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Société - Reportage

Pendant 24 heures, les « lollarisés » dans tous leurs états

Les Libanais sont dans le flou après la suspension puis la remise en place du taux à 3 900 LL instauré par la circulaire 151.

Pendant 24 heures, les « lollarisés » dans tous leurs états

Des gens attendent devant un distributeur pour retirer leur argent à Beyrouth. 2 juin, 2021. Mohammad Azakir/Reuters

Après la queue aux stations d’essence, c’est au tour des automates et des comptoirs de banque. Les Libanais se sont précipités, entre mercredi soir et jeudi matin, pour retirer de l’argent de leurs comptes en « lollars », selon la limite autorisée. Des scènes qui rappellent les premiers jours de la crise économique et financière qui frappe le pays de plein fouet. Pendant 24 heures, les « lollarisés » sont passés par tous les états : panique, colère, urgence et résignation. Une petite partie de la population vit essentiellement de cela. La Banque du Liban avait annoncé mercredi la suspension de la circulaire 151 qui permet de retirer les dollars bloqués dans les banques au taux de 3 900 livres. Une décision prise après une ordonnance, lundi, du Conseil d’État. Quelques heures plus tard, la circulaire était à nouveau en vigueur.

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Mais entre-temps, et comme d’habitude au pays du Cèdre, les Libanais ont été les principaux figurants de cette tragi-comédie. « Va retirer ton argent », lance une dame au téléphone à sa nièce dans la banlieue sud. « Il est de nouveau à 1 500 », insiste-t-elle pour souligner l’urgence de la situation. Devant chaque ATM, une file indienne. Au centre-ville, après avoir introduit sa carte, un vieux monsieur met ses mains sur sa tête en signe de désespoir. Pas d’argent. Une femme qui attend en face d’un distributeur, téléphone à la main, immortalise une situation de déjà-vu. Les plus en rogne ont décidé, dans la soirée, de bloquer les routes du Ring Fouad Chéhab et de Jal el-Dib avec des voitures ou des pneus brûlés. « Bien sûr que j’ai paniqué. Quand j’ai commencé à entendre les rumeurs, j’ai essayé de tout faire pour retirer tout mon argent... Khalas, même si c’est revenu à 3 900, je vais tout retirer, c’en est trop », raconte Layale*, la quarantaine, qui ne décolère pas. Les réactions dans la rue ne manquent pas, et c’est la classe dirigeante qui en fait les frais. Certains font toutefois le choix de ne pas retirer leurs « lollars ». Georges* a plus de soixante-dix ans. Il se tient devant un ATM près de son ami et range sa liasse de billets. Il a l’habitude de retirer une petite somme de ses « lollars » pour pouvoir finir le mois car son salaire en livres libanaises ne suffit plus. « Je ne compte pas les retirer à ce taux-là, je préfère les laisser : soit ils disparaissent complètement, soit une solution sera trouvée », dit-il. « Avons-nous un autre choix ? » s’énerve son ami.

« Mais s’ils le remettent à 1 500, je vais les tuer. Je dois manger », dit Georges en sortant de ses gonds. Officiellement, le dollar est toujours au taux de 1 500. Les banques, chacune selon une limite, autorisent les dépositaires dont les dollars sont bloqués à les retirer au taux de 3 900, une décision adoptée en avril 2020. « Ce sont tous des voleurs », résume-t-il. Une autre femme, de la même tranche d’âge et qui a opté pour la même méthode, ajoute : « Malgré tout ce qui s’est passé au Liban, je n’ai pas vu pire. » Christine, 61 ans, n’était pas en colère hier, mais complètement désespérée. « C’est fini le Liban », s’attriste-t-elle. « Je n’ai jamais senti ce que j’ai vécu hier, le désespoir et le dégoût. Je suis rassurée bien sûr de ce revirement de situation, mais je fais partie d’une minorité de gens, le reste n’a pas de compte en lollars, pour eux j’ai encore plus de peine », poursuit-elle en rappelant que cette situation concerne uniquement une partie de la population. Plus d’un million de comptes serait en « lollars », mais plus de la moitié de la population ne possède même pas de comptes bancaires. « Je n’ai pas de dollars, au moins un problème qui ne m’inquiète pas dans ce pays », lance une femme, la quarantaine, qui rit de la situation devant son lieu de travail.

« Je n’en peux plus d’eux »

Pas de panique pour Sirine*, mais de la rage. « Je ne vais pas me calmer de sitôt. » Le revirement de situation fait planer le doute mais ne parvient pas à rassurer les gens. « Je n’en peux plus d’eux, j’en ai marre. Je ne veux même pas en parler », dit une commerçante à Mar Mikhaël complètement dépitée de cette classe dirigeante, une heure après l’annonce du retour à 3 900 à la suite de la réunion « judiciaro-financière » à Baabda. « Pour moi, il était évident que c’est un jeu politique, mais franchement je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi ridicule », martèle Rania, qui travaille dans l’immobilier. Elle fait référence à la réunion qui a eu lieu entre le « trio gagnant » (ou pas) du jour : le gouverneur de la BDL Riad Salamé, le président du Conseil d’État Fady Élias et le chef de l’État Michel Aoun. En une réunion, ils ont fait sauter la décision du Conseil d’État comme s’il s’agissait du règlement intérieur d’un club de piscine.

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Un retour à la « normale » pour les « lollarisés » qui génère des commentaires sarcastiques sur les réseaux sociaux : « 70 % de perte de valeur est une bonne affaire maintenant », se moque un internaute, en référence au fait que le retrait à 3 900 implique de facto un haircut de 70 % alors que le dollar s’échange autour des 13 000 LL sur le marché noir. « Ce qui me rend dingue, c’est qu’hier soir, revenir au taux de 3 900 est devenu une demande populaire. Ils jouent avec nos émotions », s’énerve Rania.

* Les prénoms ont été changés.

Après la queue aux stations d’essence, c’est au tour des automates et des comptoirs de banque. Les Libanais se sont précipités, entre mercredi soir et jeudi matin, pour retirer de l’argent de leurs comptes en « lollars », selon la limite autorisée. Des scènes qui rappellent les premiers jours de la crise économique et financière qui frappe le pays de plein fouet. Pendant...
commentaires (4)

Le pays des farceurs et farcis !

Wow

13 h 29, le 04 juin 2021

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Commentaires (4)

  • Le pays des farceurs et farcis !

    Wow

    13 h 29, le 04 juin 2021

  • Il ne sert à rien de faire la queue devant des guichets vides et de s’arracher les cheveux. C’est un mouvement populaire qui doit s’organiser pour les chasser tous du pouvoir sans craindre le pire duquel ils les menacent puisque pire que la situation actuelle n’existe pas. Désobéissance civile, manifestations de tous les libanais dans toutes les régions et marche solidaire et main dans la main de tous les libanais jusqu’aux institutions publiques pour leur montrer que tout cela n’est pas leur propriété mais appartient au peuple. Il se sont appropriés le pays et nos vies sans que personne ne trouve à redire. Cela s’appelle de la dictature et le Liban est un pays démocratique jusqu’à nouvel ordre.

    Sissi zayyat

    11 h 49, le 04 juin 2021

  • "Lollard: Nom donné à des pénitents ou hérétiques du xive s." Grand Larousse...

    Georges MELKI

    11 h 27, le 04 juin 2021

  • Pauvre peuple, on lui crache dessus et il dit qu’il pleut. Pourquoi attendre cette suspension pour réagir. Comme si on avait déjà accepté de perdre 70% de nos avoirs. En quoi le taux de 3,900 est'il avantageux. Ce dernier était acceptable quand le taux réel était aux environs de 6,000LL, maintenant il faudrait distribuer ces Lollard à au moins 8,000LL pour suivre et cela resterait du vol. Et qu’on ne vienne surtout pas me parler du taux de 1,500 j’en ris encore.

    Liban Libre

    01 h 47, le 04 juin 2021

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