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Société - Enquête sur les explosions du port de Beyrouth

"La période de grâce est terminée", mettent en garde les familles de pompiers tués le 4 août

La décision de Tarek Bitar relative à treize demandes de libération attendue après l'aval du procureur près la Cour de justice concernant la remise en liberté d'employés subalternes et d'ouvriers du port. 

Les photos des 10 pompiers tués lors des explosions du 4 août, accrochée sur un camion. Photo João Sousa

Des familles de pompiers et civils tués dans la double explosion du 4 août au port de Beyrouth ont déclaré mercredi que la "période de grâce" accordée à la justice pour faire la vérité sur ce drame a "expiré", déplorant que l'enquête du juge Tarek Bitar n'ait pas encore donné de résultats, quatre mois après sa nomination comme juge d'instruction près la Cour de justice. 

"Nous avons attendu quatre mois pour que les personnes impliquées commencent à rendre des comptes mais, malheureusement, nous n'avons vu aucun résultat jusqu'à présent et les promesses n'ont pas été tenues", ont indiqué les familles des victimes dans un communiqué. "L'origine du nitrate" d'ammonium qui a explosé et qui était resté stocké des années sans mesure de sécurité dans le port "est connue, tout comme le pays qui l'a importé", ont-elles ajouté. "Le nitrate est un explosif et il ne s'agit pas d'un produit courant. Où sont les responsabilités au niveau de la justice et des appareils sécuritaires ?", se sont-ils interrogés. Ces derniers mois, les noms de deux hommes d’affaires syriens proches du régime de Bachar el-Assad avaient été cités dans l'affaire de l’importation du nitrate d’ammonium au Liban. 

Pour mémoire

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Les proches des victimes ont encore reproché au barreau de Beyrouth, qui s'occupe normalement de la défense des familles de victimes, la grève qui est observée par les avocats depuis mai, et qui a eu, selon eux pour conséquences d'avoir "arrêté l'instruction et empêché les mises en accusation et l'arrestation des personnes impliquées". Ils ont critiqué le fait que des "fonctionnaires et ouvriers" aient été arrêtés pour "distraire l'opinion publique" et éviter de "s'approcher de responsables sécuritaires, politiques et judiciaires". "Nous nous sommes tus pendant des mois mais nous ne garderons plus le silence. La période de grâce a expiré et nous ne permettrons pas que nos martyrs soient tués deux fois", ont averti les familles.

Plus de dix mois après la tragédie, l'enquête n'a encore donné aucun résultat, au grand dam des familles des victimes, sur fond d'interférences politiques. Plusieurs responsables, notamment le Premier ministre sortant Hassane Diab, et les ex-ministres et députés Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil avaient été inculpés pour négligence par le juge Fadi Sawan, qui avait alors été écarté de l'enquête puis remplacé par le juge Bitar. Face à ces ingérences et aux "failles" de l'instruction locale, des dizaines d’organisations, ainsi que des survivants et proches de victimes ont envoyé mi-juin une lettre au Conseil des droits de l’homme de l’ONU afin de réclamer qu’il se saisisse de l’enquête, dénonçant la "culture d’impunité" dont jouissent les dirigeants libanais.

C'est dans ce contexte que la ministre sortante de la Justice, Marie-Claude Najm, a reçu une délégation de familles de victimes, qui réclament une accélération de l'instruction et l'ouverture d'une enquête internationale. "Toute personne a le droit de demander une commission d'enquête internationale", a assuré la ministre, qui avait elle-même demandé "l'assistance d'experts étrangers" en août 2020, après la double-déflagration meurtrière. "Une coopération judiciaire avec des pays étrangers est en cours, notamment avec la justice française qui a ouvert sa propre enquête car il y a eu des victimes françaises", a-t-elle souligné. "Le pouvoir judiciaire est responsable de mettre au jour la vérité et d'appliquer la loi, afin que justice soit rendue dans le dossier des explosions au port", a jugé Mme Najm, soulignant que son ministère fournissait un appui à l'enquête afin qu'elle aboutisse rapidement à des conclusions, sans toutefois interférer avec le travail du juge ni précipiter les procédures.

Demandes de libération
Plus tôt dans la journée, le procureur général près la Cour de justice, Ghassan Khoury, a statué sur les demandes de libération qui lui avaient été déférées la veille au soir par le juge Tarek Bitar et a donné son accord pour la remise en liberté d'employés subalternes et ouvriers du port mais rejeté celle de hauts fonctionnaires. L'avis du procureur est uniquement consultatif et ce sera donc au juge Bitar de prendre une décision finale concernant ces libérations. L'Agence nationale d'Information (Ani, officielle), ne précise pas les noms des détenus concernés par ces procédures.

En tout, vingt-cinq personnes avaient été arrêtées depuis août 2020 pour leur implication présumée dans la double explosion, qui a fait plus de 200 morts et détruit des quartiers entiers de la capitale libanaise. Six d'entre elles avaient été libérées mi-avril, principalement des employés du port et des officiers subalternes. Restent incarcérés plusieurs hauts-fonctionnaires, comme le directeur général des douanes, Badri Daher, des responsables portuaires, sécuritaires ou des prestataires de services extérieurs, notamment des ouvriers en charge de travaux de réparation du hangar 12, où se trouvaient les matières qui ont explosé.

Dans ce contexte, le juge Tarek Bitar a entendu mercredi trois nouveaux témoins, rapporte l'Ani. Elle indique aussi que le juge devrait entendre, demain jeudi, cinq autres témoins.

Des familles de pompiers et civils tués dans la double explosion du 4 août au port de Beyrouth ont déclaré mercredi que la "période de grâce" accordée à la justice pour faire la vérité sur ce drame a "expiré", déplorant que l'enquête du juge Tarek Bitar n'ait pas encore donné de résultats, quatre mois après sa nomination comme juge d'instruction près la Cour de...

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