En l’espace d’une demi-heure, une dizaine de clients entrent dans une petite pharmacie de Hazmieh et la plupart repartent les mains vides. Parmi eux, une jeune femme, qui écume visiblement les pharmacies de la région, arrive avec une longue liste à la main. « J’ai quelques boîtes de certains des médicaments qu’elle demande, mais je ne lui en ai pas vendu parce que je les laisse pour mes clients », confie la gérante de la pharmacie à L’Orient-Le Jour, sous couvert d’anonymat. « Je me sens coupable mais je ne peux pas faire autrement. Ce mois-ci, les fournisseurs ne nous ont donné qu’une boîte de chaque produit ! », soupire-t-elle. « C’est ridicule, je ne sais que faire de cette boîte. Il y a encore plus de restrictions qu’avant », indique cette pharmacienne qui confie être stressée en permanence « à cause de la situation du secteur ». « Au début de la crise, le fournisseur m’envoyait cinq boîtes de chaque produit. Mais aujourd’hui, certains médicaments sont tout simplement introuvables », ajoute-t-elle.
Karim Gebara, président du syndicat des importateurs de médicaments, confirme à L’OLJ que les restrictions dans les livraisons aux pharmacies ont été renforcées ce mois-ci, alors qu’elles étaient déjà dures à la base. En cause, un changement de procédure de la part de la Banque du Liban (BDL) qui subventionne l’importation des produits pharmaceutiques.
« La BDL a changé la procédure des subventions début mai. Elle demande désormais que les importateurs obtiennent une confirmation préalable pour n’importe quelle commande, explique M. Gebara. Au lieu que ce changement ne s’applique sur les commandes futures, il a été appliqué sur des importations déjà arrivées au Liban ou en route vers le pays, pour des raisons techniques relatives au fait que certains dossiers relatifs aux commandes n’étaient pas encore arrivés à la BDL », indique-t-il.
« La situation empire de jour en jour »
Pour débloquer la situation et disposer librement des médicaments déjà arrivés au Liban, le syndicat des importateurs s’est empressé de contacter la BDL. « Nous avons fait les démarches nécessaires pour obtenir confirmation pour la subvention de ces commandes, mais elles sont restées sans réponse pour l’instant », confie Karim Gebara. « Il aurait fallu que cette modification dans la procédure soit appliquée à partir d’une certaine date. À l’heure actuelle, la moitié de notre stock est bloquée dans les entrepôts et notre stock est déjà faible à la base », ajoute-t-il. « La situation empire de jour en jour, confie pour sa part un pharmacien à Achrafieh qui a requis l’anonymat. On commande 10 boîtes de médicaments, et au final on ne nous en envoie qu’une seule par mois ! » dénonce-t-il. « Les médicaments des maladies cardiaques, du diabète, du cholestérol et de l’hypertension sont introuvables. On manque de tout », explique ce pharmacien.
Il fait partie de ceux qui refusent de répondre aux demandes de nouveaux clients. « Je ne vend pas à des clients de passage, même si je dispose des médicaments dont ils ont besoin. Sinon je ne peux pas reconstituer mon stock. Si je réponds à toutes les commandes que je reçois, j’écoule tout mon stock en une semaine, soupire-t-il. Notre travail est de plus en plus difficile, nous arrivons à peine à répondre à la demande de nos clients réguliers. À cause de cette situation, certaines pharmacies ont tout simplement fermé leurs portes, d’autres font moins d’heures de travail », ajoute-t-il.
Rationalisation des subventions ?
Ghassan el-Amine, président de l’ordre des pharmaciens, n’est pas optimiste. « Même si la Banque centrale finit par accorder une ligne de crédit pour les commandes, la situation ne sera pas réglée de façon durable. On répondra aux besoins du marché pour un ou deux mois au plus, avant de nous retrouver face au même problème », analyse-t-il.
« Qu’ils se décident, veulent-ils garder les subventions ou les retirer ? » Il plaide pour « une solution radicale », estimant qu’il faut « rationaliser les subventions », accusant les autorités « de ne pas vouloir assumer leurs responsabilités ».Même son de cloche du côté de Karim Gebara. « Les médicaments sont disponibles mais il faudra s’attendre à davantage de ruptures de stocks et de restrictions car personne ne sait comment nous allons continuer à subventionner ces produits. Il faut mettre en place un plan de rationalisation des subventions », dit-il.
En attendant, les patients continuent de stocker des médicaments chez eux, au risque d’alimenter le cercle vicieux de la pénurie.
« Ceux qui ont les moyens continuent à acheter des produits qui pourraient suffire pour un an, ce qui fait que les personnes qui attendent de toucher leur salaire à la fin du mois pour acheter leurs médicaments ne trouvent plus rien », déplore un pharmacien à Aïn Saadé. « Les gens paniquent et on ne peut pas leur en vouloir, mais cette situation fait mal au cœur », lance-t-il.
« Le médecin m’a récemment prescrit un médicament pour l’hypertension. J’ai mis une semaine avant de pouvoir me le procurer, alors que je suis pharmacien. Je n’ose imaginer à quoi les personnes souffrant de maladies chroniques font face », soupire-t-il.
Quelqu’un peut m’expliquer svp la différence entre le liban et le burundi?
22 h 31, le 20 mai 2021