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Nos Lecteurs ont la Parole

Dernier hommage au frère André Delalande

Homme de « culture » et « apôtre », tel apparaît d’abord le frère André : c’est ce qui attire en lui la curiosité. Je me souviens d’un jour où, dans un centre de documentation à la bibliothèque des Jésuites, on attendait avec patience qu’un responsable voulût bien nous recevoir. Dans l’attente, le frère André en soutane couleur beige surgit, s’assit parmi les chercheurs, lui aussi solliciteur de culture. Il dévisagea un sourire bienveillant de ma part et se dirigea aimablement vers moi pour répondre gentiment à ce sourire en disant « Bonjour ».

J’ai saisi le lien, la structure de ces deux parties du frère : religieux d’abord, homme sociable ensuite, cherchant et acceptant d’entretenir une conversation amicale au lieu de se résigner à attendre son tour à l’intérieur des bibliothèques.

En me disant qu’il reste à savoir comment, dans la pratique quotidienne, dans le secret intérieur, on peut associer ces deux appels : celui qui vient de Dieu et qu’on appelle « l’élection » ; et celui qui vient de l’homme et qu’on appelle « la fraternité ».

Le frère André préparait un mémoire ayant pour thème « Marie reine du Ciel ». Un volume destiné à sa communauté de Jbeil, au Collège Notre-Dame de Lourdes, en collaboration avec le regretté frère Gaudence. Et ce fut pour beaucoup une surprise de constater que le frère était d’abord un mystique pénétré d’esprit évangélique et marial. Son intelligence vive des besoins des temps présents lui montrait que le principal drame était la nécessité de réveiller des vocations. Il se consacra donc à l’évangélisation chrétienne, surtout, en écartant par sa parole et sa pensée certains préjugés nés du laïcisme dans le monde contemporain.

Pour cela, il disposait d’un don très peu répandu, difficile à définir. Si ce don s’était élevé en décorations, il aurait fait un excellent apôtre populaire, égal à un agrégé en lettres doublé d’un missionnaire. Tout le servait : une carrure souple, un regard affable et mobile, un air souple de gentleman, un humour cordial coupé d’exemples retentissants, une assurance hardie dans le bon sens et dans le prolongement de sa foi vers un amour délicat et inventif pour les autres, et cette faculté si rare de se trouver automatiquement au niveau de l’homme en tant « qu’homme ». Ce don d’humanité dans la bonhomie se réfugie souvent chez les ascètes. Et nul ne peut l’imiter et l’obtenir s’il ne le possède d’avance.

En somme, c’était de l’amour fraternel, une sorte de pudeur. Sans être le moins du monde un prêtre, il avait naturellement « ce don et ce ton de conférencier » qui semble dire : « Ah ! les amis ! Nous en sommes tous là, mais il nous faut persévérer et avoir confiance en Dieu, et surtout avancer joyeusement et scrupuleusement ! »

Nous croyons que c’est par la possession de ce don si humain que ce religieux unissait la vocation et l’élection, et qu’il pouvait monter les degrés de cette échelle des valeurs allant de l’enseignement à la prédication puis aux « retraites communautaires d’abord, ensuite à celles des prélats », ou les nuits passées en prières et en méditations en face du tabernacle.

Le frère André jetait et semait la semence à tout vent. Il se retrouvait dans les lieux saints pour s’éclairer, là où l’Esprit le poussait : de la chapelle à l’oratoire et de l’oratoire au milieu des salles où la jeunesse et les hommes l’attendaient. Il était sans conteste l’aigle, l’ange à face d’homme. Il était le survivant parmi les survivants, l’un des plus doués.

Eh oui ! Lorsque naît dans une nation un individu capable de produire de grandes pensées, il en naît un autre qui prend la relève capable de les comprendre, de les assimiler et d’en dessiner de nouveaux jalons à parcourir.

Maintenant, le frère André se promène dans la gloire, main dans la main avec son ange gardien pour des retrouvailles familiales et amicales au milieu des saints et des élus. Une fortune éternelle récoltée au Ciel parmi les saints !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Homme de « culture » et « apôtre », tel apparaît d’abord le frère André : c’est ce qui attire en lui la curiosité. Je me souviens d’un jour où, dans un centre de documentation à la bibliothèque des Jésuites, on attendait avec patience qu’un responsable voulût bien nous recevoir. Dans l’attente, le frère André en soutane couleur beige surgit,...

commentaires (2)

J'ai eu l'immense chance d'avoir le frère André, professeur de littérature en classe de seconde et de première, au Collège des frères Maristes à Jounieh. Je garde de lui le souvenir de son sourire, de ses paroles avenantes, une douceur exquise, une proximité humaine et une humeur toujours égale. Il était pétri de spiritualité et d'humanisme. J'ai garde de lui une correspondance d'une écriture claire, régulière, presque juvénile, alors qu'il était presque centenaire. Dieu l'avait comblé de grâces et du don de fidélité à sa vocation de missionnaire Mariste, jusqu'à 103 ans ! Le frère André avait trouvé une perle rare, la voie de la sainteté !

MELKI Raymond

19 h 57, le 02 novembre 2022

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Commentaires (2)

  • J'ai eu l'immense chance d'avoir le frère André, professeur de littérature en classe de seconde et de première, au Collège des frères Maristes à Jounieh. Je garde de lui le souvenir de son sourire, de ses paroles avenantes, une douceur exquise, une proximité humaine et une humeur toujours égale. Il était pétri de spiritualité et d'humanisme. J'ai garde de lui une correspondance d'une écriture claire, régulière, presque juvénile, alors qu'il était presque centenaire. Dieu l'avait comblé de grâces et du don de fidélité à sa vocation de missionnaire Mariste, jusqu'à 103 ans ! Le frère André avait trouvé une perle rare, la voie de la sainteté !

    MELKI Raymond

    19 h 57, le 02 novembre 2022

  • Magnifique dernier hommage rendu à ce saint frère. Nombreux avant lui dans ce collège que j'ai bien connu autrefois ont tracé également la route.

    Bassam Youssef

    09 h 22, le 06 mai 2021

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