans les sondages, la clé de la réussite est à chercher au niveau de l’organisation, de l’engagement en amont et de la méthodologie pour parvenir à de tels résultats.

« Au Liban, nous ne sommes pas habitués à ce type d’exercice où prévalent la transparence et l’esprit démocratique à tous les niveaux de l’opération. D’habitude, c’est un chef de file qui donne le mot d’ordre et les autres qui suivent à la lettre », avance Tarek Ammar, en allusion aux efforts monstres investis en amont et à la symbiose opérée entre les différentes composantes de la coalition, une formule qui s’est avérée payante. C’est d’ailleurs à ce niveau que les forces de l’opposition disposaient d’une longueur d’avance sur leurs adversaires.

Samedi, à la veille du scrutin, l’un des prétendants aounistes confiait ainsi à L’OLJ que « les coalitions entre les partis au pouvoir sont concoctées en amont, sans que les candidats n’en soient directement informés à l’avance ». Ce qui revient à dire que l’alliance entre les partis du pouvoir a été, en quelque sorte, parachutée à la dernière minute.

Ce qui étonne et désole le plus est que les partis traditionnels, qui s’étripent depuis plus de dix mois dans le cadre de la formation du gouvernement, « ont réussi à s’entendre entre eux en 48 heures pour se coaliser en vue de ces élections professionnelles », ironise Tarek Ammar.

« Un phénomène de contestation »

Autre raison du succès enregistré dimanche par l’opposition, une expérience cumulative qui a commencé par le score remarquable enregistré par Beyrouth Madinati aux élections municipales de 2016, aux législatives de 2018, ainsi que lors des élections de l’ordre des ingénieurs de 2017. Ce scrutin avait vu l’élection à la tête de l’ordre de Jad Tabet, premier candidat indépendant des partis politiques depuis une trentaine d’années. Autant de ballons d’essai qui ont conféré aux mouvements de la contestation un savoir-faire qui a été utile dans l’élaboration de la stratégie pour le scrutin de dimanche. Qu’il s’agisse du choix des candidats, des composantes de la coalition ou encore des règles à respecter, tout a été scruté à la loupe. Les moindres détails de l’organisation et du modus operandi de l’élection ont été consignés dans une sorte de manuel avalisé par les membres de la coalition et scrupuleusement appliqué, assurent les organisateurs.

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Pour plusieurs experts toutefois, cette expérience « positive » pour les forces de l’opposition ne constitue pas pour autant un indicateur pour les élections de mai 2022, qui sont, à de nombreux égards, différentes de ce scrutin sectoriel. Même si elle est presque aussi complexe que la loi régissant l’élection des ingénieurs – un système majoritaire avec des quotas par âge et par section –, la loi électorale en vigueur pour les législatives est une machine complexe pour les forces alternatives.

L’exigence d’un seuil électoral et d’un vote préférentiel neutralise largement les effets de la proportionnelle prévue dans le texte de loi et profite surtout aux partis traditionnels. C’est l’une des raisons qui pousse à penser que l’émergence des partis de l’opposition pourrait être particulièrement compliquée dans plusieurs régions où le seuil d’éligibilité est très élevé en raison du ratio votants/nombre de sièges, s’ils ne parviennent pas à constituer un front unifié. C’est d’ailleurs la leçon fondamentale que l’on peut tirer de la première phase du scrutin dimanche à l’ordre des ingénieurs.

Difficile donc de prédire une percée aussi nette de l’opposition lors des législatives de 2022. Alliances, potentielles coalitions, listes ou programmes apparaissent comme autant de facteurs encore inconnus qui seront déterminants pour établir des pronostics dans un sens comme dans un autre.

Selon un expert électoral qui a souhaité rester anonyme, le vote de dimanche dernier est à analyser davantage comme un « phénomène de contestation » que comme un choix rationnel vis-à-vis des candidats en présence. « 60 à 70 % des votants ne connaissaient pas les candidats. Ils ont fait un choix expressément politique », commente cet observateur. Une attitude relativement inédite pour un scrutin où les questions techniques et professionnelles afférant au métier lui-même et à ses préoccupations priment d’habitude sur les allégeances politiques ou partisanes.

Le ras-le-bol de la population et la nécessité d’un changement radical ne suffisent pas, même s’ils semblent prévaloir aujourd’hui. Il reste encore à convaincre celle-ci, la capter et la canaliser en vue des prochaines échéances.

« Il faudra surtout réduire au maximum le taux d’abstention pour pouvoir accroître les chances des forces de l’opposition de percer en 2022 », relève l’expert précité. En 2018, le taux d’abstention aux législatives avait atteint 51 %, portant principalement préjudice aux candidats de l’opposition qui s’étaient, en outre, présentés en rangs dispersés.

Dimanche, la participation des électeurs a été inhabituellement élevée pour une élection de délégués qui reste de loin moins importante que celle du président de l’ordre et des membres du conseil, prévue le 18 juillet prochain. En 2017, quelque 3 000 votants avaient pris part au scrutin contre 8 000 qui se sont exprimés dans les urnes dimanche dernier. Ce taux élevé de participation aurait contribué à faire la différence et pourrait donc faire quelque peu pencher la balance du côté de la contestation lors des élections de 2022, si les électeurs se mobilisent massivement.

La victoire écrasante remportée dimanche par la coalition de l’opposition « L’ordre se révolte » face aux partis actuellement au pouvoir, lors de l’élection des délégués de l’Assemblée à l’ordre des ingénieurs, en a fait rêver plus d’un. Inattendus, les résultats engrangés par les forces de la contestation du 17 octobre 2019, appuyées par quelques partis de...

commentaires (4)

On se demande comment des libanais arrivent encore à voter pour des vendus même d’une façon minoritaire alors qu’ils voient où leur aveuglement nous a mené? Sont ils s’élèvent des libanais? Dans le cas contraire comment ont ils le droit de voter? On devrait déchoir certains de leur identité libanaise pour collaboration avec l’ennemi.

Sissi zayyat

12 h 17, le 29 juin 2021

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • On se demande comment des libanais arrivent encore à voter pour des vendus même d’une façon minoritaire alors qu’ils voient où leur aveuglement nous a mené? Sont ils s’élèvent des libanais? Dans le cas contraire comment ont ils le droit de voter? On devrait déchoir certains de leur identité libanaise pour collaboration avec l’ennemi.

    Sissi zayyat

    12 h 17, le 29 juin 2021

  • COMMENTE HIER : NE DITES JAMAIS HOP AVANT DE TOUCHER LE SOL , LE TROU EST PROFOND ET TRÈS SOUVENT LE FORAGE NÉCESSITE DES DÉCENNIES ET DÉCENNIES . REGARDEZ LES TÊTES D’EN HAUT ELLES SONT TOUJOURS SOURIANTES....

    aliosha

    10 h 31, le 29 juin 2021

  • Même les ordres tel que celui-ci, surtout celui-ci, sont politisés ? Je suis à peu près certain que son fondateur aurait été consterné de cette drôle de politisation, ridicule !

    Nicolas ZAHAR

    09 h 01, le 29 juin 2021

  • Les resultats pro thawra ne vont pas se repercuter sur les elections parlementaires pour la simple raison que les ingenieurs sont des electeurs libres alors que la masse qui vote aux elections parlementaires est faite de fonctionnaires et de leurs proches qui vont voter pour le leader politique qui leur a debrouillé leur job. Et le reconduire a sa position.

    Tina Zaidan

    08 h 49, le 29 juin 2021

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