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Société - Crise

Des patients qui risquent leur vie, faute de matériel dans les laboratoires...

Les tests sanguins considérés comme essentiels devraient continuer à être subventionnés, assure la présidente du syndicat des biologistes. Sans quoi des malades pourraient voir leur vie mise en danger, faute de diagnostic adéquat.

Des patients qui risquent leur vie, faute de matériel dans les laboratoires...

Les laboratoires libanais en pleine crise, à l’heure où le secteur souffre d’une pénurie de réactifs qui met la santé des patients en danger. Mohammad Azakir/Reuters

Maya a récemment vécu les 48 heures les plus difficiles de sa vie. Sa mère, âgée de 85 ans et en bonne santé jusque-là, a failli souffrir de graves complications la semaine dernière, faute de pouvoir passer certains tests au laboratoire. Prise de malaises soudains, la vieille dame se rend chez le médecin qui diagnostique une inflammation artérielle pouvant conduire à de sérieux troubles de la vision si elle n’est pas traitée à temps. Sauf que pour confirmer son diagnostic, le médecin doit lui faire passer des tests sanguins, dont les réactifs sont désormais introuvables dans le pays, en raison de la crise économique et du manque de fonds pour les importations en dollar, dues aux dernières décisions de la banque centrale. « Le médecin était furieux lorsque l’hôpital lui a dit qu’il ne pourrait pas effectuer les tests. Mais il a eu la présence d’esprit de commencer un traitement préventif pour ma mère, confie Maya à L’Orient-Le Jour. Ce n’est que deux jours plus tard que l’hôpital a pu faire passer des tests sanguins à ma mère et confirmer le diagnostic. Si le médecin avait attendu tout ce temps avant de la soigner, elle aurait pu développer une hémiplégie ou perdre la vie si sa situation s’était dégradée. » Et Maya d’ajouter : « La situation est horrible et je pense que ça va empirer. Désormais, si on tombe malade, on n’est même pas sûr de pouvoir se faire traiter au Liban. »

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Ce constat a été corroboré ces derniers jours par les annonces effectuées par différents hôpitaux et laboratoires du pays, qui souffrent d’une pénurie des kits d’analyse. Parmi eux, l’hôpital al-Makassed ou encore le centre médical Bellevue qui ont annoncé sur les réseaux sociaux qu’ils ne recevraient plus de patients externes dans leurs laboratoires, par manque de réactifs, et jusqu’à nouvel ordre. L’Hôtel-Dieu de France, qui avait annoncé interrompre l’accueil de patients externes dans son laboratoire le 2 juin, a finalement repris ses activités hier. Une pratique qui permet certes aux laboratoires de préserver les kits qui leur restent pour les cas qui s’avéreraient urgents mais qui n’est pas complètement dépourvue de risques. L’incapacité de certains patients à se faire rapidement tester pourrait retarder l’établissement de diagnostics importants et mettre ainsi leur vie en danger.

La BDL mise en cause

La pénurie de kits et de matériel de laboratoire est à relier, tout comme la majeure partie des pénuries que connaît le pays dernièrement, aux dernières restrictions mises en place par la Banque du Liban (BDL). Depuis quelques semaines, la BDL, qui subventionne les achats de matériel médical à l’étranger, impose aux commerçants d’obtenir une approbation préalable pour toute opération d’importation, au risque de ne pas être remboursés. « Lors de l’importation de produits subventionnés, la BDL rembourse 85 % du montant réglé en dollars, au taux de 1 507,5 LL pour un dollar. Le reste de la facture est couvert par les importateurs avec des “dollars frais”, ou par le biais de chèques en dollars (dollars libanais coincés dans les banques, NDLR) dans certains cas», rappelle Myrna Germanos, présidente du syndicat des biologistes du Liban. « Malgré la crise, les importateurs étaient plus ou moins rassurés par ce processus, jusqu’à la dernière décision de la BDL, qu’ils ont interprétée comme un signe que la banque centrale n’avait plus d’argent pour les rembourser », ajoute-t-elle. « Si les fournisseurs libèrent les kits déjà achetés sans approbation préalable de la BDL et les vendent au taux de 1 507,5 LL, sans garantie de remboursement par la banque centrale, ils risquent de perdre des millions de dollars », souligne Mme Germanos qui ajoute que « les laboratoires n’arrivent plus à suivre ». En attendant un déblocage de la situation, « tous les hôpitaux gardent des tests pour les cas urgents, avec priorité pour les patients qui doivent être admis à l’hôpital », selon la présidente du syndicat des biologistes. « Lorsque les gens ont appris que le pays pourrait se trouver à court de réactifs, ils se sont rués sur les laboratoires pour se faire tester à titre préventif. Ils ont ainsi contribué à l’épuisement des kits », poursuit Mme Germanos. Elle révèle par ailleurs à L’OLJ que le ministre de la Santé, Hamad Hassan, a promis lors d’une réunion vendredi dernier avec de nombreux professionnels du secteur de la santé que « les réactifs considérés comme essentiels continueront d’être subventionnés, notamment ceux utilisés pour mesurer les taux de créatinine, de protéine C-réactive ou les enzymes cardiaques ».

Faire la tournée des labos...

Micheline, dont la mère âgée de 84 ans souffre d’une maladie chronique, a connu pour sa part un vrai parcours du combattant ces derniers jours, afin de pouvoir réaliser les tests requis pour sa mère, dont plusieurs examens de sang. L’octogénaire a finalement réussi à effectuer l’un des tests sanguins à l’hôpital dans lequel elle est suivie depuis des années, mais à des sommes exorbitantes. « Lorsque le médecin a ajouté un nouveau test sanguin à la liste, j’ai décidé d’emmener ma mère dans un autre laboratoire pour faire des économies. J’ai dû faire la tournée des labos pour trouver un établissement qui avait les réactifs nécessaires », raconte Micheline à L’OLJ. « La situation est inacceptable et je suis furieuse et dégoûtée du pays. Je reste ici pour ma mère, sinon je serais partie depuis longtemps », lâche-t-elle. Marie, 75 ans, a quant à elle renoncé à effectuer ses tests sanguins de routine, malgré le fait qu’elle souffre d’un cancer. « On m’a dit qu’il n’y avait plus de kits et que je devais attendre. Je ne veux même plus faire de tests », lance-t-elle, résignée. Face à la situation, elle a finalement décidé de voyager chez son fils installé à l’étranger, dans l’espoir de se faire traiter sans encombre.

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Interrogé par L’OLJ, Fady Hobeiche, chef du laboratoire de l’hôpital Jeitaoui, reconnaît que « le système de santé ne fonctionne plus comme il devrait ». « La situation va de mal en pis pour les réactifs sanguins. La nouvelle procédure de la BDL est en cause », explique-t-il. « Nous avons arrêté de faire certains tests à l’hôpital Jeitaoui, à défaut de kits disponibles. Nous trions désormais les patients externes, selon l’urgence des tests qu’ils doivent passer, tandis que d’autres hôpitaux ont tout simplement arrêté de les recevoir. Nous laissons des réactifs de côté pour les malades hospitalisés. Ceux qui ne sont pas dans des situations urgentes devront malheureusement attendre avant d’effectuer leurs analyses », révèle le Dr Hobeiche. « Les laboratoires sont la pierre angulaire du système, on ne peut pas faire de chirurgie ou confirmer un diagnostic sans tests », fait-il remarquer. « La pénurie au niveau des kits pose un grand risque pour le système sanitaire. Nous pourrions obtenir des réactifs cette semaine, mais ils seront sans doute payés aux taux du dollar sur le marché noir, ce qui se répercutera sur le malade qui va devoir débourser beaucoup plus », prévient-il.


Maya a récemment vécu les 48 heures les plus difficiles de sa vie. Sa mère, âgée de 85 ans et en bonne santé jusque-là, a failli souffrir de graves complications la semaine dernière, faute de pouvoir passer certains tests au laboratoire. Prise de malaises soudains, la vieille dame se rend chez le médecin qui diagnostique une inflammation artérielle pouvant conduire à de sérieux...

commentaires (2)

Eh ben c'est de pire en pire, t'as pas intérêt a tomber malade!

camel

17 h 41, le 08 juin 2021

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Eh ben c'est de pire en pire, t'as pas intérêt a tomber malade!

    camel

    17 h 41, le 08 juin 2021

  • Mais c’est tout le secteur de la Santé qui est en danger. La destruction systématique de tous les secteurs d’activité du pays engagée depuis fort longtemps continue son œuvre sans que personne ne songe à l’arrêter. Bientôt nous ressemblerons au dernier pays du quart monde où un très petit pourcentage de la population possède tout et le reste de la population peut a peine se nourrir. Déjà on ne peut plus entretenir nos voitures, ni réparer notre électroménager, ni acheter les produits auxquels on était habitué, ni acheter des habits, ni acheter des livres ou des revues, ni acheter des carburants sans faire d’immenses queues, ni acheter des médicaments sans faire 20 pharmacies au moins et j’en passe. De notre vivant on n’aura jamais connu pires humiliations. Heureusement qu’on a un régime fort dirigé par le plus fort de sa communauté, qu’est ce que ça serait si on avait un régime faible.

    Lecteur excédé par la censure

    15 h 11, le 08 juin 2021

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