Des convois de bus décorés de portraits du président syrien Bachar el-Assad, en plein Kesrouan et à Achrafieh. Des voitures brandissant des drapeaux syriens, notamment à Sassine, lieu hautement symbolique de la résistance chrétienne contre la présence syrienne au Liban. Des slogans scandés à Nahr el-Kalb faisant l’éloge de celui qui est assuré, sans aucune surprise, de remporter encore une fois le scrutin présidentiel syrien, et qui incarne toujours, aux yeux de nombreux Libanais, un bourreau tant de son peuple que de celui du pays du Cèdre.Ces scènes provocatrices étaient à même de remuer le couteau dans des plaies profondes non encore guéries. Au point où certaines parties, en particulier les Forces libanaises, ont quasiment justifié hier les réactions violentes de nombreux jeunes de ces régions à l’encontre de ces votants syriens pro-Assad, tout en s’abstenant de les parrainer officiellement.Ces scènes ont ravivé des images sinistres de l’époque de la guerre civile, que la mémoire collective libanaise n’arrive toujours pas à dépasser. Sept ressortissants syriens ont ainsi été blessés dans une rixe avec des Libanais sur l’autoroute de Nahr el-Kalb, au nord de Beyrouth, alors qu’un convoi d’électeurs pro-Assad passait par cet axe pour se rendre à l’ambassade de Syrie, à Yarzé. Plusieurs dizaines d’hommes, dont nombre de partisans des Forces libanaises hostiles au régime Assad, ont pris part à cette rixe. Ils ont saccagé plusieurs voitures du convoi syrien. La route a également été brièvement coupée un peu plus au nord, à Jounieh. Et sur la place Sassine, à Achrafieh, une voiture décorée de drapeaux syriens a été saccagée dans les mêmes circonstances, avant que la police antiémeute n’intervienne.
« Réactions spontanées »
Si des doigts accusateurs ont été rapidement pointés en direction des FL, connues pour leur farouche opposition au régime de Damas, le parti se défend naturellement d’avoir pris une décision centrale de s’en prendre violemment aux électeurs syriens. La formation ne dément toutefois pas les informations selon lesquelles des partisans FL ont participé aux rixes. Contacté par L’Orient-Le Jour, Imad Wakim, député FL de Beyrouth I, dément toute volonté de sa formation de parrainer des actes de violence. « Mais ce sont les Syriens qui ont opté pour des actes provocateurs. Et il est très normal que les habitants d’Achrafieh soient gênés et ripostent », précise-t-il, ajoutant qu’« Achrafieh ne peut pas oublier que l’armée syrienne l’avait complètement détruite durant la guerre des cent jours de 1978, et que Bachir Gemayel, ex-président de la République élu (et fondateur des FL), y a été assassiné en 1982 ». « Plus récemment, la Syrie a assassiné les leaders du 14 Mars », a-t-il affirmé, notant que « des centaines de Libanais sont encore détenus dans les prisons du régime syrien ». « Tout cela touche profondément la conscience des Libanais. Et c’est l’État qui devrait s’acquitter de ses responsabilités sur ce plan. Les autorités compétentes devraient convoquer l’ambassadeur de Syrie au Liban et le mettre en garde contre le fait d’irriter la sensibilité de certaines régions », estime M. Wakim.
Le secrétaire général des FL, Ghassan Yared, emboîte le pas au leader du parti. Dans un communiqué publié mercredi, Samir Geagea avait appelé les responsables libanais à prendre des mesures pour que les réfugiés syriens qui voteront aujourd’hui pour le président Bachar el-Assad soient appelés à « quitter immédiatement le Liban, et à se rendre dans les régions contrôlées par le régime en Syrie ». « Nous n’avons aucun problème à ce qu’ils votent comme bon leur semble. Mais que ceux qui choisissent Assad aillent chez lui », déclare M. Yared, qui se défend de toute xénophobie.
Le vote des Syriens au Liban pic.twitter.com/HqpJb5gQmd
— Mohammed Yassin (@Moe_Yassn) May 21, 2021
Commentant les échauffourées d’hier, le responsable FL souligne, lui aussi, que le passage de convois décorés de photo du président syrien est un acte provocateur, d’où les réactions. « Ce sont des réactions spontanées, que nous avons endossées », déclare-t-il, affirmant toutefois que le directoire du parti a tenté de calmer les esprits pour éviter le pire. « D’abord, nous ne tolérons pas les provocations. Ensuite, le Liban est le pays des Libanais. Ce n’est pas une scène de théâtre pour les autres », renchérit-il toutefois. Mais au-delà des bagarres entre Libanais et votants syriens, les échauffourées d’hier semblent aussi être porteuses de messages clairs en direction des alliés locaux de Damas et, plus généralement, de tous les protagonistes libanais, à savoir que dans les régions chrétiennes, le poids et l’influence des Forces libanaises restent entiers et qu’il s’agit d’un paramètre que les autres parties devraient prendre en compte.
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Nous n’allons quand même pas nous excuser d’avoir été humain et de les avoir accueillis pour les sauver d’une mort certaine ni de nous défendre quand ils se montrent ingrats et se comportent comme des inquisiteurs alors que jusqu’à l’heure ils sont considérés comme étant de réfugiés donc ils devraient raser les murs et s’abstenir de provoquer la population sinon ils n’ont rien à faire sur notre sol ni eux ni leurs pareils. Le Liban n’est pas un territoire à conquérir, il appartient aux libanais qui eux décideront qui est le bienvenu et ne l’est plus.
Sissi zayyat
11 h 06, le 22 mai 2021