Rechercher
Rechercher

Société - Affaire Lokman Slim

Oueidate chercherait à retirer le dossier des mains de juges sous influence

Le procureur général a demandé que l’enquête sur l’assassinat de l’intellectuel chiite soit transférée du Liban-Sud à Beyrouth. En parallèle, des rapporteurs internationaux de l’ONU réitèrent leur demande d’investigations indépendantes.

Oueidate chercherait à retirer le dossier des mains de juges sous influence

En hommage à Lokman Slim, des militants de la société civile ont remis hier à la mère et à la sœur de l’intellectuel une plaque commémorative. Photo DR

Près de quatre mois après le meurtre de Lokman Slim, farouche opposant au Hezbollah et militant en faveur de la laïcité et de la démocratie, sa famille ainsi que l’opinion publique ne savent toujours rien sur les circonstances du drame et de l’identité des assassins. Le chercheur et activiste ayant été tué le 4 février dans un village du caza de Zahrani au Liban-Sud, l’enquête avait été prise en charge par le procureur près la cour d’appel du Liban-Sud, Rahif Ramadan (proche du chef du Parlement, Nabih Berry, allié du Hezbollah), qui l’a ensuite déférée au juge d’instruction du Liban-Sud, Marcel Haddad, après avoir engagé des poursuites contre inconnus.Mais la semaine dernière, le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, a demandé à la chambre pénale de la Cour de cassation le transfert du dossier à un juge d’instruction à Beyrouth. La loi donne à la chambre pénale la prérogative de décider de l’opportunité de dessaisir un juge d’une affaire et de la transmettre à un autre lorsqu’il s’agit notamment de sécurité publique ou de suspicion légitime.

Selon plusieurs observateurs, la démarche de M. Oueidate serait motivée par son souci de préserver la sécurité publique et sa volonté de faire mener des investigations à l’écart de pressions probablement exercées sur les magistrats dans une région contrôlée par le Hezbollah. Pour que le dossier de l’enquête soit instruit à Beyrouth, il faut toutefois qu’une décision en ce sens soit prise par la Cour de cassation, ce qui n’a pas encore été fait à ce jour.Joint par L’Orient-Le jour, Moussa Khoury, avocat de la famille Slim, affirme que lorsque le dossier sera entre les mains du juge d’instruction, il pourra avoir accès aux informations de l’enquête. « Lors des investigations préliminaires menées par les services sécuritaires sous la coupe du procureur près la cour d’appel, l’accès au dossier peut être interdit », explique-t-il, soulignant que la loi lui permet de consulter les éléments de l’enquête contenus dans le dossier lorsque celui-ci sera en phase d’instruction.

Reddition de comptes

En parallèle, mandatés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, quatre rapporteurs internationaux spécialisés notamment dans la défense des libertés publiques et de l’indépendance judiciaire ont publié tout récemment sur un site électronique onusien une lettre qu’ils ont adressée le 16 mars aux responsables libanais, dans laquelle ils les exhortaient à mener des investigations « crédibles et efficaces, indépendantes et impartiales », pour identifier les assassins de Slim. Au sujet de cette missive, Me Khoury affirme qu’« elle avait été envoyée à l’ambassade libanaise à Genève, qui l’a adressée au ministère libanais des Affaires étrangères, qui à son tour l’a transmise à la ministre de la Justice Marie-Claude Najm, laquelle l’a communiquée aux autorités judiciaires ».L’initiative de rendre récemment publique cette lettre s’expliquerait par le fait que les experts estiment que deux mois après qu’ils eurent interpellé les autorités, la vérité n’est toujours pas connue. « Les enquêtes sur les meurtres doivent être menées conformément aux normes internationales (…) et viser à traduire en justice les responsables (…), de sorte à prévenir l’impunité », martèlent ces rapporteurs internationaux dans leur missive, soulignant que « les États doivent divulguer les éléments de l’enquête aux proches parents de la victime (…) et rendre publiques des informations sur les conclusions et recommandations découlant des investigations ». « Veuillez indiquer si l’enquête menée a abouti à des résultats quant à l’établissement de la vérité et à une reddition de comptes. Si cette enquête n’est pas concluante, veuillez indiquer pourquoi et expliquer quelles mesures ont été adoptées ou sont envisagées pour surmonter tout obstacle à son efficacité (…) », demandent-ils aux responsables libanais.

Lire aussi

Trois rapporteurs du Conseil des droits de l’homme vont enquêter sur l’assassinat de Lokman Slim

Dans cette lettre, les rapporteurs mettent l’accent sur la nécessité pour l’État de « fournir les garanties permettant aux procureurs de remplir leur rôle d’une manière objective, indépendante et impartiale », lui demandant de « veiller à ce que les procureurs rendent des comptes dans l’exécution de leurs fonctions ».

Lien avec la double explosion au port ?

Par ailleurs, les rapporteurs internationaux demandent aux responsables de se pencher, lors de l’enquête, sur la possibilité d’un lien entre l’assassinat de l’intellectuel chiite et la double explosion au port de Beyrouth. « Veuillez vous assurer que toute relation présumée entre l’explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020 et l’assassinat de M. Slim fait l’objet d’une enquête approfondie », réclament-ils. L’une des thèses qui avaient été évoquées après l’assassinat de Lokman Slim fait le lien entre sa mort et d’éventuelles informations qu’il aurait détenues sur les responsables du cataclysme survenu dans la capitale. Lors d’une cérémonie tenue hier à la mémoire de Lokman Slim dans sa maison familiale (banlieue sud de Beyrouth), des membres de la société civile qui militaient à ses côtés ont d’ailleurs évoqué ses propos recueillis lors d’un entretien médiatisé, selon lesquels le nitrate d’ammonium à l’origine de la double déflagration aurait été aussi utilisé par le régime syrien contre ses opposants.

Les experts en droits de l’homme ont par ailleurs exhorté les autorités libanaises à demander « une assistance technique internationale », mettant en garde contre « le risque de miner davantage la confiance de la population libanaise dans le système judiciaire » qui serait causé par l’opacité de l’enquête. De manière plus générale, les rapporteurs ont appelé à une coopération entre l’expertise onusienne et les autorités judiciaires libanaises pour mettre un terme à « la pratique rampante de l’impunité ».

Quelque peu désabusée, Racha al-Ameer, la sœur de Lokman Slim, déclare à L’OLJ que « les experts s’adressent à un gouvernement malheureusement en état de désagrégation ». « Nous voulons que la caste dirigeante en place soit jugée », affirme-t-elle, évoquant le procès de Nuremberg au cours duquel avaient été jugés des dirigeants de l’Allemagne nazie, comme pour indiquer qu’elle n’a pas grand espoir dans la justice locale.

Près de quatre mois après le meurtre de Lokman Slim, farouche opposant au Hezbollah et militant en faveur de la laïcité et de la démocratie, sa famille ainsi que l’opinion publique ne savent toujours rien sur les circonstances du drame et de l’identité des assassins. Le chercheur et activiste ayant été tué le 4 février dans un village du caza de Zahrani au Liban-Sud, l’enquête...

commentaires (2)

QUELLE HONTE POUR LE PAYS RIEN QUE DE PARLER DE JUGES ET D,AVOCATS CERTES SOUS INFLUENCE POLITIQUE OU BAKCHI...CHIENNE...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 09, le 25 mai 2021

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • QUELLE HONTE POUR LE PAYS RIEN QUE DE PARLER DE JUGES ET D,AVOCATS CERTES SOUS INFLUENCE POLITIQUE OU BAKCHI...CHIENNE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 09, le 25 mai 2021

  • En tous cas, avoir confié l'enquête à un juge proche du Hezbollah, principal suspect, prouve bien que l'on ne souhait pas la voir aboutir.

    Yves Prevost

    07 h 11, le 25 mai 2021

Retour en haut