Ces montants en dollars frais (par opposition aux devises bloquées dans les banques depuis la fin de l’été 2019, dites « dollars libanais ») seront déboursés, selon le communiqué, depuis les comptes des banques auprès de leurs banques correspondantes à l’étranger. En effet, la BDL avait déjà exigé de ces établissements qu’ils placent un montant équivalant à 3 % de leurs dépôts en devises à fin juillet 2020, via la circulaire n° 154 publiée fin août de la même année. En juillet 2020, les banques libanaises possédaient 143,3 milliards de dollars de dépôts, dont 114,9 milliards de dollars en devises. La liquidité de 3 % était alors équivalente à 3,45 milliards de dollars frais. La BDL précise que cette opération nécessitera entre « 1 et 1,2 milliard de dollars la première année », sans préciser de date butoir pour cette opération bien que, selon nos calculs, elle devrait durer un peu plus de cinq ans en se basant sur le projet annoncé début mai permettant de retirer 25 000 dollars frais et son équivalant en livres au taux du marché (soit 50 000 dollars au total).
En parallèle, les banques pourront retirer auprès de la banque centrale le même montant en ponctionnant dans les réserves obligatoires en devises dont le ratio passera de 15 % des dépôts à 14 %. Le Premier ministre sortant, Hassane Diab, avait annoncé en mars à la presse étrangère que le montant des réserves obligatoires s’élevait à 15 milliards de dollars. Cette baisse de ratio porte donc les réserves obligatoires à 14 milliards de dollars. Un montant qui pose question, comme l’a souligné l’avocat Fouad Debs, cofondateur de l’Union des déposants – une ONG locale luttant pour les droits des déposants depuis le début de la crise. En effet, la BDL ne publie pas en temps réel les données relatives aux montants des dépôts bancaires.
La BDL indique également que cette décision augmentera la masse monétaire en livres entre 26 000 et 27 000 milliards de livres en un an, selon ses calculs. Or cette hausse provoquera inévitablement une plus forte dépréciation de la livre, actuellement de 88,75 % et qui s’échangeait vendredi au taux de 13 400 livres pour un dollar sur le marché parallèle (contre la parité officielle à 1 507,5 livres). L’agrégat M1 de la masse monétaire (les espèces en livres et les comptes en livres à vue) a déjà atteint 46 753 milliards de livres à fin mars 2021, soit une augmentation de 113,2 % en glissement annuel. Le communiqué signale aussi que les montants totaux des comptes de « 800 000 clients » seront soldés dès la première année, soit « 70 % » des comptes des déposants. La BDL avait indiqué à L’Orient-Le Jour cette semaine que le nombre des comptes en « dollars libanais » était supérieur à un million.
Les réponses de l’ABL
Cette décision de la BDL fait office d’avertissement à l’encontre des banques nationales qui risquent de ne pas s’y conformer, sans donner plus de détails. Le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, avait indiqué fin août dernier à la presse que les banques ne respectant pas à fin février dernier la circulaire n° 154 (liquidité de 3 % et augmentation du capital de 20 % par rapport à leur niveau à fin 2018) sortiront du marché. Pour autant, l’opération avait été effectuée « comme requis » par le secteur bancaire, selon Riad Salamé, interrogé par la presse étrangère mi-avril. Cette circulaire devait servir de base pour la future restructuration bancaire, nécessaire à une sortie de crise socio-économique et financière dans laquelle le Liban s’enfonce depuis près de deux ans, qualifiée telle l’une des pires crises de l’histoire récente par la Banque mondiale cette semaine.
Toutefois, l’Association des banques au Liban (ABL) avait déjà pris les devants la veille en envoyant un courrier à la BDL, dans lequel elle statuait sur « l’incapacité » du secteur bancaire à fournir « n’importe quel montant en espèces en devises ». Dans cette missive, l’ABL a également souligné « l’impossibilité » de permettre ces retraits sans d’abord abaisser les réserves obligatoires de la BDL, qualifiant ces dernières de « garantie de l’argent des déposants auquel il faudrait avoir recours lors des crises et des cas urgents comme c’est le cas actuellement au Liban ». Cependant, ni le Code de la monnaie et du crédit (CMC), ni la Banque des règlements internationaux (BRI, considérée comme la banque centrale des banques centrales) n’expliquent comment utiliser ces réserves obligatoires. De surcroît, les banques précisent qu’elles devaient un milliard de dollars à fin mars 2021 à leurs banques correspondantes, leurs soldes y étant négatifs.
Cependant, le communiqué de la BDL précise que l’argent payé aux déposants proviendra des comptes des banques auprès de leurs banques correspondantes et non des réserves obligatoires comme l’ABL l’avait demandé, faisant planer le doute sur la réalisation de cette mesure. Cette lettre de l’ABL fait référence au projet de la BDL de « rembourser » les dépôts en devises de certains clients dont les dépôts sont inférieurs à 50 000 dollars, affirmant que ces derniers représentent environ « 1 million de comptes ». Son but est de réactiver la « confiance » vis-à-vis du secteur bancaire selon les propos du gouverneur de la BDL, Riad Salamé, accordés à la presse saoudienne la semaine dernière. Le soir même, le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, avait exprimé son scepticisme à la télévision libanaise quant à la faisabilité de cette mesure.
Enfin, l’ABL a appelé au vote d’une loi sur le contrôle des capitaux sur laquelle la commission parlementaire des Finances et du Budget travaille depuis plusieurs semaines et dont le président, le député Ibrahim Kanaan, devrait présenter lundi les grandes lignes lors d’une conférence de presse.
Suite au communiqué de la banque centrale, l’ABL en a elle aussi publié un, y indiquant sa bonne volonté de coopérer « lorsque c’est dans l’intérêt général ». Une source bancaire interrogée par L’Orient-Le Jour a toutefois qualifié cette réponse de « très floue », indiquant que l’ABL pourrait jouer sur l’expression « intérêt général » afin de ne pas appliquer cette mesure étant donné le risque élevé de dépréciation de la livre en conséquence. Selon cette source, l’ambiance générale du secteur bancaire, fermé au moment de la publication du communiqué de la BDL, serait de suivre le premier courrier de l’ABL publié jeudi, autrement dit de ne pas s’y conformer. Cependant, elle concède que si la BDL publie une circulaire, le secteur bancaire y sera obligé.
Une mesure « illégale »
Selon Me Fouad Debs, « cette mesure est illégale », étant donné les différences entre le taux accordé par la BDL et celui du marché parallèle. L’avocat de l’Union des déposants souligne également la dangerosité de la sortie de 800 000 personnes du secteur bancaire qui aggraverait la paupérisation du Liban. En 2017, la Banque mondiale avait estimé que plus de la moitié de la population libanaise ne possédait déjà pas de comptes bancaires. Qualifiant les sommes d’argent mentionnées dans le communiqué « d’argent de poche pour la consommation des Libanais », cette mesure risquerait pour lui d’atténuer pour ces personnes les conséquences de la levée des subventions, suite à la baisse des réserves de la BDL.
En effet, depuis octobre 2019, la BDL octroie une partie des devises nécessaires aux importations de produits de première nécessité (médicaments, équipement médical, carburant et blé) au taux officiel, ainsi qu’un panier alimentaire depuis mai 2020 au taux de 3 900, qui ont fait fondre les réserves de devises de l’institution financière. Le montant des réserves s’approche ainsi de plus en plus de celles des réserves obligatoires considérées par plusieurs observateurs, dont l’Union des déposants, comme l’argent des Libanais à ne pas toucher. Or le gouvernement sortant a déjà indiqué la possibilité de l’utilisation de ces réserves pour financer une carte d’approvisionnement qui remplacerait les mécanismes de subvention. La semaine passée également, la BDL avait annoncé qu’elle ne pourrait pas payer toutes les importations médicales sauf si le gouvernement acceptait l’utilisation des réserves obligatoires.
Le taux de vente des dollars via Sayrafa fixé à 12 120 livres
La Banque du Liban (BDL) a annoncé dans un communiqué hier le lancement de la troisième salve de vente de dollars aux banques libanaises inscrites sur la plateforme de change Sayrafa, qui pourront également revendre leurs dollars au taux de 12 120 livres, soit une commission de 1 % pour chaque dollar vendu, une nouveauté par rapport aux deux semaines précédentes. Le taux de change entre la BDL et les banques reste, quant à lui, inchangé, à 12 000 livres pour un dollar, en deçà du taux sur le marché parallèle, qui flirtait hier autour des 13 500 livres pour le billet vert.
Selon la BDL, les clients qui désirent exécuter des transferts en dollars via la plateforme doivent remettre en espèces les sommes à convertir entre le lundi 7 juin et le mercredi 9 juin prochain pour un paiement effectif aux banques correspondantes le jeudi 10 juin.
La semaine dernière, une source bancaire avait indiqué à L’Orient-Le Jour que les principaux bénéficiaires de ce mécanisme étaient les importateurs de biens non subventionnés. Plusieurs banques attendaient d’ailleurs certaines clarifications de la part de la BDL.
Cependant, et pour la troisième semaine consécutive, le communiqué de la BDL ne mentionne par les retraits en devises. Pourtant, début mai, les circulaires numéros 157, 582 et 583, ayant fixé les nouvelles règles de fonctionnement de la plateforme, prévoyaient la possibilité de faire des transferts mais aussi des retraits.
Autre nouveauté, le communiqué de la BDL mentionne le volume des transactions. « L’ensemble des opérations pour la semaine est de 10 millions de dollars à un taux moyen de 12 200 livres le dollar », peut-on lire dans le communiqué. Contactée, la BDL a indiqué que ce taux moyen inclut également les transactions effectuées sur Sayrafa à travers les bureaux de change.
Le communiqué indique enfin que la Commission de contrôle des banques est chargée de « s’assurer que les changeurs respectent » les circulaires émises par la banque centrale. Ils ont été les premiers à bénéficier de cette plateforme déployée en juin 2020, dont le but est de renforcer la transparence sur le marché parallèle. Mais son lancement s’était soldé par un échec retentissant, notamment parce que seules certaines transactions y étaient autorisées.
On se demande quelle sera la réaction des libanais lésés et dépouillés si cette décision sera approuvée par les partenaires des voleurs qui jusqu’à présent n’ont pas omis le moindre son de protestation sur toutes les magouilles qui anéantisse le peuple? On aurait eu un soupçon d’espoir si la justice était propre et au dessus de tous actes mafieux parce que son rôle aurait été d’interpeller tous ces voleurs et de les questionner sur le rôle qu’ils ont joué pour arriver à ce désastre jamais connu au monde. Mais hélas ils ont tous trempé là dedans d’une façon ou d’une autre et se retrouvent acculés à garder le silence et ne peuvent même pas bouger le petit doigt sans être condamnés à leur tour. Voilà le problème de ce pays. Sans justice il n’y a pas de nation, et on en est là.
13 h 57, le 06 juin 2021