Le directeur de l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri de Beyrouth, le Dr Firas Abiad, a affirmé samedi que les pénuries d'équipements médicaux affectent désormais les services de santé de base et que les patients seront les premiers à en pâtir, alors que le Liban est en proie à une crise économique et sociale sans précédent.
"L'absence de clarté et les hésitations sur la politique de subvention des équipements médicaux ont entraîné de graves pénuries dans les hôpitaux. Même les services médicaux de base sont désormais touchés", a-t-il affirmé, mettant en garde contre des conséquences dramatiques. "Ce sont les patients qui en souffriront le plus. Les pénuries affecteront la qualité des soins et pourraient mettre en danger la santé des patients", a estimé M. Abiad, indiquant que "la plupart des fournitures médicales dans les hôpitaux sont importées, si bien que les carences affectent tous les niveaux de soins".
La Banque du Liban subventionne depuis le début de la crise économique et financière (octobre 2019) les importations de plusieurs catégories de produits de première nécessité, notamment les médicaments et le matériel médical. Mais depuis début mai, les pharmaciens font face à de nombreuses restrictions en raison d’un changement au niveau de la procédure mise en place par la BDL, qui bloque la distribution de médicaments, même si ceux-ci sont disponibles auprès des importateurs. Hier, le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, a affirmé que la pénurie des médicaments devrait être réglée "d'ici une semaine".
Ruine financière
Le Dr Abiad a également déploré le fait que cette situation engendre frustration et démoralisation pour les médecins et les infirmières. "Cette pression supplémentaire rend l'émigration plus attrayante. Le manque de personnel aggravera le problème", a-t-il averti, alors que de nombreux soignants choisissent de partir pour tenter leur chance à l'étranger, privant le Liban de leurs compétences.
"Les hôpitaux sont proches de la ruine financière. La solution est de demander aux patients de payer plus cher pour combler l'écart. Or, la plupart des patients n'ont pas l'argent nécessaire ou ne peuvent pas accéder à leur argent. C'est un cercle vicieux", a enfin déploré M. Abiad, mettant en lumière les conséquences de la dépréciation de la monnaie locale sur la santé économique des hôpitaux, alors que plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.
"Menace d'une grève générale"
Pour sa part, le président de l'Ordre des médecins, Charaf Abou Charaf, a dénoncé samedi le retard dans le paiement des montants dus aux médecins et agité la menace d'une grève générale, alors qu'un sit-in de médecins de la Békaa s'est tenu aujourd'hui à Zahlé.
"Ces montants impayés relèvent du droit des médecins qui travaillent en échange de maigres honoraires, payés un ou deux ans après, ce qui fait qu'ils travaillent presque gratuitement. Cela ne les motive pas à rester et pousse ceux qui en ont la possibilité à émigrer", a-t-il déploré dans un communiqué. "Le syndicat appelle depuis des années à augmenter les honoraires et à les lier à l'indice du coût de la vie, ainsi qu'à rémunérer directement le médecin et non par l'intermédiaire de l'hôpital, près de trois mois après l'acte", a rappelé le médecin.
"Si les choses continuent ainsi, les médecins cesseront de travailler et émigreront", a mis en garde le Dr Abou Charaf. Il a également déploré l'absence de loi pour protéger les praticiens en cas de violences et réclamé l'intervention de l'État.
Au cours des derniers mois, plusieurs médecins, soignants ou personnels hospitaliers ont été agressés dans des établissements dans plusieurs régions du Liban, provoquant l'indignation du secteur médical. Début mai, un médecin s'est fait agresser et menacer avec une arme à feu à l'intérieur de l'Hôtel Dieu de France, après une dispute avec un patient et sa famille.
commentaires (4)
Le secteur médical va être détruit comme tous les autres secteurs au Liban. Le plan de destruction systématique de ce qui a fait la richesse et la gloire des libanais est en cours de destruction méthodique, par qui ? J’ai mon opinion, mais je ne l’écrirai de crainte des représailles sauvages des auteurs de cette destruction et aussi car je serai sans doute censuré. Nous avons encore au Liban la Liberté de penser mais plus du tout la Liberté de nous exprimer clairement
Lecteur excédé par la censure
07 h 54, le 06 juin 2021