
Le président libanais, Michel Aoun (c), lors d'une réunion avec le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé (g), et le président du Conseil d'Etat, Fadi Elias. Photo Twitter/Présidence libanaise
Quelques heures après la suspension mercredi soir de la circulaire n°151 portant sur les retraits de "lollars" à 3.900 livres, une mesure qui a provoqué un tollé et la panique au sein de la population déjà éprouvée par une crise économique aiguë, la Banque du Liban (BDL) a fait marche arrière, allant ainsi à l'encontre d'une décision du Conseil d'Etat.
Ces nouveaux développements sont intervenus après une réunion "juridico-financière" qui s'est tenue ce matin au palais présidentiel de Baabda, sous la houlette du chef de l'Etat, Michel Aoun, en présence du gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, et du président du Conseil d'Etat, le juge Fadi Elias.
Selon un bref communiqué de la présidence,"la circulaire n°151 émise par la BDL reste en vigueur, sachant que la banque centrale n'a pas reçu une copie valable pour exécuter la décision du Conseil d’État en vue de suspendre" le texte en question. Le palais de Baabda a également fait savoir que la BDL a présenté un recours devant le Conseil d'Etat, qui comporte "de nouveaux éléments", afin de le faire revenir sur sa décision.
"Nous n'avons pas publié (mercredi) de circulaire qui annule une circulaire, a expliqué le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, lors d'un bref échange avec les journalistes à sa sortie de la réunion. Nous avons seulement publié une information dans laquelle nous avions exprimé notre respect envers le Conseil d'Etat et la justice". "Aujourd'hui, le juge Elias nous a expliqué que la décision (du CE) pouvait ne pas être appliquée car la notification ne contenait pas de sceau. Et sachant que nous avons présenté un recours (contre la décision), cela nous donne du temps avant de devoir l'appliquer", a-t-il ajouté.
Mercredi soir, la BDL avait pourtant bel et bien annoncé la suspension de l’exécution de la circulaire principale n°151 sur les retraits en "lollars". Publié en mars 2020, ce texte autorisait les banques à décaisser en livres et au taux de 3.900 livres pour un dollar des montants limités provenant des dépôts en devises bloqués en raison des restrictions bancaires depuis fin 2019. Ces restrictions n’ont toujours pas été légalisées par le Parlement et sont à l’origine de nombreuses procédures judiciaires lancées par des déposants contre les établissements bancaires.
La décision de la BDL mercredi faisait suite à la suspension ordonnée lundi par le Conseil d’État, saisi d’un recours déposé au printemps par trois avocats contestant cette circulaire. Celle-ci permet selon eux aux banques de se dérober à leur obligation de rembourser les dépôts dans la devise dans laquelle ils ont été effectués, tout en faisant subir une décote à leurs clients. Si le taux de 3.900 livres pour un dollar est supérieur à la parité officielle de 1.507.5 livres, il est aussi largement inférieur à celui du marché parallèle qui flirte cette semaine avec la barre des 13.000 livres.
Il semble donc que face au tollé provoqué par la suspension, le pouvoir politique ait cherché à contrer la décision de la justice.
Riad Salamé a également tenté jeudi de rassurer les déposants. "La BDL n'est pas en banqueroute et l'argent des Libanais se trouve dans les banques. Une circulaire portant sur la restitution de cet argent sera bientôt publiée", a-t-il affirmé, alors que les clients des banques subissent depuis bientôt deux ans des restrictions bancaires aussi sévères qu'illégales, et que les propos du gouverneur ne semblent plus convaincre personne.
La BDL et les banques ont toujours présenté le mécanisme des "lollars" comme un moyen de compenser une partie de la dépréciation de la livre dans un contexte économique et financier désastreux. Les Libanais étaient donc condamnés à attendre l’évolution de la procédure lancée devant le Conseil d’État.
Blocages de routes nocturnes
Excédés par la grave crise socio-économique, des dizaines d'entre eux ont laissé éclaté leur colère dans la rue dès mercredi soir.
Des manifestants en colère bloquant la voie express du Ring, dans la nuit de mercredi à jeudi, après la décision de la Banque du Liban sur les retraits en "lollars". Photo REUTERS/Yara Abi Nader
Selon des images de l'agence Reuters, des dizaines de manifestants ont brièvement bloqué durant la nuit la voie express du "Ring", dans la capitale, à l'aide notamment de pneus et de bennes à ordures en flammes. L'armée est intervenue, mais aucun incident n'a été signalé. Mêmes scènes sur la place Élia à Saïda, au Liban-sud, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
Ces blocages de route sont venus rappeler ceux qui s'étaient produits durant la révolte populaire déclenchée le 17 octobre 2019 contre la classe politique au pouvoir.
Quelques heures après la suspension mercredi soir de la circulaire n°151 portant sur les retraits de "lollars" à 3.900 livres, une mesure qui a provoqué un tollé et la panique au sein de la population déjà éprouvée par une crise économique aiguë, la Banque du Liban (BDL) a fait marche arrière, allant ainsi à l'encontre d'une décision du Conseil d'Etat.Ces nouveaux développements...
commentaires (10)
Quand le "premer magistrat" se permet de fouler aux pieds l'independance du pouvoir judiciaire au mepris de la constutin qu'il avait pourtant jure de defendre..... Et cela pour proteger les crapules bancaires ? HONTE
Michel Trad
20 h 56, le 03 juin 2021