Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a accusé dimanche la classe politique libanaise de "voler" l'argent des déposants, en puisant dans les réserves obligatoires de la Banque du Liban (BDL), pour "financer ses campagnes électorales", tout en étant incapable de former un gouvernement qui se fait attendre depuis plus de dix mois dans un Liban en grave crise.
Alors que l'effondrement du pays se poursuit, le patriarche a dénoncé une nouvelle fois, lors de son homélie, un "clan politique qui isole délibérément le Liban de ses amis, appauvrit son peuple, sape son régime, dénature son pacte national, falsifie son identité et ôte la dignité des Libanais".
"Criminel"
"Ce même clan politique vole aujourd'hui l'argent des déposants en puisant dans les réserves obligatoires de la Banque du Liban, comme s'il voulait financer ses campagnes électorales avec l'argent des déposants", a souligné Mgr Raï, alors que l'année prochaine, le pays doit organiser une présidentielle, des législatives, et des municipales.
Ces dernières semaines, l'essence et le mazout deviennent des produits rares au Liban. La BDL n'octroyant plus les crédits nécessaires aux importateurs pour couvrir leurs achats au taux officiel de 1.507,5 face à un taux sur le marché parallèle autour de 17.000 livres pour un dollar, les dirigeants ont accepté de subventionner les importations au taux de 3.900 livres pour un dollar pour une durée de trois mois. La BDL devra donc puiser les fonds nécessaires dans les réserves obligatoires des banques auprès d'elle. Or ces réserves sont constituées des dépôts des Libanais.
"C'est un crime qualifié. Tout décret ou loi approuvant ce retrait des réserves devrait faire l'objet d'un recours devant la justice compétente", a estimé Mgr Raï. "Il est étrange que ce clan politique qui s'autorise à prendre l'argent du peuple s'interdit de former un gouvernement pour ce même peuple. Tout est-il devenu possible, si ce n'est la formation d'un gouvernement ?", s'est interrogé le chef de l'église maronite.
"Ces mesures alternatives sont le résultat de l'absence de formation d'un gouvernement de salut, capable d'entreprendre les réformes nécessaires pour obtenir l'aide de la communauté internationale. Formez un gouvernement et laissez l'argent du peuple !" a-t-il lancé à l'adresse des responsables. Le chef de l'Etat, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, englués dans des rivalités politiques et personnelles depuis des mois, ne sont pas parvenus à former un cabinet pour réformer le pays. La communauté internationale s'impatiente et les puissances européennes envisagent désormais d'imposer des sanctions aux dirigeants libanais.
"Rôle chrétien au Liban"
Revenant sur la journée de réflexion et de prière le 1er juillet à laquelle le pape François a convoqué toutes les communautés et Églises chrétiennes catholique, orthodoxe et protestante du Liban, Béchara Raï a estimé que "cette journée sera une étape importante pour aider le Liban à rester la patrie du partenariat islamo-chrétien, pays de la démocratie, de progrès et de civilisation".
"Les événements et les faits ont prouvé que l'affaiblissement du rôle chrétien au Liban conduit toujours à l'affaiblissement de l'unité du Liban, de son système démocratique et de son mode de vie civilisé, à l'ébranlement de la parité islamo-chrétienne, à l'anxiété des chrétiens dans le monde arabe et à la perturbation des relations arabes et internationales du Liban", a estimé Mgr Raï.
"Si cette rencontre est limitée aux chefs spirituels chrétiens, cela n'exclut personne, mais est conforme aux préoccupations des chrétiens sur le sort du Liban. Les chrétiens n'ont jamais choisi un projet pour eux-mêmes, mais pour le bien du Liban et de tous les Libanais", a assuré le prélat. "Nous n'allons pas au Vatican en portant seulement les doléances des chrétiens, mais bien celles de tous les Libanais. Nous portons la cause du Liban, une cause de liberté, de dialogue et de coexistence islamo-chrétienne", a-t-il affirmé.
"Nous allons assurer au pape la volonté des Libanais de vivre ensemble malgré toutes les déceptions, les guerres dues aux multiples loyautés et à leurs propres erreurs et l'odieuse ingérence politique dans leurs affaires", a-t-il encore dit. Mgr Raï a plaidé pour une application stricte de la Constitution et des résolutions internationales et réitéré son appel à la tenue d'une conférence internationale consacrée au Liban. Un appel vivement critiqué par le Hezbollah, dont les relations avec le patriarche Raï sont tendues.
"Une miche de pain, un peu d'essence"
Le métropolite de Beyrouth, Mgr Elias Audi, a regretté de son côté qu'en dépit de tous les malheurs auxquels est confronté le pays, les responsables n'aient pas mis un terme à leur "approche destructrice" et n'aient "rien fait pour empêcher l'effondrement".
"Dans notre pays, les gens meurent à la recherche d'une miche de pain ou d'un peu d'essence", a-t-il déploré. "La conscience des fonctionnaires n'a pas bougé, ils ont maintenu leur approche politique destructrice en émettant des déclarations et des contre-déclarations, ne recherchant que des intérêts personnels étroits. Combien de jeunes devraient encore immigrer ? Combien d'enfants auront encore faim ? Combien de patients souffriront sans médicaments ?", a-t-il demandé.
"Nous sommes dans un pays dépourvu des droits humains les plus basiques. Nous vivons un vide politique, un déclin économique et une décadence morale dans lesquels l'homme, en tant que commerçant, importateur ou monopoliste, exploite son prochain", a lancé Mgr Audi. "D'autres pays ont surpassé l'épreuve difficile que nous traversons, mais la différence est que leurs responsables ont agi pour trouver des solutions. Quant à nous, toutes les initiatives ont été abandonnées, et toutes les médiations internes et externes ont été perturbées, comme si les solutions étaient interdites et le sauvetage rejeté", a déploré le métropolite. Il a également appelé à la formation d'un gouvernement "qui puisse prendre la situation en main".
"Chaos complet"
Le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, a pour sa part prévenu que le Liban "fait face à une catastrophe majeure. Le compte à rebours du grand effondrement est très probablement lancé. Le pays se dirige certainement vers un chaos complet". Selon le dignitaire chiite proche du Hezbollah, "le début du sauvetage commence par un gouvernement d'urgence loin des calculs confessionnels infernaux". "La solution doit commencer aujourd'hui avant demain", a-t-il insisté. "La situation est entre vos mains, sinon préparez-vous à une grande explosion", a-t-il dit à l'adresse des responsables politiques, plaidant pour un gouvernement sans "bombes confessionnelles".
commentaires (9)
Le Sheikh Kabalan a prevenu que le Liban fait face a une catastrophe majeure... hahahahahaha.. .Il ne se doute certainement pas pourquoi..! Rien a voir avec le Hezb bien entendu..!
LeRougeEtLeNoir
18 h 13, le 28 juin 2021