L'Arabie saoudite a annoncé vendredi suspendre les importations de fruits et légumes en provenance du Liban à partir de dimanche, jusqu'à ce que les autorités libanaises puissent garantir qu'elles prennent toutes les mesures nécessaires pour empêcher les opérations de narcotrafic à destination du royaume saoudien.
Dans un communiqué publié par l'agence de presse saoudienne officielle (SPA), Riyad souligne que cette décision a été prise après une "augmentation" des opérations de narcotrafic provenant du Liban ou traversant le pays du Cèdre, à destination de l'Arabie ou des pays voisins et passant par le territoire saoudien. Dans le cadre de ces opérations, des drogues sont le plus souvent cachées dans des cargaisons de fruits et légumes, selon le texte.
L'Arabie saoudite affirme avoir signalé le problème "à plusieurs reprises" à leurs homologues au Liban mais "aucune mesure pratique n'a été prise". A partir de dimanche, toutes les importations de fruits ou légumes en provenance du Liban seront donc interdites, ainsi que la traversée du territoire saoudien de chargements de tels produits. Cette suspension restera effective "jusqu'à ce que les autorités libanaises concernées présentent des garanties suffisantes et fiables qu'elles ont pris des mesures adéquates pour mettre un terme à ces opérations de contrebande systématique ciblant le royaume". Les autorités saoudiennes soulignent encore qu'elles continueront à "surveiller" les importations d'autres produits en provenance du Liban afin de déterminer si d'autres mesures s'avèrent nécessaires.
Une vidéo publiée par SPA montre des policiers saoudiens saisir des cargaisons de grenades, les fruits dissimulant à l'intérieur de petits sacs contenant des comprimés d'amphétamine. Au total, les douanes saoudiennes du port de Jeddah (ouest) ont retrouvé plus de 5,3 millions de comprimés de captagon dans ces fruits, selon SPA."Grosse perte"
Cette décision a fait réagir plusieurs responsables libanais. Le ministre libanais sortant des Affaires étrangères, Charbel Wehbé, informé de cette décision par l'ambassade saoudienne, a appelé les autorités compétentes à "déployer tous leurs efforts pour mettre un terme à ce trafic, en intensifiant les contrôles des services de sécurité et des douanes aux frontières". Il a en outre souligné, dans un communiqué, que "le trafic de drogues, notamment dans des conteneurs ou camions transportant des fruits et légumes, est un acte puni par la loi libanaise", et que cela "nuit à l'économie et à la réputation" du pays, ainsi qu'aux citoyens, agriculteurs et industriels.
Le ministre sortant de l'Agriculture, Abbas Mortada, a de son côté affirmé à l'agence de presse Reuters que l'interdiction saoudienne était "une grande perte", ces exportations atteignant une valeur de 24 millions de dollars par an. "C'est très grave, surtout si (ce trafic, ndlr) concerne aussi les autres états du Golfe, qui pourraient prendre des mesures similaires", a-t-il ajouté.
Son collègue au ministère de l'Intérieur, Mohammad Fahmi, a affirmé, également à Reuters, que "le Liban était prêt à coopérer avec tous les pays pour lutter contre le trafic de drogue" et que cela nécessitait des échanges d'informations entre les services de sécurité des pays concernés. Selon lui, "le Liban a déployé des efforts acharnés pour lutter contre ce trafic", mais les malfaiteurs réussissent parfois à passer entre les mailles du filet.
Le syndicat des ouvriers du port de Tripoli (Nord) a condamné, dans un communiqué, le trafic de drogue, mais appelé Riyad à revenir sur sa décision, estimant qu'elle allait affecter de nombreux travailleurs au Liban.
"Des camions syriens"
Le président du rassemblement des agriculteurs et paysans de la Békaa, Ibrahim Tarchichi, a, lui, nié toute implication d'agriculteurs libanais dans ce trafic. Il a estimé que ces opérations de contrebande ont lieu via "des camions syriens qui transitent par le Liban, arrivent au port de Beyrouth, sont chargés sur des navires et exportés". "Nous n'avons aucun lien avec les marchandises saisies, a-t-il affirmé. "Tout le monde le sait car le dernier camion confisqué (par Riyad, ndlr) était chargé de grenades. Or, nous n'en exportons pas, nous devons même les importer", a-t-il renchéri. Et d'appeler à un contrôle plus strict des camions syriens qui traversent le Liban. Il a dès lors appelé le chef d'Etat, Michel Aoun, le président du Parlement, Nabih Berry, le Premier ministre sortant, Hassane Diab, et le ministre sortant de l'Agriculture à se saisir de la question, en coopération avec les autorités saoudiennes. "Nous sommes au début de la saison agricole", a fait savoir M. Tarchichi, rappelant que le royaume saoudien se classe parmi les premiers importateurs de produits agricoles libanais.
Les forces de sécurité libanaises annoncent régulièrement des saisies de captagon à destination de pays du Golfe, notamment l'Arabie saoudite. Le captagon est une amphétamine tirée d'un ancien médicament psychotrope, selon un rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Il est fabriqué au Liban et probablement aussi en Syrie et en Irak, essentiellement à destination de l'Arabie saoudite.
Riyad a pris ses distances avec Beyrouth, jadis un partenaire proche, ulcérée par la forte influence du Hezbollah, mouvement chiite allié à son grand rival du Golfe, l'Iran.
commentaires (7)
Une preuve de plus que le pays est sous la complète emprise du parti divin. Cette fois ci c’en est trop. Séparation tout de suite sous la forme que vous voulez y compris partition. Le Liban de 1943 n’existe plus
Lecteur excédé par la censure
08 h 15, le 24 avril 2021