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Diplomachins

Le ministre sortant des Affaires étrangères peut être tranquille, il s’est d’ores et déjà mitonné, et bétonné, une place à part dans les annales de la diplomatie libanaise.


Pour commencer, Charbel Wehbé détient le peu reluisant record de brièveté dans le plein exercice de ses fonctions. Appelé à remplacer en catastrophe son prédécesseur qui venait de rendre son tablier, cet ancien ambassadeur devenu conseiller du chef de l’État se retrouvait, une semaine plus tard, au chômage technique, avec la démission du gouvernement Diab, suite à la meurtrière catastrophe du port de Beyrouth.


Astreint à l’expédition des affaires courantes, le malchanceux avait une occasion de se rendre utile autrement qu’en se dévouant pour assurer formulaires, stylos-billes et agrafeuses à son département durement atteint, comme tous les autres d’ailleurs, par la crise. Il aurait mérité de la patrie en se décarcassant pour améliorer, autant que possible, l’image extérieure du Liban ; pour lui attirer la sympathie du monde ; pour tenter de rétablir les ponts mis à mal par une politique étrangère longtemps confiée au chef du parti présidentiel, outrageusement complaisante envers l’Iran, et qui ne pouvait qu’irriter notre environnement arabe. Or c’est tout le contraire d’un redressement que vient d’opérer, sous nos yeux écarquillés, un homme censé être pourtant un diplomate de carrière.


Car jamais autant d’énormités n’auront été débitées, en aussi peu de minutes, que lors de cette interview qu’accordait lundi le ministre à la chaîne américaine arabophone al-Hurrah. Le Hezbollah, qui est au centre de nos différends avec le monde arabe ? Une police d’assurance pour le Liban, estime ainsi le ministre, et zut pour la crise économique et financière qui peut en résulter ! En revanche, il accuse des pays supposés frères et amis d’avoir créé Daech et envoyé des terroristes aux quatre coins de la région. Montant sur ses grands chevaux, il quitte le plateau quand un analyste saoudien invité à l’émission (et qui n’a visiblement aucun sens du tragique) qualifie de duo comique le tandem Michel Aoun-Gebran Bassil ; Wehbé croit alors avoir le dernier mot – na! – en retournant l’insulte à l’irrévérencieux Bédouin.


Encore un record battu : jamais pareille collection de maladresses n’aura menacé d’avoir des conséquences plus graves. Comment en effet le locataire du palais Bustros a-t-il pu oublier un instant que les royaumes pétroliers du Golfe figurent en tête des contributeurs aux projets de fonds d’assistance financière au Liban ; que, de surcroît, des centaines de milliers d’expatriés libanais y travaillent, renvoient des devises au pays et risquent d’être les premiers à pâtir d’éventuelles représailles ?


Non moins scandaleuse cependant que les déclarations du ministre est la rhétorique dont ont usé les officiels pour en atténuer la portée. En assurant que le ministre parlait pour lui-même et que ses vues ne reflétaient pas la position de l’État, la présidence de la République n’a fait en réalité que reconnaître l’effroyable état de délabrement dans lequel baignent les institutions. En se bornant à protester des sentiments d’amitié et de gratitude que porte le Liban aux pays du Golfe, le Premier ministre sortant est complètement passé à côté de la plaque. Quant à la triste vedette du jour, il est clair que ses excuses, présentées pour avoir tenu des propos sous le coup de la colère, ne suffiront guère pour apaiser celle des pétromonarchies…


À tourner en dérision les Bédouins d’Arabie, ce sont les Libanais, de l’intérieur comme du Golfe, que le sieur Wehbé, avec une insoutenable légèreté, voue à la nomadisation. Au ministre sortant des AE, il est devenu urgent de montrer la sortie. Au besoin, de l’y conduire de force.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Le ministre sortant des Affaires étrangères peut être tranquille, il s’est d’ores et déjà mitonné, et bétonné, une place à part dans les annales de la diplomatie libanaise. Pour commencer, Charbel Wehbé détient le peu reluisant record de brièveté dans le plein exercice de ses fonctions. Appelé à remplacer en catastrophe son prédécesseur qui venait de rendre son...