De retour à Beyrouth dans la nuit de dimanche à lundi, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, s’est entretenu avec le président de la Chambre, Nabih Berry, hier à Aïn el-Tiné au sujet du dossier gouvernemental. Une réunion attendue depuis plusieurs jours au cours desquels toute discussion sérieuse en vue de débloquer le processus était suspendue. La machine est donc officiellement remise en marche. Sauf qu’il est encore très prématuré pour évoquer un éventuel dénouement heureux, plusieurs obstacles devant encore être surmontés.
En s’empressant de prendre l’avion pour les Émirats arabes unis à l’issue de la séance parlementaire du 22 mai dernier consacrée à la lecture d’une lettre que le chef de l’État avait adressée à la Chambre pour accélérer la naissance du cabinet, Saad Hariri avait gelé la médiation de Nabih Berry visant à arrondir les angles entre le tandem Baabda-Courant patriotique libre et la Maison du Centre, et irrité le leader chiite. Hier, les deux hommes semblaient avoir tourné la page de cette légère mésentente lors de leur entretien de près de deux heures, qui s’est poursuivi autour d’un déjeuner. Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, Nabih Berry, qui avait exprimé l’appui indéfectible de la Chambre à Saad Hariri, dont le mandat a symboliquement été renouvelé à l’issue de la séance plénière du 22 mai, s’est voulu très clair avec son interlocuteur. Il lui aurait fait comprendre que le pays ne tolère plus d’atermoiements. Une allusion claire au différend politico-personnel qui empêche le président de la République, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné de s’entendre sur la forme et de la composition de la future équipe. Toujours selon Mounir Rabih, le chef du législatif aurait fixé à M. Hariri un délai de « quelques heures » pour décider s’il veut (ou non) former le futur cabinet, conformément à son initiative. M. Berry, fort de l’appui du patriarche maronite Béchara Raï et du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, a remis ces derniers jours sur le tapis la formule de 24 ministres sans tiers de blocage.
Les nœuds qui persistent
D’après notre chroniqueur politique, les discussions entre MM. Hariri et Berry ont abordé l’épineuse question des portefeuilles de l’Intérieur et de la Justice, autour desquels s’écharpent MM. Aoun et Hariri. Ces derniers croisent le fer aussi autour de la partie qui devrait nommer les deux derniers ministres chrétiens dans un cabinet de 24 (répartis à égalité entre chrétiens et musulmans). Dans cette configuration, les douze ministres chrétiens seront en principe répartis comme suit : sept pour le camp du président (dont un relevant du parti Tachnag), deux pour les Marada de Sleiman Frangié et un pour le Parti syrien national social, allié du Hezbollah. Qui doit donc nommer les deux ministres chrétiens restants? Face à un Michel Aoun déterminé à avoir son mot à dire concernant la nomination des ministres chrétiens du fait de la soi-disant absence des partis chrétiens les plus influents (à savoir le CPL de Gebran Bassil et les Forces libanaises de Samir Geagea), Saad Hariri persiste et signe : c’est au Premier ministre désigné que la Constitution confie la tâche de former le gouvernement en concertation avec le chef de l’État. À cela s’ajoute le fait que le leader du courant du Futur veut faire barrage à toute tentative du camp présidentiel de détenir, même implicitement, le tiers de blocage au sein du prochain cabinet. Car en incorporant les deux ministres chrétiens à son lot de sept, et si l’on y ajoute un représentant de Talal Arslane, allié druze de M. Aoun, le camp du président comporterait alors 10 ministres sur 24. De son côté, Baabda veut éviter d’accorder à M. Hariri et ses alliés la majorité absolue en Conseil des ministres. Car en incluant les deux ministres chrétiens à son lot, Saad Hariri obtiendrait, avec le ministre druze relevant du chef du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt, ses trois collègues berrystes et les deux représentants des Marada un total de 13 ministres, soit la moitié plus un dans une équipe de 24.
Dans une tentative de régler ce problème, le Premier ministre désigné et le président du Parlement auraient discuté d’une solution qui consisterait à ce que Michel Aoun, Saad Hariri, Nabih Berry et le patriarche maronite s’accordent ensemble sur les noms des deux futurs ministres. Un autre scénario voudrait que le chef de l’État et le Premier ministre désigné s’entendent seuls sur les deux ministres concernés tout en s’engageant à ne pas les compter comme faisant partie de leur quote-part gouvernementale.
Le bilan de ce long entretien a fait l’objet d’une réunion entre Ali Hassan Khalil, bras droit de Nabih Berry, Hussein Khalil, conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah, Wafic Safa, haut responsable au sein du parti chiite, et Gebran Bassil, au domicile de ce dernier tard en soirée. Selon le site web du CPL, le processus gouvernemental bute encore sur certains obstacles et les discussions devront se poursuivre.
Hariri maintenu à son poste, assurent les ex-PM
En attendant des résultats concrets, les haririens distillent un climat d’optimisme prudent quant à la prochaine phase. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Moustapha Allouche, vice-président du courant du Futur, résume la situation comme suit : « La tenue de la réunion est en soi un point positif, parce que cela veut dire que l’initiative Berry est mise sur les rails. Mais le fait que M. Hariri ne fasse pas de déclaration à la presse montre que rien n’est encore réglé. » « La question maintenant est de savoir si Michel Aoun acceptera qu’aucun camp ne détienne la minorité de blocage au sein du gouvernement », estime M. Allouche. Et de préciser que M. Hariri devrait préparer incessamment une mouture gouvernementale. Il pourrait s’agir d’une version modifiée de la mouture de 18 que le leader sunnite avait présentée au président lors de leur dernière réunion tenue en mars dernier, comme il pourrait s’agir d’une toute nouvelle mouture. Aussi bien les haririens que les anciens Premiers ministres sunnites renvoient la balle du blocage au duo Aoun-Bassil. C’est ce qui ressort de la réunion tenue hier à la Maison du Centre entre M. Hariri et ses collègues Fouad Siniora, Nagib Mikati et Tammam Salam. L’occasion pour les participants de passer en revue les développements gouvernementaux, notamment la réunion de Aïn el-Tiné. « Saad Hariri est déterminé à mener à bien sa mission. Nabih Berry appuie cette prise de position de même que les ex-Premiers ministres », déclare Fouad Siniora à L’OLJ. Comprendre que l’option d’une récusation est actuellement écartée. Et M. Siniora d’ajouter : « Ce qui nous importe le plus, c’est le respect de la Constitution. Et nous sommes contre toutes les tentatives de la violer. » Une pique en direction de Michel Aoun que l’entourage du chef du gouvernement désigné accuse d’« empiéter sur les prérogatives du chef du gouvernement désigné », en exigeant un droit de regard sur les noms des ministres chrétiens.
Pour le moment, le palais présidentiel évite de se prononcer ou de répondre à ces accusations. « Rien de nouveau du côté de la présidence. Nous attendons que Nabih Berry présente au président Aoun un récapitulatif des contacts qu’il a menés », confie un proche du palais présidentiel. Il a assuré que Baabda est favorable à la formation d’un cabinet de 24 ministres sans tiers de blocage tout en soulignant qu’il y a encore des problèmes à régler.
Selon notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, toutes les parties abordent l’initiative Berry comme étant la dernière chance pour parvenir à un cabinet de consensus. Un échec mettrait tous les protagonistes face à l’inévitable : la formation d’un cabinet dont l’unique mission serait de préparer les élections législatives prévues l’année prochaine.
commentaires (9)
Le feu Rahbani avait proposé, il y a des décennies, d'envoyer toute cette clique au pouvoir sur île des plus luxueuses au monde et on leur paierai leur séjour as aeternum, à condition qu'ils nous fou...t la paix... On aurait economiser les milliards, élu des gens qualifiés, éviter ces réunions et discussions mesquines destinées à nous dérober nos vies, et finalement on aurait sûrement un gouvernement respecté par le peuple et par le monde... Oui mais... voilà que les syriens se sont pointés suivis des iraniens qui eux sont accompagnés de la misère! On finit à partager dans la .....
Wlek Sanferlou
23 h 02, le 01 juin 2021