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Politique - Gouvernement

La récusation de Hariri, une option désormais envisageable

La crainte d’être traité à égalité avec le camp aouniste par les Français sur le plan des sanctions et la volonté de laisser Michel Aoun face à ses responsabilités pourraient être à l’origine de la décision du Premier ministre désigné.

La récusation de Hariri, une option désormais envisageable

Saad Hariri recevant hier le mufti de la République Abdellatif Deriane, réputé proche de lui, pour un iftar à la Maison du Centre. Photo Dalati et Nohra

Coup de théâtre à la veille de l’arrivée du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à Beyrouth : une rumeur persistante de la possibilité d’une récusation du Premier ministre désigné Saad Hariri a circulé hier en ville, une tendance rapidement confirmée par le vice-président de son courant politique (du Futur), l’ancien député Moustapha Allouche, dans ses déclarations aux médias. La décision n’a certes pas été prise, comme prend soin de préciser le député du Futur Hadi Hobeiche dans une déclaration à l’agence al-Markaziya, mais l’éventualité a bien été posée. Cette semaine sera « décisive » pour le Premier ministre désigné, selon des sources concordantes.

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Jusque-là, cette éventualité était impensable, Saad Hariri ayant souvent déclaré qu’il ne rebrousserait pas chemin malgré le blocage continu du processus de formation du gouvernement, dont il attribue la responsabilité au président de la République Michel Aoun et au chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil. En réponse à un discours musclé du président Aoun le 17 mars dernier, dans lequel celui-ci demandait au Premier ministre désigné de « monter à Baabda pour former un gouvernement ou de céder sa place », Saad Hariri l’avait défié en proposant « une élection présidentielle anticipée, ce qui constituerait le seul moyen constitutionnel possible pour annuler les effets de (son) élection il y a cinq ans à la présidence par le Parlement qui m’a nommé Premier ministre désigné ».

Aujourd’hui, plus de sept mois après sa nomination le 22 octobre dernier, Saad Hariri semble prêt à renoncer à former un gouvernement, contrairement à toutes ses déclarations passées. Pourquoi ?

Interrogé par L’Orient-Le Jour sur la question, Moustapha Allouche confirme que « la récusation est dorénavant une option très envisageable ». « L’autre camp insiste sur le tiers de blocage, et il nous semble de plus en plus impossible de former un gouvernement avec un acteur qui tient au tiers de blocage, alors que c’est une condition rédhibitoire pour nous », ajoute-t-il.

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Pourquoi maintenant, tant de mois après la désignation de Saad Hariri ? « Toutes les tentatives et toutes les médiations ont échoué, répond-il. Malgré toutes les pressions, la formation d’un gouvernement nécessite l’approbation de (l’ancien ministre et chef du CPL) Gebran Bassil, étant donné que le président de la République semble lui avoir tout confié. »

Quid du timing de cette éventualité alors qu'est attendu cette semaine à Beyrouth le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian ? « Je n’en sais rien, mais il est clair que si Le Drian est incapable de réaliser une quelconque avancée, il sera alors évident que former un gouvernement avec l’autre partie en présence devient impossible », estime M. Allouche.

Une perspective de sanctions françaises ?

Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, il y aurait trois raisons principales à ce (possible) revirement de Saad Hariri. D’une part, celui-ci avait cru à tort que ses tentatives de réconciliation avec l’Arabie saoudite, via les Émirats arabes unis ou l’Égypte, aboutiraient, ce qui n’a pas été le cas. D’autre part, le président de la République et son gendre ont tenu bon dans leur refus de ses conditions, et il est convaincu qu’ils ne veulent pas de lui en tant que Premier ministre désigné. Enfin, il est très affecté par l’idée que les Français puissent le mettre sur un pied d’égalité avec ses adversaires politiques en matière de blocage gouvernemental, et qu’ils envisageraient, par conséquent, d’imposer éventuellement à son camp des sanctions. Il aurait ainsi choisi de se retirer avant de subir des sanctions qui, dans son cas, lui nuiraient beaucoup plus qu’à ses rivaux politiques. Et face à son public sunnite, sa position serait beaucoup plus défendable s’il se retirait maintenant de la scène, dans la perspective des élections à venir.

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D’autres sources bien informées placent cette nouvelle volonté de Saad Hariri dans le cadre de l’effondrement général que subit le pays. Ainsi, il chercherait à sortir du paysage gouvernemental avant la date à laquelle la Banque du Liban pourrait lever les subventions sur nombre de denrées, comme les produits pétroliers et autres. Il ne voudrait pas avoir à assumer la responsabilité de la hausse vertigineuse des prix qui devrait s’ensuivre et plonger le pays dans un potentiel chaos, dans une claire volonté de laisser le président de la République affronter seul cette situation.

En effet, affirment des sources proches de la Maison du Centre, Saad Hariri, qui recevait hier le mufti de la République Abdellatif Deriane pour un iftar, continue de faire assumer l’entière responsabilité du blocage gouvernemental à Michel Aoun et Gebran Bassil. De par leur insistance à nommer les ministres chrétiens, notamment les deux qui ne sont pas dans leur « part », ils ont mis le Premier ministre désigné dans une position délicate : soit rejeter la proposition et condamner le gouvernement, soit accepter cette éventualité qui revient, selon lui, à leur accorder le tiers de blocage. Il a bien été question d’une proposition du patriarche maronite Béchara Raï, qui consistait à demander à Saad Hariri de proposer quatre à cinq noms dont Michel Aoun choisirait deux. Une autre proposition visait à demander aux Français eux-mêmes de choisir les deux ministres. Les tentatives dans leur diversité n’ont pas abouti à rapprocher les points de vue et à produire un gouvernement.

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Les développements régionaux seraient-ils aussi à l’origine d’une éventuelle récusation ? La visite d’un haut responsable des services secrets saoudiens à Damas y serait-elle pour quelque chose ? Un tweet de l’ancien ministre Wi’am Wahhab suggère un lien avec les développements régionaux : « Je conseille au Premier ministre désigné Saad Hariri, en toute amitié et sans aucune arrière-pensée politique, de se récuser et de céder la place à un autre, parce qu’une décision majeure a été prise de l’éloigner du pouvoir. »

La carotte et le bâton

Sur un autre plan, on ne sait toujours pas si une réunion avec Saad Hariri est prévue dans le programme de M. Le Drian à Beyrouth jeudi. De source officielle, on indique que ce programme ne sera rendu public qu’aujourd’hui, probablement dans l’après-midi. Toutefois, des sources suivant de près cette visite notent que les seuls rendez-vous « officiels » demandés concernent le président de la République et le chef du Parlement, Nabih Berry. Ce qui n’exclut pas un entretien avec Saad Hariri, mais aussi avec le patriarche maronite et plusieurs blocs politiques.

Toujours selon ces sources, M. Le Drian devrait brandir autant la carotte que le bâton durant ses entretiens au Liban. Une visite, assurent-elles, qui jouit du soutien de plusieurs grandes puissances, y compris la Russie qui œuvre à maintenir la stabilité au Liban, afin de protéger ses intérêts en Syrie.

Coup de théâtre à la veille de l’arrivée du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à Beyrouth : une rumeur persistante de la possibilité d’une récusation du Premier ministre désigné Saad Hariri a circulé hier en ville, une tendance rapidement confirmée par le vice-président de son courant politique (du Futur), l’ancien député Moustapha Allouche,...

commentaires (14)

En qualité de Franco-Libanais, je me permets de demander à Rafic Hariri de ne pas accepter d'être mis sur un même pied d'égalité que Gebran Bassil. Ce dernier étant un ex-ministre et le président du parti presidentiel, n'a aucune qualité qui justifierait une rencontre avec Jean-Louis Le Drian pour une question qui concerne la formation du nouveau gouvernement. En effet, cela ne concerne que le Président de la République et le Premier Ministre désigné.

Un Libanais

21 h 02, le 05 mai 2021

Tous les commentaires

Commentaires (14)

  • En qualité de Franco-Libanais, je me permets de demander à Rafic Hariri de ne pas accepter d'être mis sur un même pied d'égalité que Gebran Bassil. Ce dernier étant un ex-ministre et le président du parti presidentiel, n'a aucune qualité qui justifierait une rencontre avec Jean-Louis Le Drian pour une question qui concerne la formation du nouveau gouvernement. En effet, cela ne concerne que le Président de la République et le Premier Ministre désigné.

    Un Libanais

    21 h 02, le 05 mai 2021

  • Hariri doit se récuser et démissionner du parlement ainsi que tous les députés du Futur, des FL, PS et autres. Une intifada totale et solidaire contre la classe au pouvoir doit être organisée afin de pousser à des élections législatives et présidentielles anticipées. Il faut faire comprendre à Le Drian que ce n'est pas un gouvernement avec à leur tête la même clique de voleurs que le Liban ait besoin mais d'un changement total de toute la crasse politique qui gouverne le pays depuis plus de 30 ans.

    Achkar Carlos

    19 h 11, le 05 mai 2021

  • Il fait très bien Hariri , je veux voir qui aura le courage d'entrer dans cette enfer???

    Eleni Caridopoulou

    18 h 42, le 05 mai 2021

  • Ce serait une excellente idée que si par exceptionnel Hariri se désistait, que son blog de députés en fasse autant, à cela s'ajouteraient les FL. A chaos chaos et demi .... A partir de là les masques pourront tomber. Quelle personnalité sunnite, dans ce cas de figure, accepterait de former un gouvernement ?

    C…

    17 h 08, le 05 mai 2021

  • En conclusion à cet article et même à certains commentaires: notre seul salut est de devenir hindou ou boudistes, mourir en paix et retourner dans un Liban où toute cette clique d'incapables aurait disparu complètement de la face de la terre ainsi que leurs descendants et leurs laquais... Le problème est qu'une fois les hindous ou le boudistes sauront notre pays d'origine ils refuseront de nous accepter parmi eux de peur de se faire inonder de co------s assaisonnés de captagone dont nous sommes devenus fameux... Diaaaanak ya lebnéne

    Wlek Sanferlou

    15 h 22, le 05 mai 2021

  • Au cas où Hariri se désiste, le "fort" de Baabda combattra son ombre.

    Esber

    14 h 22, le 05 mai 2021

  • Ça n’est pas tant la perte de Hariri qui inquiète les libanais mais plutôt le fait que le clan des fossoyeurs aient le dernier mot. Espérons que le plan B de la France soit plus clairvoyant et que la visite de M. Le Drian n’est pas dans le but de remettre en scelle les fossoyeurs que les libanais veulent voir quitter le pouvoir par tous les moyens. Si la France a décidé de faire des concessions et livrer le Liban aux vendus contre un accord quelconque avec les ennemis du Liban, les libanais ne lui pardonneront jamais cette faute historique. Surtout que M. le Drian et M. Macron ne viennent pas nous dire que c’était la seule solution parce que pour arriver à ça nous n’avions pas besoin de leur aide.

    Sissi zayyat

    11 h 44, le 05 mai 2021

  • Seuls perdants ces pauvres émigrés qui vous maudissent et vous souhaitent la damnation éternelle!

    PROFIL BAS

    09 h 41, le 05 mai 2021

  • Nos "dirigeants"...tous !...sont-ils définitivement incapables de prendre des décisions importantes ? Par manque de connaissance exacte de leur fonction, de courage, de patriotisme ? Ils voyent leur pays sombrer...mais continuent de s'accrocher à des exigeances de nombre de ministres sunnites, chrétiens, chiites, druzes etc., uniquement pour satisfaire leur orgueil personnel. Ce qui pouvait fonctionner il y a 100 ans au Liban est dépassé ! Au fait...pourquoi garder ces assassins de notre pays en liberté ??? - irène Saïd

    Irene Said

    09 h 35, le 05 mai 2021

  • On va avoir un gouvernement CPL-Hezbo-Jamil Sayyed bis ? Et Salame pourra utiliser les reserves obligatoires pour poursuivre la contrebande vers la Syrie ? LOL

    Michel Trad

    09 h 07, le 05 mai 2021

  • Une récusation de Hariri non suivie d’une démission de ses députés du parlement et d’un appel à des législatives anticipées serait totalement inutile et même nuisible pour le pays. L’Axe de l’Imposture Khameneï Assad djihadistes chiites transnationaux veut soit Hariri marionnette à la tête du gouvernement, soit pas de gouvernement, mais surtout pas de législatives anticipées qui verraient la quasi-totalité des sièges aounistes passer aux Forces Libanaises. En se récusant mais sans rien faire pour avoir des législatives anticipées, Hariri nous rejouera le jeu du pseudo-opposant qu’il a l’habitude de jouer quand il ne peut pas gouverner le pays. Il fera ainsi porter le chapeau au pouvoir visible (Aoun) plutôt qu’au pouvoir profond (Hezbollah et Axe de l’Imposture) et fera au final le jeu de ce dernier en attisant les rancœurs de son public sunnite contre des chrétiens plutôt que des chiites. Le point positif est que la récusation de Hariri montrerait que le pays est ingouvernable par la majorité parlementaire actuelle et augmenterait la motivation des gens à descendre dans la rue pour réclamer des législatives anticipées. Si cela se produit alors le jeu de Hariri pseudo-souverainiste complice de l’Axe de l’Imposture sera enfin mis en échec (et mat). Et par contre là l’Axe enverra bien pire que la racaille choyée de Khandak el Ghamik pour mater la rébellion..

    Citoyen libanais

    08 h 11, le 05 mai 2021

  • LE DRIAN VIENT CHEZ AOUN ET BERRY....SI ON A L'INTENTION DE SANCTIONNER QUEQU'UN, ON VIENT PAS CHEZ LUI. DU CÔTÉ RAÏ, IL PROPOSE À HARIRI D'ÉCRIRE CINQ NOM QUE AOUN PUISSE CHOISIR ! QUELLE MASCARADE ! UN JEU D'ENFANTS.

    Gebran Eid

    05 h 42, le 05 mai 2021

  • Il est étonnant que l'auteur de cet article n'ai pas simplement envisagé que les foudres internationales et notamment françaises, de justice qui visent Riad Salamé (Français comme Hariri) ne soit pas crainte au point de devenir une cause de ce recul politique. La concomitance des faits est troublante.

    Alain Ménargues

    04 h 13, le 05 mai 2021

  • lamentable, lamentable, lamentable. Ce n'est pas l'intérêt des libanais qui fait bouger les leaders mais la peur d'être sanctionnés par l'étranger !!! Pauvre Liban.

    NASSER Jamil

    00 h 45, le 05 mai 2021

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